Transports - Un plaidoyer pour la mobilité durable
Le clivage gauche-droite est-il encore pertinent pour appréhender la politique de mobilité urbaine ? Pour Roland Ries, sénateur-maire PS de Strasbourg et président du Groupement des autorités responsables de transport (Gart), les points de vue se sont bien rapprochés ces dernières années avec le développement des transports en commun en site propre (TCSP) un peu partout en France. Mais si tout le monde s'accorde à vanter les bienfaits des TCSP, il reste selon lui de nouvelles voies à explorer en s'appuyant sur les expériences de "mobilité durable" initiées dans nombre de villes et d'agglomérations de gauche. Il les présente en détail dans un petit essai pédagogique coécrit avec Claire Dagnogo, conseillère sur les questions d'urbanisme et de transport auprès du groupe socialiste du Sénat.
Des déplacements de plus en plus "séquentiels"
Publié par la fondation Jean-Jaurès, cet ouvrage dresse d'abord un état des lieux des "nouveaux visages de la mobilité" en analysant les transferts modaux à l'oeuvre et l'importance de l'intermodalité. "Penser mobilité durable suppose d'admettre qu'il faille adapter l'offre aux aspirations diverses des usagers. En d'autres termes, tous les modes ne sont pas pertinents pour tous les territoires, pour toutes les missions et pour tous les moments de la journée. Aujourd'hui, il n'est pas rare de devoir, au cours d'un même trajet, emprunter deux ou trois modes différents", écrivent les deux auteurs. Car s'il est légitime de lutter contre "le réflexe pavlovien de la voiture", selon les termes de Roland Ries, cette dernière garde sa zone de pertinence à la périphérie des villes, là où il est selon lui "économiquement insoutenable" de faire des transports en commun. Il importe donc d'organiser au mieux des déplacements de plus en plus "séquentiels" : une première partie en voiture - si possible en covoiturage - et une seconde en transports en commun, voire en vélo et à pied au fur et à mesure que l'on se rapproche des centres-villes.
Une gouvernance à revoir
Les auteurs abordent ensuite les questions de gouvernance en pointant les limites de la fragmentation actuelle des autorités organisatrices de transport (AOT) - les régions en charge du ferroviaire, les départements de l'interurbain, les agglomérations des transports urbains. "Il y a peu de cohérence aujourd'hui et on manque de structures de coordination d'AOT", regrette Roland Ries. Selon lui, il faut aller vers des autorités organisatrices (AO) de la mobilité durable, comme le revendique le Gart. Ces AO seraient à la fois responsables de la voirie, du stationnement, du transport de marchandises, du vélo partagé et naturellement des transports en commun. Parmi les pistes nouvelles à explorer en termes de ressources affectées aux transports, Roland Ries et Claire Dagnogo ne craignent pas de mettre en avant l'expérimentation du péage urbain rendue possible par la loi Grenelle 2, la taxation des plus-values immobilières également inscrite dans cette loi, la taxation des espaces consacrés au stationnement ou encore l'extension du versement transport au-delà des périmètres des transports urbains.
Un urbanisme de la mobilité durable
La dernière partie de l'ouvrage est consacrée aux réformes jugées indispensables. La plus importante aux yeux de Roland Ries consiste à "influer sur la demande de transport par l'aménagement du territoire urbain". "Il s'agit de penser l'urbanisme par rapport à la politique de mobilité et réciproquement, de façon à maîtriser la génération des flux", écrit-il avec Claire Dagnogo. "Que l'on crée des routes ou des parcs de stationnement, des zones commerciales ou des campus universitaires, chaque décision d'aménagement génère son lot de déplacements individuels", rappellent les deux auteurs. Les projets urbains, quels qu'ils soient, devraient donc prévoir un volet "mobilité durable et anticiper un développement qui ne repose pas exclusivement sur l'augmentation de la fréquentation par l'usage de l'automobile". Ils proposent dès lors "de conditionner toute ouverture à l'urbanisation à l'existence d'un projet de desserte du nouveau quartier" de façon à "orienter en amont les pratiques de déplacement des citadins".