Aménagement numérique - Très haut débit : le Comité des régions au chevet des zones moins denses
Avec le "Digital Agenda for Europe" (DAE), l'Union européenne s'est dotée d'une feuille de route sur le numérique, notamment en matière de très haut débit. Parmi les objectifs fixés, 100% des foyers européens couverts à 30 Mo/s d'ici 2020, avec un taux de pénétration de 50% du "ultra-fast broadband" (100 Mo/s). Afin de suivre l'avancée des chantiers, et d'évaluer la situation des différents pays membres, le Comité des régions (qui réunit des représentants des collectivités au niveau européen) publie une étude intitulée "Linking the Digital Agenda to rural and sparsely populated areas to boost their growth potential". De langue anglaise, cette étude a pour but d'évaluer l'impact socio-économique des déploiements très haut débit pour les territoires les moins denses, et de définir les outils les plus appropriés à disposition des collectivités pour la construction de réseaux.
Zones rurales : fracture numérique européenne, disparités des situations
Partant du constat qu'il existe une fracture numérique touchant tout le continent entre zones urbaines et rurales, mais également de grandes différences entre les pays membres, l'étude se centre sur les zones non-rentables pour les opérateurs télécoms privés car "à dominante rurale", "reculés" et avec "une population clairsemée" (dites RSS) (1). On compte 552 de ces espaces à travers l'Europe, dont 56 en France (contre, par exemple, 118 en République tchèque et un aux Pays-Bas). Ces espaces peuvent eux-mêmes être divisés en six groupes (de 1 à 6), fonction du taux de pénétration du haut débit, et du taux de couverture en très haut débit (2), qui dépeignent le "taux de préparation" des foyers aux TIC. Si chaque pays connaît une situation et une "préparation" qui lui est propre, l'étude montre que tous ces territoires sont confrontés aux mêmes limites en termes de déploiement. Une demande plus faible et fragmentée, des coûts de déploiement et de maintenance plus élevés, l'absence d'infrastructure préexistante ou encore une complexité accrue face aux choix technologiques. Qui se transforment, pour les opérateurs, en un risque plus élevé, un plus faible retour sur investissement, une plus longue période de rentabilisation ou encore un revenu plus faible par prise (marché de niche, coût par prise plus important…).
Mobilisation des collectivités européennes pour déployer le THD
Face au déficit d'investissements privés, l'étude révèle que les collectivités territoriales se mobilisent dans toute l'Europe, à l'image de ce qui est fait en France, pour déployer le très haut débit. Pouvant ainsi jouer différents rôles. Un premier critère ("business model") évalue leur participation dans le déploiement, l'exploitation, la maintenance et la propriété des équipements actifs et des infrastructures. Viennent ensuite deux critères plus financiers : "funding modalities" qui recoupent les choix en termes de financements, et l'"investment model", qui recouvre l'investissement. Pour assurer le financement de leur réseau, les collectivités peuvent établir des partenariats avec des acteurs privés sous forme de DBO, joint-venture, concession ou subvention ("contractual arrangements"), se structurer pour atteindre une taille critique suffisante, en syndicat mixte, réseau communautaire ou par crowdfunding ("multi-stakeholders engagements"), passer par des schémas stratégiques ("strategic framework) ou encore recourir à des fonds européens, y compris au plan Juncker.
Attaché à sortir de l'abstrait, les auteurs reviennent sur les choix faits par différentes collectivités à travers l'Europe ; illustrant les différents dispositifs décrits précédemment. Enfin, une série de conseils est dispensée pour aider les décideurs publics à choisir le meilleur modèle et capter au mieux les financements extérieurs.
Le THD, porteur de croissance pour les territoires européens
Devenu indispensable pour "exploiter les opportunités du monde numérique", le très haut débit devient porteur d'un potentiel de croissance pour les territoires où il fait défaut. D'un point de vue socio-économique, les auteurs lient croissance du PIB et connectivité des territoires. Meilleur potentiel d'innovation au sein des entreprises, économies et baisse des contraintes administratives, hausse des profits… Les avantages en termes de création d'emplois semblent moins évidents, même si "le solde net d'emploi est apparemment positif". Quant au citoyen, il voit sa qualité de vie s'améliorer : réduction des contraintes administratives, économies, participation accrue, meilleurs revenus et meilleures opportunités professionnelles… Ce qui amène les auteurs à conclure que le THD permet de répondre à de nombreux "défis" auxquels sont confrontées les collectivités, aussi bien dans l'éducation, l'économie, la sécurité que l'environnement.
(1) Définies sur la base de la typologie urbain/rural d'Eurostat.
(2) Groupes 1 à 3 : taux de pénétration du haut débit inférieur à 70%, taux de couverture du très haut débit allant de moins de 35% à plus de 65% ; groupes 4 à 6 : taux de pénétration du haut débit supérieur à 70%, taux de couverture du très haut débit allant de moins de 35% à plus de 65%