Un plan covoiturage 2 "pour la planète et le pouvoir d’achat"
Trois ans après le premier dispositif, le gouvernement lance un nouveau plan covoiturage, avec un objectif inchangé : 3 millions de trajets quotidiens dans les 5 ans. Pour y parvenir, il prévoit notamment de soutenir les collectivités qui proposent des incitations financières aux covoitureurs. 50 millions d’euros du fonds vert seront également dédiés à la mise en place d’infrastructures facilitant le covoiturage par les collectivités.
Trois ans après un premier dispositif (voir notre article du 29 novembre 2019), le gouvernement lance ce 13 décembre un nouveau plan covoiturage du quotidien couvrant les trajets de moins de 80 km uniquement. Toujours "pour la planète", mais désormais aussi "pour le pouvoir d’achat", contexte oblige. L’objectif : tripler d’ici 2027 le nombre de trajets quotidiens, "en passant à 3 millions de trajets par jour, contre 900.000 actuellement".
Un objectif connu, des données existantes encore floues
Un objectif connu, puisque c’était déjà celui qui avait été fixé en 2019 – à l’époque pour 2024 – par Élisabeth Borne, alors ministre de la Transition écologique. Elle indiquait que les covoitureurs étaient "déjà un million chaque matin pour aller travailler". Mais, entre-temps, le Covid a sérieusement mis à mal la lutte contre l’autosolisme (voir notre article du 17 avril 2020). D’après l’observatoire du covoiturage, lancé l’an passé (voir notre article du 15 décembre 2021), le covoiturage "officiel", c'est-à-dire réalisé par l’intermédiaire de plateformes, aurait retrouvé seulement en octobre dernier un niveau proche d’avant confinement (voir notre article du 10 novembre 2022). Pour le mois de novembre dernier, l’observatoire recense près de 650.000 trajets. Très loin des 900.000 trajets quotidiens évoqués par le gouvernement, qui comptabilise toutefois ici les trajets "organisés et informels".
D’après le ministère de la Transition écologique, "le covoiturage organisé par plateformes représente moins de 1% de ces trajets quotidiens effectués en covoiturage". Mais l’observatoire du covoiturage estime pour sa part que les trajets organisés représentent 15% des trajets. Dans tous les cas, le défi à relever est important.
Trois mesures phares
Pour y parvenir, le gouvernement compte sur "trois mesures phares", pour lesquelles il indique "mobiliser 150 millions d’euros" – ce qui est en partie inexact :
• une prime de 100 euros minimum pour inciter de nouveaux conducteurs à franchir le pas (les conducteurs déjà inscrits sur une plateforme de covoiturage du quotidien ne sont pas éligibles). "Le plus difficile est de faire son premier covoiturage", indique à l’AFP Olivier Binet, cofondateur de la plateforme Karos, selon laquelle "90% des conducteurs qui font le saut enchaînent 80 covoiturages sur les 12 premiers mois". Si le montant de ce bonus n’était pas encore connu, son principe avait déjà été annoncé lors de la présentation du "plan de sobriété énergétique" par la Première ministre (voir notre article du 6 octobre). Cette prime sera versée par les plateformes de covoiturage éligibles*, en deux étapes : 25 euros au premier trajet, et 75 euros au dixième trajet, à la condition que ce dernier ait été réalisé dans les 3 mois suivant le premier. "Le montant de 100 euros est un minimum, mais rien n’interdit aux plateformes de proposer davantage", précise-t-on au secrétariat général à la planification écologique. Qui ajoute que ces dernières "pourront également proposer le bonus sous la forme de bons d’achat pour des produits de consommation courante, et pas nécessairement monétaire". Le gouvernement affiche 50 millions d’euros pour cette mesure. Elle est toutefois financée dans les faits par les fournisseurs d’énergie, puisqu’elle repose sur un dispositif de certificat d’économie d’énergie (CEE). Concrètement, un arrêté publié ce jour crée pour la cause cette bonification (ainsi qu’un autre bonus, cumulable, pour les nouveaux covoitureurs longue distance effectuant trois trajets dans les trois mois), modifiant deux fiches existantes récemment créées (voir notre article du 7 octobre).
• une aide aux collectivités soutenant financièrement la pratique du covoiturage. L’État financera la moitié de l’aide apportée par les collectivités. Il prévoit pour ce faire une enveloppe de 50 millions d’euros, sans préciser le canal de versement des fonds (ni le montant total des aides actuellement octroyées par les collectivités). "L’objectif est d’amplifier le mouvement lancé par les collectivités, qui porte ses fruits", indique le secrétariat général à la planification écologique. C’était déjà l’objet de la charte d’engagement de 2019 conclue entre le gouvernement et le président du Groupement des autorités responsables de transport (Gart). L’objectif était alors d’atteindre 150 "engagements" d’ici 2022. À en croire la carte des incitations financières territoriales existantes, proposée par le gouvernement, on en est loin. Depuis 2018, les initiatives rencontrent des succès divers (voir notre article du 11 janvier 2019). Dernièrement, la région Occitanie a mis en place une aide aux trajets de moins de 30 km (voir notre article du 16 novembre).
• 50 millions d’euros du fonds vert pour aider les collectivités à développer les infrastructures nécessaires au covoiturage. "Le fonds pourra notamment financer des aires et des lignes de covoiturage, des voies réservées, des études préalables…", précise-t-on au ministère de la Transition écologique. S’agissant des voies réservées, le ministère indique, en évoquant les quatre expérimentations actuellement conduites sur des autoroutes et routes expresses qu’"un premier retour sera fait à l’été prochain".
Et une dizaine d’autres mesures
Le plan comporte également onze autres mesures pour rendre le covoiturage "accessible, sûr et simple sur tout le trajet, attractif" et "améliorer" son "suivi" et sa "gouvernance". Plusieurs dispositions concernent directement les collectivités. Ainsi de celle visant à impliquer "collectivités territoriales et employeurs privés et publics" dans le développement du covoiturage, "en les réunissant régulièrement au sein d’un comité de pilotage présidé par les ministres ou leurs représentants", qui sera créé au premier trimestre 2023. Le gouvernement annonce également le lancement d’une étude, "en lien avec les collectivités concernées", pour "identifier les potentiels et les leviers d’action des politiques en faveur du covoiturage et des plans de transport scolaire". L’observatoire du covoiturage sera par ailleurs renforcé, et proposera "de nouveaux indicateurs sur la base des souhaits exprimés par les collectivités et organisations utilisatrices". Il présentera en outre un espace recensant "les politiques d’incitations financières, de déploiement d’aires de covoiturage, de voies réservées, d’intégration au sein des Maas (ndlr, applications d’information des voyageurs) ainsi que leur résultat". Le gouvernement s’engage par ailleurs "à compléter les données des aires de covoiturage (8.500 recensées actuellement) et des lignes de covoiturages". Un site dédié – covoiturage.ecologie.gouv.fr – a été lancé et, dans un délai non précisé, une application sera également proposée pour regrouper les offres de covoiturage et en faciliter l’intégration au sein des calculateurs d’itinéraires et des Maas.
Le gouvernement ambitionne également de développer le covoiturage auprès des agents publics, en généralisant "sur plusieurs cités administratives" l’expérimentation conduite dans les services de l’État des régions Auvergne-Rhône-Alpes et Grand Est. Il entend par ailleurs créer un label Employeur pro-mobilité durable "pour récompenser les entreprises exemplaires" et permettre la mise en place d’un outil numérique de suivi par les employeurs des preuves de covoiturage nécessaires au versement du forfait mobilités durables à leurs salariés, "qui pourrait être développé par le registre de preuves de covoiturage".
* Pour l’heure, BlaBlaCar Daily, Coopgo, Ecov, La roue verte, Mobicoop, Karos, Klaxit et Ynstant.