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Fonction publique - Un rapport accable une expérimentation sur le contrôle des arrêts maladie des fonctionnaires

Dans un rapport, trois corps d'inspection de l'Etat constatent "l'échec" de l'expérimentation du contrôle des arrêts maladie des fonctionnaires par les caisses primaires d'assurance maladie, qui était menée depuis cinq ans dans six départements. Le dispositif va prendre fin.

L'expérimentation du contrôle des arrêts maladie des fonctionnaires par les caisses primaires d'assurance maladie menée dans six départements s'achève sur un bilan très décevant.
Trois corps d'inspection de l'Etat (IGA, Igas, IGF) ont livré des conclusions accablantes sur le dispositif. Remis en décembre 2015, leur rapport était resté confidentiel. Il a finalement été publié quelques jours après l'annonce par la ministre de la Fonction publique, le 10 novembre dernier, qu'il sera mis fin à l'expérimentation (voir notre article du 15 novembre 2016 : Le gouvernement fait adopter un train de mesures pour mieux lutter contre l'absentéisme).
Le Parlement est à l'origine de cette initiative inscrite dans la loi de financement de la Sécurité sociale de fin 2009. Les premiers tests ont démarré le 20 octobre 2010 pour l'Etat et le 1er janvier 2012 pour les collectivités locales et les établissements de santé. Les administrations engagées dans le dispositif sont situées dans six départements : les Alpes-Maritimes, le Bas-Rhin, l'Ille-et-Vilaine, le Puy-de-Dôme, le Rhône et Paris. Quatre collectivités territoriales, au total, y ont participé : les mairies de Menton et de Saint-Malo et les conseils généraux du Rhône et des Alpes-Maritimes.

"Des choix initiaux discutables"

Dans les six départements, le service médical de la caisse primaire d'assurance-maladie a eu la charge d'effectuer le contrôle médical de certains arrêts de travail de maladie ordinaire des agents des administrations engagées dans l'expérimentation. Un contrôle administratif des heures de sortie autorisées a été aussi prévu. Outre une plus grande équité entre les salariés du privé et les agents de la fonction publique, une amélioration du suivi des absences pour maladie des fonctionnaires et une meilleure connaissance de leurs habitudes de consommation de soins étaient attendus.
Mais, "l'expérimentation a été marquée par des choix initiaux discutables, qui n'ont jamais fait l'objet de réajustements sérieux", observe la mission d'évaluation. En particulier, le choix de contrôler les congés maladie ordinaires de longue durée (entre 45 jours et 6 mois) ne serait pas cohérent avec les besoins exprimés par les administrations. En effet, celles-ci sont plus affectées dans leur fonctionnement par les absences de très courte durée (moins de 7 jours) et courte durée (de 8 à 30 jours). Par ailleurs, la mission critique le choix d'un échantillon d'administrations "insuffisamment représentatif", ainsi que le cahier des charges, "défini sans diagnostic préalable" et "inadapté aux capacités de terrain". Autres points faibles de l'expérimentation : le pilotage national, qui "s'est délité" et l'animation de proximité, qui a été insuffisante. Ces carences ont conduit de nombreuses administrations, comme les mairies de Menton et de Saint-Malo et le conseil général du Rhône, à abandonner peu à peu "le processus d'enregistrement de leurs arrêts de travail sur le système d'information dédié". Si bien qu'à la mi-2015, l'expérimentation était "moribonde".
Parmi les arrêts maladie contrôlés par les médecins-conseils sur l'ensemble de la durée de l'expérimentation, on sait toutefois qu'"entre 7,9% et 10,6%" sont des arrêts injustifiés. On ne peut toutefois en conclure que la fraude atteint de tels niveaux, préviennent les hauts fonctionnaires de l'Etat. En effet, l'arrêt de travail a pu être justifié au moment où il a été prescrit, mais il ne l'était plus au moment du contrôle.

Très peu de sanctions

Les inspections regrettent que les administrations n'aient tiré "que très peu de conséquences concrètes des retours des contrôles médicaux réalisés par les médecins-conseils de l'assurance maladie, lorsque ces derniers relevaient le caractère injustifié d'un arrêt de travail". Ainsi, dans 85% des cas, les arrêts injustifiés n'ont donné lieu à aucune suite. Les employeurs n'ont prononcé des sanctions que dans de très rares cas.
La mission conclut que l'expérimentation "n'a pas démontré de valeur ajoutée et n'a pas atteint les objectifs qui lui avaient été assignés". Une généralisation lui apparaît "inenvisageable".
Tout en suivant cette recommandation, le gouvernement a proposé un nouveau dispositif de lutte contre l'absentéisme des agents des trois fonctions publiques, sans passer par une nouvelle expérimentation (voir notre article du 15 novembre 2016). Introduit dans le projet de loi de finances pour 2017 en cours d'examen, il vise à renforcer à la fois les moyens de contrôle à la disposition des employeurs publics et les actions de prévention que ceux-ci engagent.