Un décret pour faciliter l'implantation de pharmacies dans les territoires sous-dotés

Attendu depuis six ans et demi, un décret pris en application d'une ordonnance de 2018 assouplit les critères d'implantation de pharmacies dans les zones sous-dotées.

Six ans et demi. C'est le temps qu'il aura fallu au gouvernement pour publier un décret d'application d'une ordonnance du 3 janvier 2018 sur la présence de pharmacies dans les territoires ruraux ou isolés (voir notre article du 5 janvier 2018). Un enjeu majeur pour l'égalité d'accès aux soins, au même titre que la présence médicale, alors que la France a perdu 4.000 pharmacies entre 2007 et 2023, selon les sénatrices Maryse Carrière et Guylène Pantel. "En 2023, le nombre de pharmacies est passé sous la barre des 20 000 avec une érosion qui s'accélère : 236 fermetures en 2023, contre 171 en 2022", alertaient-elle dans une proposition de loi adoptée le 11 avril. Quelques semaines plus tard, le Parlement rural était lui monté au créneau pour dénoncer l'absence de réaction face à ces "déserts pharmaceutiques" (voir notre article du 2 mai).

L'ordonnance de 2018 se fixait pour objectif de "simplifier et moderniser les conditions d'implantation des pharmacies, et de préserver pour l'avenir le maillage pharmaceutique". Car cela peut paraître étrange mais le code de la santé publique interdit d'ouvrir une officine dans les communes de moins de 2.500 habitants. L'ordonnance permettait de déroger à ce principe pour permettre à ces communes de se regrouper pour former un ensemble de "communes contiguës dépourvues d'officine, dont une recense au moins 2.000 habitants" et totalisant au moins 2.500 habitants. "L'ouverture d'une officine par voie de transfert ou de regroupement peut être autorisée au sein de ces communes", précisait-elle. "Alors que la France compte 29.393 communes de moins de 2.000 habitants, cette nouvelle disposition méconnaît la réalité du terrain, notamment en milieu rural", estimaient cependant les deux sénatrices.

Quoi qu'il en soit, le décret publié au Journal officiel le 7 juillet vient préciser les critères permettant de définir ces territoires.

Un trajet routier supérieur à 15 minutes

Ainsi, dans chaque région, le directeur général de l'agence régionale de santé fixera par arrêté les territoires concernés par cette dérogation, en fonction de quatre critères : le classement du territoire en zone sous-dense ;  la récurrence de la participation des officines du territoire au service de garde et d'urgence ; le nombre de pharmacies, au sein du territoire, exploitées par un seul pharmacien titulaire ; le nombre de pharmacies, au sein du territoire, exploitées par un seul pharmacien titulaire lorsque ce dernier est âgé de plus de 65 ans. 

Mais le nombre d'habitants résidant dans ces territoires ne peut pas excéder un plafond fixé dans chacune des régions, précise le décret. Ce plafond est calculé en fonction de deux critères : la faible densité d'officines sur le territoire considéré et la part de la population du territoire qui doit effectuer un trajet routier supérieur à quinze minutes pour se rendre dans une officine. Un arrêté publié le même jour fixe ces plafonds : 8% pour Auvergne-Rhône-Alpes, 4% pour la Bourgogne-Franche-Comté, 6% pour la Bretagne ou encore 10% pour le Centre-Val de Loire…

À noter que l'ordonnance de 2018 a aussi prévu la possibilité pour le directeur de l'ARS d'"autoriser l'ouverture d'une officine par voie de transfert ou de regroupement, notamment auprès d'un centre commercial, d'une maison de santé ou d'un centre de santé", dans les territoires sous-dotés, sans seuil de population.

Références : décret n° 2024-756 du 7 juillet 2024 relatif aux conditions de détermination des territoires au sein desquels l'accès au médicament pour la population n'est pas assuré de manière satisfaisante, arrêté du 7 juillet 2024 relatif aux conditions de détermination des territoires au sein desquels l'accès au médicament pour la population n'est pas assuré de manière satisfaisante, JO du 8 juillet 2024.