Commerce - Travail dominical : le texte adopté continue de faire des vagues
Six voix : c'est ce qu'il aura fallu pour faire passer la proposition de loi Mallié sur le travail le dimanche au Sénat, jeudi 23 juillet. Après le vote de l'Assemblée (aussi serré) une semaine plus tôt, le texte est définitivement adopté, aucune modification n'ayant été apporté dans l'intervalle. Fin d'un long marathon pour le député des Bouches-du-Rhône Richard Mallié qui en était à sa quatrième tentative. A moins que le Conseil constitutionnel n'en décide autrement puisque les parlementaires socialistes ont annoncé qu'ils déposeraient un recours la semaine prochaine contre les "inégalités salariales et territoriales" qu'engendrerait la loi.
Censé mettre fin à toute une série de dérogations, le texte reste en effet sur un paradoxe : il crée au moins deux régimes avec des droits distincts pour les salariés. Dans les périmètres d'usage de consommation exceptionnelle (Puce) prévus dans les agglomérations de Paris, Lille et Marseille (Lyon ayant obtenu une surprenante dérogation au motif que ses habitants n'ont pas d'habitude de consommation le week-end), les salariés devront être volontaires et pourront bénéficier d'un doublement de salaire par accord ou référendum interne. Rien de tel en revanche dans les zones touristiques ou thermales où les salariés n'auront ni majoration de salaire ni repos compensatoire. De plus, fait valoir le PS, pour une même enseigne présente dans deux villes, l'une en Puce, l'autre non, les salariés seront traités différemment.
La définition des zones touristiques a été au coeur des divergences : l'opposition, se référant au Code du tourisme en comptabilise 6.000, alors que pour Richard Mallié, "497 communes et 29 zones touristiques" sont concernées. Un amendement voté par l'Assemblée en première lecture a toutefois permis de préciser la définition de ces zones au sens du Code du travail et non du Code du tourisme.
Un impact pour les agents territoriaux
Mais le maire de Paris, Bertrand Delanoë, soulève un autre problème. Alors que dans les zones touristiques, c'est le maire qui saisit le préfet pour instaurer le travail dominical, à Paris, le préfet peut décider sans son avis. "Si cette loi est appliquée, le conseil municipal de Paris sera le seul, contrairement à Lille, Marseille, Lyon ou Bordeaux, qui ne serait pas consulté", a déclaré Bertrand Delanoë qui en a appelé au Conseil constitutionnel "pour corriger ce qui est une rupture d'égalité entre les communes".
A l'exception de Paris, les maires seront donc les véritables arbitres. Mais les clivages sont profonds, ce qui explique sans doute le silence des associations d'élus durant ces deux semaines de débats. Or, pour la Fédération des maires de villes moyennes (FMVM), qui s'était opposée à la précédente version du texte en décembre dernier, de crainte que les habitants des villes moyennes ne viennent faire leurs courses dans les grandes agglomérations, le problème reste posé. "Je n'aurais pas voté la loi pour une question de principe, même si elle a été nettement améliorée, explique Bruno Bourg-Broc, le président de la FMVM (qui retrouvera le Palais Bourbon, vendredi, en remplacement du nouveau secrétaire d'Etat chargé du logement Benoist Apparu dont il était le suppléant). "Il n'était pas nécessaire de recourir à la loi pour régler des problèmes particuliers comme à Plan de Campagne. Mais maintenant que la loi est votée, nous l'appliquerons", ajoute-t-il.
Enfin, la loi pourrait avoir une incidence indirecte sur les fonctionnaires territoriaux. Selon le syndicat Fnact-CFTC, elle "aura sans aucun doute un impact sur l'organisation territoriale des collectivités concernées". "Non seulement les salariés du privé seront mis à contribution, mais cela aura également un impact pour les agents territoriaux (police municipale, entretien, etc.) déjà largement sollicités", estime le syndicat.
Michel Tendil
Référence : proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires.