Narcotrafic et violences aux personnes : quand la circulaire de politique pénale générale traduit l’air du temps

Signe des temps, dans sa circulaire de politique pénale générale présentée ce 27 janvier, Gérald Darmanin fait de la lutte contre les organisations criminelles, qui "cherchent à ébranler l’État et l’action des agents publics", et le narcotrafic sa "première priorité d’action". Le ministère public est également appelé à conserver la lutte contre les violences faites aux personnes, notamment aux élus et aux fonctionnaires, sur le haut de la pile.

Des "violences extrêmement graves observées ces dernières semaines", qui "sont autant de menaces pour le fonctionnement de notre démocratie". C’est par ce grave constat que s’ouvre la circulaire de politique pénale générale que Gérald Darmanin a adressée à ses procureurs, ce 27 janvier. Si l’exercice est évidemment affaire de style et de convictions, il traduit sans doute tout autant l’air du temps. Et ce dernier est particulièrement lourd.

Les organisations criminelles et le narcotrafic, ennemi public n°1

Alors qu’Éric Dupond-Moretti – tant à son entrée en fonction (voir notre article du 8 octobre 2020) qu’à l’aube du nouveau quinquennat d’Emmanuel Macron (voir notre article du 4 octobre 2022) – entendait d’abord s’atteler aux "petite et moyenne délinquances", à la "délinquance du quotidien", d’une part, et restaurer le lien entre les citoyens et leur justice, qu’il voulait "plus accessible", d’autre part, l’ancien ministre de l’Intérieur fait de la lutte contre les organisations criminelles, "qui cherchent à ébranler l’État et l’action des agents publics", et le narcotrafic, sa "première priorité d’action". "Les magistrats, les greffiers, les forces de l’ordre, les élus, les personnels pénitentiaires ou de la protection judiciaire de la jeunesse sont désormais les victimes, de façon récurrente, d’actes de violence ou la cible de manœuvres d’intimidation et/ou de corruption", alerte le garde des Sceaux. À dire vrai, dans sa circulaire de 2022, Éric Dupond-Moretti pointait déjà "la montée en puissance de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance lucrative", "trafic de stupéfiants" en tête. Depuis, la commission d’enquête sénatoriale conduite par Jérôme Durain-Étienne Blanc a toutefois jeté une lumière crue sur l’ampleur et la profondeur du phénomène. "L’intensité de la menace" est jugée telle que, comme son successeur place Beauvau il y a peu (voir notre article du 13 janvier), Gérald Darmanin dresse à son tour le parallèle avec le terrorisme : "À l’instar du sursaut collectif auquel nous ont contraints plusieurs attentats terroristes au cours de ces dernières années, la lutte contre la criminalité organisée, en particulier, doit constituer une priorité absolue pour l’ensemble des parquets", indique-t-il. Et comme Bruno Retailleau (voir notre article du 8 novembre 2024), le ministre de la Justice invite singulièrement ses troupes à frapper au portefeuille : "Plus que la volonté d’augmenter les saisies de drogue, votre priorité […] doit être celle de la lutte contre le blanchiment et les gains financiers induits par cette criminalité", exhorte-t-il. Concrètement, il les invite à "privilégi[er] les saisies et confiscations" et à systématiser les investigations patrimoniales, en y intégrant notamment la recherche des actifs numériques. 

Toujours les violences aux personnes

Deuxième priorité d’action affichée, malheureusement désormais classique, "les violences faites aux personnes". Le garde des Sceaux appelle en particulier à poursuivre la lutte contre les violences faites aux femmes, mais aussi aux enfants, contre les actes anticonfessionnels, contre ceux commis en raison de l’orientation sexuelle ou encore contre les faits d’apologie du terrorisme ou de provocation directe à des actes de terrorisme, contre la radicalisation violente ou le séparatisme. Last, but not least, sont également visées "les violences commises contre les personnes dépositaires de l’autorité publique, contre les élus, contre les magistrats, fonctionnaires et contractuels du ministère de la Justice, les enseignants et le personnels de santé". Rappelons que face à la montée des violences dont les élus sont, parmi d’autres, de plus en plus victimes, Nicole Belloubet fin 2019, puis Éric Dupond-Moretti, en 2020 et en 2023 avaient adopté des circulaires spécifiques.

Une justice ferme, effective, lisible, rapide et communicante

De manière générale, le garde des Sceaux invite les procureurs à une réponse pénale "ferme, empreinte de lisibilité et de célérité", mais aussi "effective", "la certitude de la sanction et son exécution, qui n’est pas forcément l’enfermement carcéral, étant un levier de prévention de la délinquance". Une "efficacité" du ministère public qui, pour Gérald Darmanin, passe nécessairement par "la mise en œuvre d’un dialogue institutionnel continu impliquant les forces de sécurité intérieures, les préfets, les élus et les bâtonniers". Et une lisibilité qui implique pour les procureurs "d’intensifier largement [leurs] efforts en matière de communication".

 

Le Sénat planche sur la proposition de loi visant à sortir la France du narcotrafic 

Déposée au début de l’été, et soutenue par le gouvernement, l’adoption de la proposition de loi Durain/Blanc visant "à sortir la France du piège du narcotrafic" semble en bonne voie au Sénat. Adopté en commission le 22 janvier dernier, le texte est actuellement examiné en séance publique. La fin des discussions est prévue au plus tard ce 4 février.

 

 

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