Un « archipel nourricier et solidaire » à Loos-en-Gohelle (62)

Si les tiers lieux se multiplient en France, celui de Loos-en-Gohelle, commune de 6.700 habitants du Pas-de-Calais, fait figure d'exception. Présenté comme un « écopôle alimentaire », il allie agriculture, insertion, solidarité et développement économique à l’échelle intercommunale.

Lancé en 2016 à Loos-en-Gohelle sous forme de micro ferme, l’Écopôle alimentaire de Gohelle est désormais un tiers lieu qui s'étend sur 2,5 hectares de terrain, mis à disposition par des collectivités et des bailleurs sociaux (voir « chiffres clés »). Qualifié d’« archipel nourricier », il abrite de nombreuses initiatives autour de l'alimentation et du « faire société », comme des chantiers coopératifs, une micro ferme en insertion, des vergers, une « grainothèque » (lieu d’échange de graines), des ateliers autour de l’alimentation et de la consommation responsables, de la vente au détail de fruits et légumes bio, des livraisons de paniers bio…

Géré par Les Anges Gardins, une association membre du réseau Cocagne, cet archipel répond à un projet municipal, devenu intercommunal, et destiné à créer un écosystème solidaire de production et de diffusion écologiques. On y cultive des abricotiers, des noyers, des noisetiers, des vignes, des kiwis... mais surtout un partage de valeurs à travers la « Maison d’échanges pour de nouvelles activités durables et pour l’économie locale » (Menadel), un système qui permet d’échanger des services ou des denrées via une monnaie locale.

Une approche systémique

« Nous avions cette ambition depuis des années, confie Jean-François Caron, maire de Loos-en-Gohelle et conseiller communautaire de la Communauté d’agglomération de Lens-Liévin (Call). Tout est parti d’une politique municipale, volontariste à deux niveaux : d’une part sur le foncier – pour aider les producteurs à passer en agriculture bio – et d’autre part à travers des actions grand public pour amener une évolution des mangeurs et de leurs habitudes de consommation. » Le tournant s’annonce décisif. D’autant que le territoire souffre des stigmates propres à un ancien bassin minier et des problématiques d’emploi et de reconversion qui en découlent.

À l’époque, l’offre locale en produits bio reste très limitée. L’élu s’aperçoit alors que l’échelon communal s’avère trop limité. Reconnue comme ville pilote du développement durable par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise d’énergie (Ademe) depuis plusieurs années, Loos-en-Gohelle conduit la Call à se doter, en avril 2019, d’un système alimentaire territorial durable (SATD). Si bien que le projet offre un traitement global et holistique de l’alimentation, dans une perspective de solidarité et d’insertion sociale.

Conditions de réussite

Quelques années auparavant, plus au nord, à Vieille-Église, l’association Les Anges Gardins affichait des résultats concluants à travers l'Écopôle de la région d’Audruicq (voir encadré). Voilà pourquoi la ville de Loos-en-Gohelle a sollicité l’association pour le montage du projet. « Mais le territoire de Loos-en-Gohelle est beaucoup plus marqué par le contexte urbain. Il faut penser au coût de l’eau, à la réhabilitation des sols, suite à la présence de métaux lourds, etc. », souligne Dominique Hays, directeur des Anges Gardins. Il en arrive à la même conclusion : il faut dépasser le seul cadre communal et travailler de concert avec la puissance publique, « même si les contraintes liées aux marchés publics ralentissent parfois beaucoup les projets ».

En plus du changement d’échelle, d’autres conditions favorisent la réussite de l’archipel nourricier. « Nous avons eu la chance de travailler avec une collectivité – et surtout un service – qui comprenait les enjeux climatiques et sociaux », ajoute Dominique Hays. Autre clé de réussite : l’hybridation des financements. Pour Les Anges Gardins, le budget de 2 millions d’euros repose à 70 % sur des subventions de collectivités (en impliquant une diversité de services dédiés à l’agriculture, l’innovation, l’économie sociale et solidaire, l’économie, l’insertion, etc.), à 15 % sur des appels à projets de fondations et 15 % sur du mécénat d’entreprises. À cela s’ajoute le soutien de bailleurs sociaux, qui souhaitent à la fois valoriser des terres en friche et accompagner des publics en difficulté.

Associer agriculteurs et mangeurs

Confronté, au départ, à une opposition du monde paysan, qui redoutait le passage au bio et les lourds investissements que cela impliquait, le maire de Loos-en-Gohelle relativise. « Il est important d’associer les agriculteurs, insiste-t-il. L’archipel ne doit, d’ailleurs, pas concurrencer le monde agricole. » Mieux : certains producteurs locaux collaborent à l’archipel nourricier. Cette multiplicité d’acteurs favorise le développement de circuits courts et une logistique vertueuse sur le plan écologique. « La camionnette la moins polluante possible, c’est une camionnette remplie et qui se remplit de nouveau aussitôt vidée, note Dominique Hays, avant d’ajouter : nous intervenons aussi auprès des mangeurs. On s’est aperçu que certains ne savent pas cuisiner des produits frais. De plus, la mobilisation des mangeurs les conduit à se positionner dans une démarche citoyenne. »

Le bilan 2019 de l’archipel nourricier est éloquent : 15 emplois directs, 5.000 paniers bios locaux distribués, 5.000 personnes sensibilisées au bien-vivre alimentaire, 300 participants aux chantiers coopératifs, 80 participants en atelier cuisine et 180 membres engagés dans le système Menadel. Ce n’est cependant qu’un début. Si la crise sanitaire a ralenti l’essor du projet en 2020, Les Anges Gardins restent ambitieux et espèrent bientôt toucher 15 % de la population des quelque 244.000 habitants de l’agglomération.

L’Archipel nourricier de Loos-en-Gohelle en chiffres

  • 2,5 ha exploités confiés par la ville de Loos-en-Gohelle, la ville de Lens, le CE du bailleur Maisons & Cités, le bailleur SIA Habitat
  • 2 millions d’euros de budget de fonctionnement en 2021 (contre 400.000 euros au départ)
  • 15 emplois (dont 10 en insertion par l’activité économique)
  • 5.000 à 6.000 usagers dans l’année
  • 500 à 600 paniers alimentaires par an

 

Les prémices sur la Côte d’Opale

Porté par l'association les Anges Gardins, le tiers-lieu nourricier de Loos-en-Gohelle est un peu le prolongement de l'Écopôle alimentaire de la région d’Audruicq. Fondé en 2012 par la Communauté de communes de la région d’Audruicq (CCRA), l’Écopôle couvre 15 hectares de terres cultivées. Il représente l’un des fondements du Projet alimentaire territorial de l’agglomération. À sa création, la CCRA avait investi une ancienne ferme et confié les clés aux associations Terre d’Opale (pour la mise en place de circuits courts) et Les Anges Gardins (pour gérer le personnel en réinsertion). Il est labellisé en 2016 « Pôle territorial de coopération économique » (PTCE) par la Banque des Territoires. Il compte un atelier de transformation, un atelier de fabrication de paniers de légumes, un restaurant géré par des salariés en insertion, un distributeur de légumes, un restaurant -la Table de Cocagne- et une salle pour accueillir des événements culturels.

Commune de Loos-en-Gohelle

Nombre d'habitants :

6568
1 place de la République
62 750 Loos-en-Gohelle
contact@loos-en-gohelle.fr

Jean-François Caron

Maire

Communauté d'agglomération de Lens-Liévin

Nombre d'habitants :

241700

Nombre de communes :

36
21 rue Marcel Sembat - BP65
62 302 Lens Cedex

Association Les Anges Gardins

800, route du Pont d’Oye
62162 Vieille-Église
contact@angesgardins.fr

Dominique Hays

Directeur

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