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Emploi - Travail le dimanche : vers un dialogue territorial

Jean-Paul Bailly a remis le 2 décembre 2013 au Premier ministre son rapport sur le travail dominical. Au programme : une remise à plat des dispositifs existants, zones touristiques et périmètres d'usage de consommation exceptionnel (Puce) remplacés par deux nouveaux dispositifs basés sur le dialogue territorial. Le Premier ministre souhaite un nouveau cadre législatif basé sur ces propositions dès 2014.

"Je souhaite que le nouveau cadre législatif soit adopté au cours de l'année 2014, il n'y a donc pas de temps à perdre." Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, veut aller vite sur le sujet du travail dominical. Et le rapport qui lui a été remis le 2 décembre 2013 par Jean-Paul Bailly, ancien président de La Poste, et qui prône le dialogue territorial, semble lui convenir. "C'est une méthode qui permet la clarification de la loi et qui permettrait de donner des marges de décision aux acteurs locaux en s'appuyant sur le dialogue social et sur le dialogue territorial", a-t-il affirmé.
Le travail dominical est actuellement régi par la loi Mallié de 2009, qui a créé des zones touristiques et des périmètres d'usage de consommation exceptionnel (Puce). Mais il est source de difficultés. Les enseignes de bricolage, comme Leroy Merlin et Castorama, demandent une dérogation permanente d'ouverture dominicale, à l'instar de celles  accordées en 2008 aux magasins de jardinage et d'ameublement.
Tout comme dans son rapport de 2007, rédigé pour le Conseil économique et social, Jean-Paul Bailly pose un premier principe : le dimanche doit rester "un jour différent". Le gouvernement est sur la même ligne. "Le dimanche n'est pas un jour comme les autres, et nous ne souhaitons pas qu'il le devienne", a affirmé Jean-Marc Ayrault à l'issue de la remise du rapport le 2 décembre.
Autre principe soutenu par Jean-Paul Bailly : il ne faut pas accorder de dérogations sectorielles supplémentaires. Il souhaite même faire sortir l'ameublement de la liste des dérogataires de droit, après une période transitoire. "La liste des dérogataires de droit doit correspondre aux activités et commerces reconnus par la société française comme étant essentiels au fonctionnement de la société le dimanche (santé, sécurité, transports) et aux activités dominicales (loisirs, détente, culture, sport)", indique ainsi le rapport, proposant un décret en conseil d'Etat pour sortir le secteur de l'ameublement de la liste dans un délai de six à douze mois après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

Remise à plat des dispositifs existants

Au-delà de ces deux postulats, le rapport propose de remettre à plat les dispositifs existants. Selon Jean-Paul Bailly, les zones touristiques comme les Puce posent des problèmes : les premières "souffrent d'un problème de définition du périmètre puisque le dispositif permet à la fois de classer par exemple un ensemble d'un territoire communal (Bordeaux) ou quelques numéros dans une rue (Montmartre)", les deuxièmes ont permis de régulariser des pratiques d'ouverture souvent illégales…
L'ex-patron de La Poste propose de créer à la place de ces dispositifs deux types de périmètres : les périmètres d'animation concertée touristique (Pact) et les périmètres d'animation concertée commerciale (Pacc) au sein desquels les commerces pourront être autorisés de manière structurelle à déroger au repos dominical. Deux dispositifs pour lesquels la concertation territoriale prendrait toute sa place, impliquant toutes les parties prenants intéressées, des pouvoirs publics aux représentants des commerçants.
Ainsi, pour les Pact, amenés à remplacer les zones touristiques, une concertation devra être menée, à l'initiative du président de la structure intercommunale. Elle donnera lieu à un dossier d'opportunité et à une étude d'impact, tenant compte des distorsions de concurrence, de la vie des riverains, de l'impact des services publics… L'instruction des demandes de création de périmètre se ferait sous l'égide du président de la structure intercommunale, et la validation définitive par le préfet de département. "Ainsi, par exemple, une zone créant des effets de bord et des distorsions de concurrence flagrantes (comme le cas des rues partiellement classées à Paris) ne devrait pas pouvoir être validée", signale le rapport. Alors qu'aujourd'hui, le préfet ne peut que valider ou rejeter le projet de périmètre, il aurait ainsi un véritable pouvoir d'appréciation, en concertation avec les élus.

De cinq à douze "dimanches du maire"

Pour les Pacc, qui se substitueraient aux Puce, des critères objectifs devraient être pris en compte comme la densité commerciale, l'attractivité, l'adhésion des commerçants et l'adhésion des salariés. En revanche, le rapport préconise de revenir sur le critère des Puce tiré de l'antériorité de l'usage de consommation dominicale, source d'injustice et de distorsions de concurrence. L'instruction des demandes se ferait sous l'égide du préfet de département, sur la base d'un dossier d'opportunité et d'une étude d'impact, et la validation serait traitée au niveau du préfet de région. "En Ile-de-France en particulier, la vision régionale est essentielle et indispensable, insiste le rapport. Parmi la quarantaine de Puce aujourd'hui existants, de nombreux sont localisés à proximité d'une frontière administrative et ont donc un impact très au-delà de cette limite."
Le gouvernement est en phase avec ces propositions. "Il faut donc des règles claires sur le plan national, et en même temps, des possibilités d'agir de façon adaptée par le dialogue, par la négociation sur le plan territorial", a ainsi déclaré Jean-Marc Ayrault, tandis que la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, a demandé, le 2 décembre, de la "cohérence, par territoires parce que tout le monde comprend que ce qui se passe en Ile-de-France n'est évidemment pas comparable à ce qui se passe, par exemple dans ma région, la région Centre".
Autre préconisation du rapport Bailly, déjà avancée en 2007 : faire passer de cinq à douze par an le nombre d'ouvertures exceptionnelles sur autorisation du maire. Pour être plus précis, sept dimanches relèveraient de dérogations accordées par le maire, et cinq des commerçants, sous réserve d'une obligation de déclaration préalable auprès du maire.
Enfin, pour limiter les conflits en attendant la mise en œuvre de ces nouveaux dispositifs, Jean-Paul Bailly propose des mesures transitoires. La première consisterait à inscrire provisoirement, jusqu'au 1er juillet 2015 (soit six à douze mois après l'entrée en vigueur prévue de la loi), le secteur du bricolage dans la liste des dérogataires de droit. La seconde permettrait aux préfets d'accorder des dérogations individuelles pour remédier aux situations de distorsion de concurrence "qui ne pourront disparaître qu'à terme, une fois le dispositif territorial devenu effectif", précise le rapport.