Aménagement numérique - Très haut débit : une stratégie "public-privé" à 20 milliards
C'est à Clermont-Ferrand, au cœur de l'Auvergne, que le président de la République, François Hollande, a révélé le 20 février les grandes lignes de la stratégie du gouvernement en matière de très haut débit. Celle-ci va mobiliser 20 milliards d'investissements partagés entre investisseurs publics et privés, dans la perspective d'atteindre une couverture FttH ("fiber to the home", fibre optique jusqu'à l'abonné) de 50% du territoire à la fin du quinquennat et de 100% à l'issue de la décennie. Cette promesse de campagne, "je souhaitais qu'elle se concrétise rapidement", à rappelé le président de la République. Si le déploiement du très haut débit reste "un défi majeur" pour le pays, il représente aussi le moyen de "préparer l'avenir", de relancer "la croissance" et de renforcer "l'égalité des territoires" : "Il abolit les distances et chaque citoyen où qu'il vive en France doit pouvoir disposer des mêmes services pour sa formation, sa santé, ses loisirs", a souligné François Hollande.
Clé de répartition des trois tiers
Le chef de l'Etat a ensuite donné les clés de répartition du plan en appliquant la règle des trois tiers. Le premier sur les zones denses les plus rentables comprend les centres urbains et les zones dites AMII et sera pris en charge intégralement par l'investissement privé des grands opérateurs : Orange, SFR, Bouygues et Free. Le second tiers, en zones moins denses mais rentables, sera cofinancé par les opérateurs "à partir des infrastructures déployées par les collectivités", c'est-à-dire des RIP (réseaux d'initiative publique) et par la voie de la location ou du co-investissement. Le troisième tiers, le plus enclavé, sera entièrement pris en charge par les collectivités territoriales et "plus encore par l'Etat". Au total, plus de 6 milliards pour déployer le très haut débit jusque "dans les zones isolées et fragiles".
Pour mettre en œuvre ce programme, François Hollande confirme la création d'un établissement public, comme le souhaitaient les élus locaux, chargé de coordonner et d'accompagner techniquement et financièrement le déploiement. La répartition des financements, déjà avancée par le projet de feuille de route (voir nos articles ci-contre) est confirmée : l'Etat organisera la péréquation et assurera la prise en charge, "en moyenne", de la moitié du besoin de subventions de l'investissement des collectivités maîtres d'ouvrage. Pour compléter, les collectivités auront accès aux fonds d'épargne, à des taux privilégiés. Et afin d'assurer un démarrage rapide, les guichets de subvention seront ouverts dès le mois d'avril, a confirmé le Président.
Les prélèvements sur les opérateurs seront réinvestis sur le secteur
Tout en confirmant la nécessité d'établir une relation claire avec les opérateurs dont les besoins de "stabilité et de visibilité" sont souvent rappelés, le Président a simplement promis "qu'il n'y aurait aucun autre prélèvement sur les opérateurs qui ne soit affecté à l'investissement dans le secteur des télécoms". Autrement dit, il a confirmé qu'il ne s'interdisait pas de nouveaux prélèvements, tout en promettant que ceux-ci resteraient affectés au secteur des télécoms, de la même façon d'ailleurs que des redevances seront versées par les opérateurs pour l'utilisation des fréquences télécom qui pourraient financer le haut débit "pour les moins favorisés".
Révision à la baisse... ?
La présentation de la stratégie donnera sans doute lieu à des éclaircissements lors du séminaire gouvernemental de la semaine prochaine, mais elle appelle déjà plusieurs remarques :
- Le volume retenu pour les subventions publiques représentera finalement la fourchette basse envisagée initialement, avec un volume de subventions annuelles situé dans une fourchette de 300 à 320 millions d'euros alors qu'en début d'année, le curseur pointait sur la zone des 380 millions. Le découpage de la zone moins dense en deux parties "rentables" et "non rentables" reste une notion difficile à appréhender surtout dans une dynamique de déploiement et d'investissement. Des précisions seront nécessaires sur sa signification réelle.
- La création d'un établissement public national chargé du déploiement et de l'accompagnement répond aux attentes des collectivités qui souhaitaient être associées plus étroitement à la gouvernance du plan national. Dans ce cadre, la répartition des responsabilités entre l'Etat, les collectivités territoriales et les opérateurs devrait être plus équilibrée.
- Quelques interrogations demeurent sur les conditions de mobilisation des fonds d'épargne. Quels seront les taux d'intérêt "privilégiés" proposés aux collectivités territoriales. Des taux à 4% (non arbitrés), supérieurs à ceux qu'elles obtiennent habituellement sur les marchés, ont été mentionnés. Même dans des hypothèses de longue durée (20 ans, 30 ans voire 40 ans), beaucoup s'attendent à des taux plus attractifs.