Réforme de l'action publique - Un deuxième rapport en faveur de la reprise en main par l'Etat de ses agences
Sur la forme, le rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) sur "L'Etat et ses agences" est plus direct que l'étude présentée par le Conseil d'Etat sur le même sujet (voir notre article du 13 septembre). Commandé le 22 août 2011 par le précédent gouvernement, remis en mars dernier et rendu public "par souci de transparence" ce lundi 17 septembre, son objectif est manifestement de rendre compte des "coûts importants" engendrés par les agences, et incidemment des sources d'économie en perspective.
Le communiqué de presse de Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac met ainsi en avant le fait que "les effectifs publics des opérateurs ont crû de 6% depuis 2007 tandis que ceux de l'Etat diminuaient de 6%. Les moyens financiers – crédits budgétaires et taxes affectées – s'élèvent en 2012 à 50 milliards d'euros, en progression de 15% depuis 2007. Les seules taxes affectées ont enregistré une progression de 4.5% par an sur la période". Sans oublier "la très forte augmentation des niveaux de rémunération" qui a crû beaucoup plus rapidement que ceux des agents de l'Etat avec +5,5% par an entre 2007 et 2010, contre +3,7% (en masse salariale par agent).
103 agences pour le Conseil d'Etat, 1.244 agences pour l'IGF
Ces chiffres diffèrent de ceux du Conseil d'Etat, qui faisait état d'un budget total porté par les agences de 330 milliards d'euros. Un budget rapporté à 72,8 milliards d'euros si on exclut les caisses nationales de sécurité sociale, mais qui reste tout de même loin des 50 milliards d'euros de l'IGF. Cette différence est d'autant plus troublante que le Conseil d'Etat repère beaucoup moins d'agences que l'IGF. Le premier en comptabilise 103 aujourd'hui, le deuxième 1.244 à fin 2010 !
La différence vient du fait que les deux structures ne parlent pas de la même chose. Les magistrats du Conseil d'Etat voient dans l'agence "une structure autonome", au sens où "le pouvoir exécutif n'a pas vocation à intervenir dans sa gestion courante mais (dont) il lui revient de définir les orientations politiques que l'agence met en œuvre". Cette définition exclut de facto toute autorité administrative indépendante (AAI) et tout opérateur de l'Etat, alors que les inspecteurs des finances les prennent en compte, ainsi que les Odac (organismes divers d'administration centrale), les EDCP (entités dotées d'un comptable public), les API (autorités publiques indépendantes) et les SCN (services à compétence nationale). Le tout, pour l'IGF, est que ces entités respectent deux critères précis : l'exercice d'une mission de service public non marchand ; le contrôle par l'Etat. Soit 1.244 "agences"…
Un même constat
Malgré tout, le constat est le même : il faut "améliorer le contrôle sur la gestion financière des satellites de l'Etat et renforcer la dimension stratégique de la tutelle de l'Etat", résume le communiqué de presse de Bercy. Les 35 propositions de l'IGF ont donc été accueillies "avec intérêt" par Pierre Moscovici et son ministre délégué au Budget, Jérôme Cahuzac. Lesquels pourraient s'en inspirer dans le cadre des "lois financières de l'automne" : projet de loi de programmation des finances publiques et projet de loi de finances.
Les trois premières propositions visent à "mieux connaître les agences" ; les huit autres à "mieux associer les agences aux efforts financiers de l'Etat" (avec notamment l'idée d'"appliquer les normes budgétaires relatives aux dépenses de fonctionnement, aux effectifs et à l'endettement à l'ensemble des agences de l'Etat") ; douze ont pour objet de "constituer un environnement favorable à l'exercice d'une tutelle stratégique" (avec des propositions sur la spécialisation des instruments de pilotage, l'introduction de débats stratégiques dans les conseils d'administration, le suivi des contrats de performance…) ; les douze dernières entendent "établir une doctrine d'usage des agences et rationaliser le paysage des agences" (lancer des audits pour rationaliser, fusionner voire supprimer des doublons, donner aux établissements "une autonomie de gestion suffisante de leurs effectifs", proscrire le double statut d'établissement public et d'administration centrale, promouvoir le statut de service à compétence nationale, étudier pour chaque projet d'agence sa nécessité…)
Une mission de réflexion sera lancée dans les prochaines semaines "en cohérence avec le travail initié par le Premier ministre fin juillet sur le thème de la réforme de l'action publique", ont également annoncé Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac, rappelant que la "stratégie globale de réforme de modernisation de l'action publique sera définie à l'automne 2012, sur la base des propositions de chacun des ministres puis synthétisée par la ministre de la Réforme de l'Etat".