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Environnement - Un Code minier à verdir

Au lendemain du rejet par l'Assemblée nationale de la proposition de loi du PS et d'EELV visant à interdire l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures de schiste, Arnaud Gossement, avocat spécialiste de l'environnement, a remis ce 12 octobre à Nathalie Kosciusko-Morizet un rapport intitulé "Eléments de réflexion pour une réforme reltive à l'évaluation environnementale, à l'information et à la participation du public", suite à une mission qui lui avait été confiée le 15 avril dernier par la ministre de l'Ecologie. Le récent débat sur les gaz de schiste a en effet donné un coup de vieux au Code minier, texte de 1956 issu d'une loi de 1810 qui régit l'exploitation du sous-sol français. "L'affaire des gaz de schiste a été un formidable révélateur de l'immense faiblesse du dialogue environnemental dans notre pays", estime Arnaud Gossement. "Historiquement, le droit minier est un droit où l'acteur principal sinon unique est l'Etat, où il y a peu de place pour les citoyens et les élus locaux. Aujourd'hui, on voit qu'il faut trouver un équilibre entre production et protection", note cet ancien porte-parole de France Nature Environnement (FNE). "Mais il s'agit bien d'un équilibre, la protection de l'environnement ne peut pas aboutir à la seule sanctuarisation du sous-sol", prévient-il.

Pour la mise en place d'un "Haut Conseil des ressources minières"

Parmi quarante propositions visant à mieux informer et associer le public, son rapport préconise d'inverser la charge de la preuve en demandant aux pétitionnaires et aux auteurs des décisions d'octroi de titres et d'autorisations de démontrer par écrit que la solution retenue est la plus respectueuse de l'environnement. Il juge aussi nécessaire d'"adapter l'organisation administrative de l'Etat et la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales aux enjeux d'une meilleure articulation du droit de l'environnement et du droit minier". Il propose ainsi de "créer une commission des pétitions au Parlement", qui permettrait aux élus d'être saisis plus rapidement par des "lanceurs d'alertes" lorsqu'un débat surgit, comme celui sur les gaz de schiste. Autre mesure notable du rapport  : la mise en place d'un "Haut Conseil des ressources minières", inspiré de celui des biotechnologies en charge depuis 2008 des questions liées aux OGM. Une telle instance, associant Etat, collectivités, associations, entreprises et syndicats sur le modèle du Grenelle de l'environnement, permettrait selon Arnaud Gossement  "non pas de discuter d'un projet en particulier mais d'une politique publique en général" et d'évaluer l'intérêt d'une activité dans son ensemble. "Aujourd'hui, trop souvent, les procédures de concertation n'ont d'autre objet que de servir de caution à des décisions déjà prises, ce n'est pas acceptable", relève-t-il, plaidant pour une "participation continue" du public et pas seulement "ponctuelle" à travers les enquêtes publiques.
Il faudrait aussi, estime-t-il, "mieux associer la Commission nationale du débat public aux problématiques d'exploration et d'exploitation du sol et du sous-sol".
Le rapport demande une réforme en profondeur du régime juridique des permis exclusifs de recherches "de manière à en préciser l'objet, à prévenir tout risque environnemental et à assurer la participation du public et des collectivités territoriales". Cette participation doit aussi être assurée "lors de l'instruction de la demande de prolongation du permis exclusif de recherches", de sa demande d'extension, lors de l'instruction de la demande de permis d'exploitation et de la demande de prolongation de la concession de mines. Le rapport recommande également de "réduire la durée de la concession d'exploitation" et de "soumettre au régime de l'autorisation, les travaux de
recherches d'hydrocarbures liquides ou gazeux, conventionnels ou non". "Si la participation du public est assurée en amont, les autorisations données seront plus solides", estime l'avocat, considérant que les industriels n'ont pas à avoir "peur" de procédures plus ouvertes.

Améliorer l'information du public et des élus

Arnaud Gossement insiste aussi sur l'importance de "soumettre systématiquement la délivrance des titres miniers et des autorisations de travaux à la réalisation d'une étude d'impact environnemental". Ces études d'impact devraient également toucher les concessions d'exploitation et les extensions de titres miniers. Parmi les mesures visant à améliorer l'information du public et des élus, le rapport propose d'"assurer un porté à connaissance systématique de tous les titres miniers et autorisations de travaux aux maires des communes concernées" et à "élaborer un schéma national et un schéma départemental minier officiel et en ligne".
Le débat actuel sur le verdissement du Code minier intervient alors que le sous-sol français est soumis à de nouveaux défis, avec des ressources potentielles importantes d'hydrocarbures non conventionnels (gaz et pétroles de schiste entre autres), mais aussi des projets liés au stockage du carbone ou à la géothermie. Selon Arnaud Gossement, les propositions du rapport sont susceptibles d'aboutir à des mesures réglementaires et d'"enrichir" le projet de loi, à ses yeux "insuffisant" visant à ratifier l'ordonnance du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du Code minier, que le gouvernement a présenté en avril dernier et qui est actuellement en attente d'examen par le Parlement.