Dépendance - Un décret met en place l'expérimentation du "baluchonnage"
Ce décret précise les conditions - notamment en termes de temps de travail - dans lesquelles un salarié peut intervenir au domicile d'une personne dépendante pour suppléer un proche aidant absent.
Un décret du 28 décembre 2018 précise les modalités d'expérimentation des dérogations au droit du travail, autorisées dans le cadre de la mise en œuvre de prestations de suppléance à domicile du proche aidant et de séjours de répit aidants-aidés. Un dispositif également appelé "baluchonnage", du nom de son modèle québécois (ou "relayage" dans la version française).
Ce décret met en œuvre les dispositions de l'article 51 de la loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance. Celui-ci précisait notamment qu'"une expérimentation peut être menée pendant une durée de trois ans à compter de la publication du décret [...], afin que les établissements et services mentionnés aux 2°, 6° et 7° du I de l'article L.312-1 du code de l'action sociale et des familles [structures pour personnes handicapées ou personnes âgées, ndlr] puissent, lorsqu'ils recourent à leurs salariés volontaires ou à des salariés volontaires mentionnés à l'article L.7221-1 du code du travail [salariés à domicile, ndlr] et qu'ils ont placés dans les conditions prévues au 1° de l'article L.7232-6 du même code en vue d'effectuer des prestations de suppléance à domicile du proche aidant d'une personne nécessitant une surveillance permanente, ou lorsqu'ils réalisent ces prestations en dehors du domicile dans le cadre de séjours dits de répit aidants-aidés dont la liste est fixée par décret", déroger à diverses dispositions législatives et conventionnelles encadrant le travail salarié.
Des dérogations au droit du travail, mais un repos compensateur
Les dispositions du droit du travail auxquelles il peut être dérogé concernent en particulier les régimes d'équivalence, les temps de pause, les durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail, les durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail de nuit et la durée minimale de repos quotidien. Pour sa part, le décret du 28 décembre 2018 précise les modalités d'octroi d'un repos compensateur "lorsque l'organisation de l'intervention a pour effet de réduire ou supprimer la période minimale de repos quotidien et le temps de pause du salarié".
Le texte prévoit ainsi que, pour chaque période d'intervention, la durée du repos compensateur est égale à celle du repos quotidien et du temps de pause dont le salarié n'a pu bénéficier. Ce repos peut être accordé en partie durant la période d'intervention (dans des conditions définies, avant le début de l'intervention, entre l'établissement ou le service, le salarié et le couple aidant-aidé) ou à l'issue de la période d'intervention, déduction faite de la durée du repos accordée le cas échéant pendant l'intervention.
Hors cette précision réglementaire, le décret du 28 décembre fixe surtout, en annexes, le cahier des charges de l'expérimentation de dérogations au droit du travail dans ce cadre des prestations de suppléance au domicile du proche aidant et celui de l'expérimentation de dérogations dans le cadre des séjours de répit aidants-aidés.
L'ADF et les départements au comité de suivi national
Très voisin dans les deux cas de figure, le cahier des charges rappelle que le régime dérogatoire prévu par l'expérimentation est de 6 jours consécutifs maximum d'intervention, 94 jours maximum d'intervention sur 12 mois consécutifs et 11 heures de repos quotidien pouvant être supprimé totalement ou réduit avec attribution d'un repos compensateur.
Pour proposer la prestation de suppléance de l'aidant à domicile, l'établissement ou le service candidat doit être soit autorisé par le conseil départemental en qualité de service d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad), intervenant en tant que prestataire auprès des personnes âgées ou des personnes en situation de handicap, soit être agréé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), en qualité de service d'aide et d'accompagnement à domicile, intervenant en tant que mandataire auprès des personnes âgées ou des personnes en situation de handicap. Les établissements et services éligibles seront invités à se proposer dans le cadre d'un appel à candidatures national.
Le cahier des charges précise également que le dispositif de relayage "doit permettre à l'aidant un moment de répit quel que soit le motif de son départ (vacances, hospitalisation...). Ce départ est une condition imposée. Il est nécessaire et impératif pour le bon déroulement de la prestation et le répit de l'aidant". Pour offrir un "bénéfice réel" à l'aidant, ce relayage doit durer au moins deux jours et une nuit, soit trente-six heures consécutives. Point important : "Le relayeur ne remplace pas les services déjà mis en place à domicile pour accompagner la personne aidée. Il effectue les tâches que réalise l'aidant dans sa vie quotidienne et ne se substitue pas aux services à la personne existants." Le cahier des charges détaille aussi les modalités de préparation, de réalisation et de suites de l'intervention.
Au niveau national, il prévoit la mise en place d'un "comité de suivi national" où siégeront notamment l'Assemblée des départements de France (ADF) et "les représentants des départements intéressés". L'expérimentation fera l'objet d'une évaluation, dont le rapport final sera soumis au Parlement en vue d'une éventuelle pérennisation du dispositif, accompagnée, le cas échéant, d'évolutions tirées des retours d'expérience.
Références : 2018-1325 du 28 décembre 2018 relatif à l'expérimentation de dérogations au droit du travail dans le cadre de la mise en œuvre de prestations de suppléance à domicile du proche aidant et de séjours de répit aidants-aidés (Journal officiel du 30 décembre 2018). |