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Trier, recycler, réparer, consigner : le projet de loi sur l'économie circulaire en conseil des ministres

François de Rugy et Brune Poirson ont présenté ce 10 juillet en conseil des ministres le projet de loi "anti-gaspillage pour une économie circulaire". Ce texte, qui a fait l'objet de 18 mois de concertation, s'articule autour de quatre axes : "stopper le gaspillage pour préserver les ressources", "mobiliser les industriels pour transformer les modes de production", "informer pour mieux consommer" et "améliorer la collecte des déchets pour lutter contre les dépôts sauvages". Parmi ses mesures phares, il entend lutter de manière plus efficace contre la pollution plastique et mise sur le recyclage et les consignes pour diminuer le gaspillage.

Après 18 mois de concertation, François de Rugy, ministre de la Transition écologique, et Brune Poirson, secrétaire d'État, ont présenté ce 10 juillet en conseil des ministres le projet de loi "anti-gaspillage pour une économie circulaire". "Avec ce texte, le gouvernement entend marquer l’accélération du changement des modèles de production et de consommation afin de limiter les déchets et préserver les ressources naturelles, la biodiversité et le climat", souligne le communiqué du conseil des ministres. Le projet de loi, qui compte une quinzaine d'articles, s’articule autour de quatre grandes orientations consistant à "mettre fin au gaspillage pour préserver nos ressources naturelles", à "mobiliser les industriels pour transformer nos modes de production", à "renforcer l’information du consommateur" ainsi qu’à "améliorer la collecte des déchets et lutter contre les dépôts sauvages".
"On veut construire l'écologie du quotidien, entrer dans l'économie du XXIe siècle, celle où l'on consomme moins et mieux, où on arrête de produire pour détruire", a expliqué sur BFMTV Brune Poirson. "Oui (...) nous devons assumer de consommer moins, de consommer différemment, de faire en sorte que nous réduisions de façon drastique un certain nombre d'objets (de) notre quotidien", a-t-elle insisté lors du compte-rendu du conseil des ministres. Attendu par les industriels, les collectivités comme les associations de consommateurs et de défense de l'environnement, dans un contexte d'attentes grandissantes de l'opinion publique, le projet de loi sera examiné par le Parlement à la rentrée.

Enjeux multiples

Éviter nuisances et pollutions liées aux déchets, préserver les ressources et le climat, favoriser les emplois non délocalisables en développant la réparation : les enjeux sont multiples. Comme les garagistes aujourd'hui, les réparateurs devront pouvoir proposer des pièces détachées d'occasion. Et comme les magasins physiques, les distributeurs en ligne devront reprendre les produits usagés pour toute vente de produit neuf. Le texte interdit la destruction des produits non alimentaires neufs (650 millions d'euros chaque année en France) mais ne précise pas s'ils devront être réemployés ou recyclés.
Brune Poirson a souligné que la mise en décharge des déchets diminue trop lentement - entre 2012 et 2018, elle n'a baissé que de 3% - alors que l'objectif est de la diviser par deux en 2025.
Pour renforcer le principe du pollueur-payeur, un "bonus-malus" incitera l'incorporation de matières recyclées dans les produits. Il s'agit en fait d'une modulation renforcée des éco-contributions allant jusqu'à 20% du prix des produits.
"Le taux de recyclage est beaucoup trop faible en France, nous pouvons gagner cette bataille de réduire les déchets à la source", a déclaré François de Rugy, le ministre de l'Écologie. "C'est une belle bataille écologique et économique puisque c'est une ressource pour nos entreprises."

Nouvelles filières de responsabilité élargie des producteurs

Le texte doit aussi contraindre de nouveaux secteurs à prendre en charge le traitement de leurs déchets, jusqu'ici supporté par les collectivités. Jouets, articles de sport, de bricolage, de jardinage, cigarettes (30 milliards de mégots jetés chaque année en France dont une bonne part dans la nature) et les lingettes, à partir de 2024, sont dans le viseur mais aussi les vélos (1,5 million d'entre eux partent à la benne chaque année, a relevé Brune Poirson).
Seront aussi concernés les matériaux de construction, à l'origine de "70% des déchets en France" (contre 13% pour les déchets ménagers), selon la secrétaire d'État. "Les dépôts sauvages coûtent 340 millions d'euros aux contribuables par an. On jette chaque année en moquette l'équivalent d'une route Lille-Marseille", a-t-elle précisé.

Consigne : des modalités à définir

Toutes ces propositions doivent maintenant trouver leurs modalités d'application dans des décrets et règlements futurs. Ainsi, un comité de pilotage sur les conditions du retour de la consigne va encore plancher plusieurs mois en vue d'améliorer la récupération des contenants, à des fins de recyclage ou réutilisation. Aucun détail n'est encore connu : la consigne concernera-t-elle seulement le plastique, l'objectif étant de tendre vers l’objectif de 100 % de plastique recyclé d’ici 2025 ? Les canettes et le verre seront-ils concernés eux aussi ? Surtout, les différents acteurs de la chaîne affichent déjà des divergences.
 "Je souhaite que l'État soit à la manoeuvre pour que l'intérêt des collectivités, des entreprises de recyclage soit respecté. L'infrastructure et le coût de mise en oeuvre de la consigne seront pris en charge par les industriels, au moins à hauteur de 80%", a répondu Brune Poirson à ceux qui redoutent que les collectivités, aujourd'hui chargées de collecter les emballages, perdent une source de revenus et se retrouvent avec des sites de traitement sur-dimensionnés.
"L'État avec cette loi fixera les objectifs, donnera les cadres, organisera les filières de recyclage à l'échelle nationale", a assuré François de Rugy, lors du compte-rendu du conseil des ministres. Mais il a aussi promis "une démarche partenariale entre l'État et les structures intercommunales".
L'UFC-Que choisir relève des propositions "positives" mais souhaite que l'indice de "réparabilité" soit bien affiché. "Créer de nouvelles filières REP (de recyclage, NDLR), c'est très bien, le problème est qu'il faut agir aussi sur les résultats insuffisants des filières existantes", ajoute Mathieu Escot, responsable des études à l'UFC. Pour Les Amis de la Terre, le projet de loi "contient de réelles nouveautés sur les enjeux de consommation", mais "n'est pas à la hauteur de l'urgence climatique". "Les plus grandes avancées environnementales et sociales (...) sont formulées au conditionnel", ajoute l'association.

L'APVF "déplore" le retour de la consigne

Du côté des collectivités, l'Association des petites villes de France (APVF) dit déplorer le retour de la consigne "qui pénalise une fois de plus les collectivités territoriales". Tout en saluant "certaines avancées notables et attendues notamment sur l'information du consommateur et l'extension des filières REP", l'association estime que "le retour de la consigne [va] à l'encontre du système actuel de collecte et rend obsolètes les investissements des collectivités pour le mettre en place". "Les collectivités ont déjà investi plus de 700 millions d'euros sur les 1,5 milliard prévus pour moderniser leurs centres de tri à l'horizon 2022, fait valoir l'association. Les bénéfices de ces investissements en termes de recyclage sont déjà visibles dans les territoires. La mise en place de la consigne constitue donc un retour un arrière au détriment des collectivités locales qui perdront une grande partie de leur ressource, mais aussi des citoyens qui verront à terme la fiscalité augmenter."
L'APVF demande donc au gouvernement d'"abandonner la mise en place de la consigne et d'attendre la fin de la modernisation des centres de tri pour tirer un bilan de son efficacité".