Travail d’intérêt général : des résultats "peu probants" sur la récidive

Les travaux d'intérêt général (TIG) et la détention à domicile sous bracelet électronique ne sont pas parvenus à s'imposer comme des alternatives crédibles à l'incarcération, critique la Cour des comptes. Elle déplore des résultats "peu probants" sur la récidive, en particulier pour les TIG, et sans effet sur la surpopulation carcérale qui atteint des records.

Le travail d’intérêt général (TIG) et le bracelet électronique, deux alternatives à l’incarcération érigées au rang de priorité depuis 2019, n’ont pas eu les effets escomptés. Contrairement aux ambitions affichées, "cette politique est restée sans effet sur l’augmentation du nombre de personnes incarcérées, qui a atteint au 1er novembre 2024 le niveau record de 80.130 détenus", déplore la Cour des comptes, dans un rapport publié le 4 mars.

Malgré le volontarisme du président de la République (voir notre article), la création d’une agence nationale (l’Atigip) en 2018, l’élargissement aux entreprises, le recours aux TIG n’a cessé de diminuer. Le nombre de peines de travaux d’intérêt général prononcées a ainsi chuté de 21% de 2014 à 2023, avec une accélération depuis 2020. "Alors qu’en 2014 on décomptait environ 4,4 TIG pour 100 condamnations des tribunaux correctionnels, on n’en comptait plus que 2,7 en 2023", constate la Cour. Une situation d’autant plus "paradoxale" que le nombre de places, lui, a augmenté, passant à 38.000 en 2023 (le faible nombre de postes était jusque-là considéré comme "un important facteur limitant").

Un taux de récidive de 60% pour les TIG

Généralement, les condamnés effectuent leur TIG individuellement, au sein de personnes morales de droit public (79%), en particulier des collectivités territoriales (dont environ 45% de communes), dans des postes qui concernent en majorité l’entretien de locaux, des petits travaux ou de la manutention, les espaces verts, la propreté et le développement durable, et plus rarement des services à la personne, de la restauration, ou encore de l’accueil et de tâches administratives. 

Mais plus encore que pour la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE), nom officiel du bracelet électronique, les TIG n’ont pas prouvé leur effet sur la récidive et affichent à cet égard des "résultats peu probants". "Une condamnation à un TIG atteint près de 60%, soit un niveau proche de celui observé pour les condamnés à des peines d’emprisonnement ferme", constate la Cour. 

A contrario, le rapport relève une augmentation du recours au bracelet électronique (+32% entre 2020 et 2023 et 4.000 bracelets activés en plus, soit un total d’environ 40.000 ces dernières années) avec de meilleurs résultats, puisque le taux de récidive est de 46% chez les détenus qui ont obtenu une libération aménagée sous bracelet et même de 38% chez les condamnés ayant obtenu un aménagement avant toute incarcération. "Le prononcé des TIG a diminué au profit des DDSE, qui augmentent non pas en tant que peine autonome mais en tant qu’aménagement des peines d’incarcération et s’affirment ainsi comme un outil de gestion de la surpopulation carcérale", estime la Cour.

Manque d'accompagnement

Les raisons de cet échec ne sont pas à chercher dans un manque de postes. La Cour pointe les délais trop longs des TIG qui comportent une centaine d’heures sur seize mois environ. Elle constate le peu d’engouement des magistrats qui "ne disposent pas des outils nécessaires pour appréhender la situation sociale et pénale des mis en cause". Elle relève aussi le "faible investissement" en matière d’accompagnement et un contrôle d’exécution des peines qui n’est "pas effectué de manière satisfaisante". Ce qui affaiblit l’impact de ces mesures dans la réinsertion des condamnés, contrairement à leur objectif. Les condamnés à un TIG voient en moyenne leur conseiller d'insertion et de probation une fois tous les six mois !

Sans parvenir à s’imposer comme des peines autonomes, ces deux alternatives à l’incarcération n’ont pas davantage permis de réguler la surpopulation carcérale : celle-ci atteint un taux inégalé de 128%, dépassant le niveau de "saturation", ce qui fragilise la sécurité tant des détenus que du personnel. Une situation qui ne pourra pas être résolue à court terme par la construction de nouvelles prisons. Dans une logique d’efficacité de la peine tout autant que comptable, la Cour appelle à renouveler "les conditions de l’arbitrage à réaliser entre TIG et DDSE d’une part et incarcération de l’autre, et ce d’autant plus que le coût de ces deux mesures est très inférieur à celui de la détention : celui d’un TIG s’élevait en moyenne à 1.862 euros et celui d’une DDSE à 2.788 euros en 2022". Elle encourage aussi le recrutement de travailleurs sociaux, d’éducateurs et de coordonnateurs d’activités au sein des équipes des services pénitentiaires d’insertion et de probation et promeut les partenariats avec les acteurs spécialisés dans l’accompagnement global des personnes en grande difficulté.

 

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