Tulle, des ateliers culinaires rompent l’isolement (19)

« Nous avions imaginé des ateliers culinaires solidaires il y a déjà quelques années, lorsque nous avions découvert qu’une maman, logée dans un hôtel depuis deux ans, ne disposait d’aucun équipement pour offrir un repas chaud à son bébé », se souvient Céline Fernandez, directrice du Centre communal d’action sociale (CCAS) de Tulle. « Cela nous avait fortement questionnés sur les réponses à apporter à ce type de situation. Nous sommes aussi témoins du fait que la grande précarité est source d’isolement des familles monoparentales. » C’est au fil de rencontres et de discussions avec d’autres expériences similaires en France, que l’idée d’un atelier culinaire à destination de ces familles germe au sein du CCAS. Avec l’aide d’associations humanitaires locales, il devait débuter en 2019 pour se tenir tous les quinze jours. Mais la crise sanitaire a stoppé l’action avant même qu’elle n’ait eu le temps de démarrer.

Un appel à projets relance l’idée

Deux années plus tard, la directrice du CCAS relance le projet en saisissant l’opportunité d’un appel à manifestation d’intérêt pour soutenir des actions innovantes en matière d’aide alimentaire, proposé par l’Association des cadres territoriaux de l’action sociale, l’Actas (voir encadré) et un opérateur de titres-restaurants. Lauréat de l’appel, le CCAS reçoit une aide de 5 000 euros, qui lui permet d’engager des travaux de mise aux normes et d’équipement de la cuisine que le Secours catholique, partenaire, prescripteur et animateur de l’opération, met gracieusement à sa disposition dans le centre-ville. Le lieu est idéalement placé, proche d’un hébergement d’urgence, partenaire du 115, ainsi que d’un marché. L’opération appelée « Pause popote » est aussi organisée avec la Banque alimentaire, un réseau de producteurs locaux ainsi qu’avec l'Adhaj Corrèze (l’Association pour le développement de l’habitat des jeunes, ancien nom des Foyers de jeunes travailleurs). Le public est élargi à des personnes vulnérables habitant la ville de Tulle – hébergées à l’hôtel, bénéficiaires des colis alimentaires, mineurs non accompagnés, jeunes mamans, seniors isolés… -, et plus seulement aux seules familles monoparentales. Le besoin est grand. Le CCAS recense 20 personnes sans domicile et 170 autres personnes mal logées, dont l’adresse est celle du CCAS, faute de disposer d’un logement fixe.

Diététique et gestion du budget alimentaire

Les ateliers débutent en avril 2022 et se déroulent tous les 15 jours, le mardi ou le mercredi de 10 heures à 15 heures, Ils sont animés par des bénévoles du Secours catholique, qui accueillent chaque fois une dizaine de participants, souvent différents d’une fois sur l’autre. Le CCAS, qui participe si besoin, s’est chargé du montage du projet, de sa co-animation et de sa coordination, de la recherche du financement, de la communication et du repérage de bénéficiaires. « Ces derniers ne paient pas leur repas, pris en charge par les associations, mais ils participent ensemble à sa préparation, avec des aliments locaux et de qualité, qu’ils achètent parfois le matin même au marché », poursuit la directrice. La grande diversité des origines, des histoires et de l’âge des participants fait de ces ateliers un temps privilégié d’échanges de savoir-faire. Les jeunes migrants apprennent par exemple à cuisiner des légumes locaux qu’ils ne connaissent pas et acquièrent en même temps des notions de français en écrivant les recettes. Le groupe se familiarise aussi avec quelques notions de diététique avec l’aide d’une animatrice, et de gestion de leur budget alimentation dans une démarche durable, par exemple en apprenant à accommoder les restes d’un repas.

Des publics fragiles repérés et mieux accompagnés

« Mais les bénéfices de ces temps conviviaux vont bien au-delà. Ils contribuent à lutter contre l’isolement de ces personnes et à créer du lien entre elles. Elles reprennent confiance et retrouvent un peu d’autonomie par l’intermédiaire de leur alimentation. Nous avons de très bons retours de leur part. Ces repas nous permettent aussi de mieux appréhender leurs besoins en termes de soins, d’alphabétisation par exemple, et de leur proposer un accompagnement plus global, afin si besoin de les orienter ensuite vers les services et structures adéquats, commente la directrice du CCAS. Les associations et la médiatrice du CCAS chargée du public de la rue, nous aident à rejoindre ces personnes. Mais comme il n’y a pas de maraude sur notre ville, ce n’est pas toujours simple de les accompagner. » Un autre atelier, animé par l'Adhaj Corrèze, doit prochainement ouvrir dans un autre quartier de Tulle, proche de la gare