Quarante ans du TIG : CSPD/CISPD et conseils départementaux appelés à la mobilisation
Dans une circulaire visant à favoriser l’essor de la peine de travail d’intérêt général, qui fête ses 40 ans en France, le garde des Sceaux appelle notamment à la mobilisation des conseils départementaux afin d’aider les collectivités "de taille modeste" à accueillir des "tigistes". La circulaire insiste également sur le rôle "incontournable" des CLSPD/CISPD et invite à élargir les postes proposés, notamment via les acteurs de l’économie sociale et solidaire. Et de plaider enfin pour donner corps aux "incitations financières" prévues par une loi de… 2009, laquelle conditionne normalement le versement de subventions du FIPD à l’accueil de tigistes.
À l’occasion du 40e anniversaire de l’introduction de la peine de travail d’intérêt général (TIG) en France, le garde des Sceaux vient d’adresser une circulaire aux procureurs, aux directeurs interrégionaux des services pénitentiaires d’une part et de la protection judiciaire de la jeunesse d’autre part, afin qu’ils renforcent la coordination entre leurs services, érigée en "condition de la réussite" du développement de cette peine.
CLSPD et CISPD incontournables
La circulaire souligne toutefois que cette coordination doit aller au-delà de ces seuls services, pour inclure notamment les conseils locaux – et intercommunaux – de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD et CISPD). Deux instances que le garde des Sceaux juge "incontournables pour évoquer les problématiques liées au développement du TIG dans les territoires". Et ce, "non seulement pour le développement d’une prospection rationnelle des postes de TIG, mais également pour identifier d’autres leviers favorisant l’exécution de cette peine (comme par exemple les questions liées à la mobilité sur le territoire)".
Le ministre invite en conséquence les procureurs à convenir avec les maires et présidents d’EPCI d’associer aux réunions de ces instances, "lorsque le TIG est porté à l’ordre du jour", les référents territoriaux du TIG aux représentants de la direction des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) et de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Et ce, afin d’informer les participants sur le développement de la mesure TIG, la diversité des postes proposés, la mise en œuvre du parcours d’exécution de TIG et les besoins à satisfaire, notamment au regard des bassins de population, du contexte économique et géographique du territoire, du lieu de résidence des personnes placées sous main de justice (PPSMJ) ainsi que de leurs caractéristiques socio-professionnelles.
Des conseils départementaux à mobiliser
Le ministre invite également à mobiliser les conseils départementaux "pour soutenir les collectivités territoriales de taille modeste ne disposant pas de ressources humaines suffisantes pour assurer l’encadrement de tigistes". Pour ce faire, la circulaire préconise la formalisation de conventions entre les directions des SPP et de la PJJ d’une part, et les conseils départementaux d’autre part, "en référence à la mission sociale et d’insertion" de ces derniers. L’objectif est notamment d’augmenter le maillage territorial des postes de TIG en zone rurale, alors que la mobilité reste souvent un défi (v. notre article du 21 juin 2021). La circulaire ajoute que la conclusion de ces conventions "sera également l’occasion d’échanges avec les collectivités publiques au sujet des transports publics accessibles aux PPSMJ pour se rendre sur leur lieu de TIG".
Diversifier les postes
Le ministre insiste sur la nécessaire diversification des postes proposés, notamment pour renforcer l’individualisation du parcours d’exécution de peine, à mettre en cohérence avec le parcours d’insertion professionnelle/sociale de la personne condamnée. Le ministre observe qu’alors que "les secteurs 'espaces verts' et 'entretien de locaux' représentaient à eux seuls 75% de l’offre" il y a peu (v. notre article du 21 juin 2021), "les efforts réalisés ces trois dernières années ont permis de faire émerger de nouveaux secteurs (aide à la personne, l’accueil, secteur de la restauration collective)". Il insiste sur le besoin d’investir trois chantiers : le développement de postes au sein de structures relevant de l’insertion par l’activité économique, au sein des structures de l’économie sociale et solidaire et dans les domaines de la transition écologique et énergétique et du respect de l’environnement.
"Incitations financières" pour les communes
Last but not least, la circulaire indique qu’en lien avec les CLSPD/CISPD, "il convient de tirer les conséquences de l’article 98 de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, prévoyant des incitations financières pour les communes qui proposent des postes de TIG, lors de l’examen des projets d’attribution des fonds FIPD" (fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation – v. notre article du 3 décembre 2019). Une formulation surprenante, puisque la loi, toujours en vigueur, dispose précisément que "les actions conduites par l’État, les communes, les EPCI, les départements, les régions ainsi que les personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public ne sont éligibles au FIPD que s’ils proposent des TIG" (une formulation exacte que reprenait d’ailleurs la circulaire du 19 mai 2011 relative au TIG, que la présente circulaire vient annuler et remplacer). Près de quinze après son adoption, il serait effectivement temps de respecter cette disposition législative, que l’instruction du ministre de l’Intérieur du 16 février dernier relative au FIPD (v. notre article du 13 mars 2023) continue au passage d’ignorer. Notons encore que bien qu’ancienne, la disposition reste si méconnue que "Les Jeunes avec Macron" proposaient de l’instituer lors de la dernière élection présidentielle.
TIG toujours à la peine
En dépit d’un "quadruple intérêt – sanction ferme, caractère réparateur de l’exécution de la peine vis-à-vis de la société civile, suivi de probation et lien vers l’insertion sociale et professionnelle", "d’un accueil favorable de la société civile", d’un "investissement partenarial important" – singulièrement celui des collectivités – et de multiples réformes pour favoriser son essor, le TIG reste à la peine (v. notre article du 21 juin 2021). Parmi les plus récentes, la loi de programmation 2018-2022 du 23 mars 2019 (v. notre article du 27 mars 2019) – créant l’agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice (Atigip), une plateforme numérique (TIG360°), mise en service en 2020 pour "faciliter la prospection et faciliter la gestion opérationnelle", ainsi qu’un réseau de référents territoriaux qui couvre désormais l’ensemble du territoire –, la loi du 8 avril 2021 sur la justice de proximité (v. notre article du 8 avril 2021) ou tout récemment encore le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère 2023-2027, en cours de discussion (v. notre article du 4 mai 2023). Avec des résultats décevants, le rocher n’ayant de cesse de redévaler la pente.
Certes, le garde des Sceaux met en avant dans sa circulaire les 26.058 postes de TIG "désormais référencés et actifs au début du mois de février 2023", contre moins de 18.000 fin 2018, ou encore la progression de l’offre de places de TIG, passée de 26.456 à 35.538 entre septembre 2021 et février 2023. Reste que l’objectif, fixé en 2019, d’atteindre 30.000 postes en 2022 n’est toujours pas atteint. Pis, le ministre concède que "le nombre de mesures de TIG prises en charge sur l’année 2022 a décliné et peine à retrouver son niveau antérieur à la crise sanitaire".