Transport ferroviaire de voyageurs : une première ordonnance fixe le cadre de l'ouverture à la concurrence
La première ordonnance prise en application de la loi du 27 juin 2018 sur le nouveau pacte ferroviaire a été publiée au Journal officiel ce 13 décembre après avoir été présentée en conseil des ministres la veille. Dans la perspective de l'ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs, elle complète les dispositions de la loi sur trois points : le renforcement de l'indépendance des gestionnaires d'infrastructures, l'encadrement du régime des services publics de transport ferroviaire de voyageurs, ainsi que des mesures transversales d'adaptation de l'organisation du système ferroviaire et de mise en cohérence avec l'ouverture à la concurrence des services, notamment pour la gestion de certaines gares et la distribution des titres de transport.
Première ordonnance prise en application de la loi du 27 juin 2018 sur le nouveau pacte ferroviaire, l'ordonnance portant diverses dispositions relatives à la gestion de l'infrastructure ferroviaire et à l'ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs publiée ce 13 décembre vise tout d’abord à achever la transposition, au niveau législatif, du pilier 'politique' du quatrième paquet ferroviaire adopté le 14 décembre 2016 par les instances européennes. Dans le cadre de l'ouverture à la concurrence des services nationaux de transport ferroviaire de voyageurs, la loi du 27 juin dernier a en effet transposé les dispositions de la directive (UE)2016/2370 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 liées à l'extension du droit d'accès à l'infrastructure ferroviaire pour l'exploitation par les entreprises ferroviaires de services de transport ferroviaire de voyageurs ainsi que certaines mesures relatives à l'indépendance de SNCF Réseau au sein du groupe SNCF.
Renforcement des garanties d'indépendance des gestionnaires de l'infrastructure ferroviaire
Le titre 1er de l'ordonnance permet d'achever cette transposition en prévoyant les mesures qui renforcent les garanties d’indépendance des gestionnaires de l’infrastructure ferroviaire par rapport aux entreprises ferroviaires (indépendance des fonctions de gestion de l’infrastructure, mesures de transparence financière ; prévention des situations de conflit d’intérêts et des risques de comportement discriminatoire). Il renforce également, dans cette perspective, les pouvoirs de contrôle du régulateur du secteur, à savoir l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer). "L'article 1er transpose ainsi les dispositions de la directive applicables à l'ensemble des gestionnaires d'infrastructures ainsi que les mesures renforcées visant spécifiquement ceux appartenant à une entreprise dite 'verticalement intégrée'", résume le rapport au président de la République relatif à l'ordonnance.
Cadre juridique des contrats de services publics ferroviaires
Toujours dans la perspective de la prochaine ouverture à la concurrence, le titre II de l'ordonnance précise le régime juridique applicable à la passation et à l’exécution des contrats de service public de transport ferroviaire de voyageurs pour les services conventionnés (TER, Transilien dont RER, Intercités) ainsi que les modalités de transfert des biens (matériels roulants et ateliers de maintenance notamment) affectés actuellement par SNCF Mobilités aux services publics dans le cadre des conventions en cours. Aujourd'hui, la législation française soumet partiellement l'attribution et l'exécution des concessions de service public ferroviaires attribuées par voie de mise en concurrence au régime général des concessions. Elle n'encadre cependant pas les marchés publics de service public ferroviaires, ceux-ci étant soumis aux seules dispositions du règlement dit "OSP" (obligations de service public) qui s'applique aux services dont l'équilibre économique ne peut être assuré sans soutien public.
L'article 2 de l'ordonnance complète donc ce régime juridique en créant un cadre uniforme pour l'ensemble des contrats de services publics ferroviaires attribués par les autorités organisatrices, en particulier les régions qui pourront ouvrir à la concurrence leurs TER, selon un rythme qu’il leur appartient de définir, entre 2019 et 2033, voire au-delà dans des circonstances particulières. Cet article "rend ainsi largement applicable à ces contrats, indépendamment de leur qualification juridique, le régime concessif et, pour les collectivités territoriales, celui des délégations de service public", souligne le rapport. Par ailleurs, l'article maintient, sous certaines conditions, la propriété de l'opérateur sur les biens affectés simultanément, dès l'origine, à des services librement organisés et à des services conventionnés. A titre accessoire, l'ordonnance clarifie et sécurise l'application du règlement OSP en définissant en droit national les documents exposant la politique en matière de transport public que chaque catégorie d'autorité organisatrice doit prendre en compte pour la définition des obligations de service public propres aux différents contrats.
Devenir des biens affectés aux services publics ferroviaires
L'article 3 précise pour sa part le sort des biens affectés actuellement par SNCF Mobilités aux services publics dans le cadre des conventions en cours avec les autorités organisatrices, en complétant et précisant l'article 21 de la loi du 27 juin 2018, qui prévoit les modalités de transfert, à la demande des autorités organisatrices, des matériels roulants et des ateliers de maintenance. D'une part, l'article précise les modalités de transfert des matériels roulants (devenir des biens affectés à plusieurs services, transmission des éléments pour garantir le niveau de sécurité requis, transfert d'un stock de pièces détachées et des équipements embarqués nécessaires à l'exploitation, cession de la qualité de partie au contrat avec le constructeur) et des ateliers de maintenance (définition d'un atelier de maintenance et de l'utilisation "majoritaire"). D'autre part, l'article prévoit la possibilité de transfert, à la demande des autorités organisatrices et sous certaines conditions, des autres biens nécessaires à la continuité et à la sécurité de l'exploitation ferroviaire.
Gestion des gares à dimension locale
Enfin, l'ordonnance comporte des mesures transversales d’adaptation de l’organisation du système ferroviaire et de mise en cohérence avec l’ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire. Elle vise d'abord à préserver le modèle de gestion de gares à dimension locale. Actuellement, au sein de SNCF Mobilités, certaines prestations relevant du gestionnaire des gares sont en effet réalisées par les personnels des entreprises ferroviaires présentes en gares (notamment pour les activités TER et Transilien lorsque leur trafic y est majoritaire). Dans la perspective de l'ouverture à la concurrence, l'article 4 de l'ordonnance préserve ce modèle pour les gares régionales dont le trafic est majoritairement conventionné et définit en conséquence un dispositif permettant aux autorités organisatrices de transport d'inclure, à leur demande, dans le périmètre des contrats de service public relatifs à l'exploitation des services ferroviaires "tout ou partie des prestations de gestion ou d'exploitation des gares".
Modalités de distribution des titres de transport ferroviaire
L'article 5 encadre quant à lui certaines modalités de distribution des titres de transport ferroviaire. D'une part, il favorise la distribution des titres des services en correspondance avec des services publics en posant le principe selon lequel les autorités organisatrices doivent garantir l'accès des entreprises ferroviaires, des opérateurs de vente de voyages et des autres autorités organisatrices à la distribution des titres de transport ferroviaire qu'elles organisent. D'autre part, l'ordonnance renvoie au contrat de service public le soin de clarifier la répartition des rôles entre autorité organisatrice et opérateurs de services publics en matière de distribution.
"D’autres ordonnances viendront, au cours des prochains mois, préciser la nouvelle organisation du groupe SNCF et ses relations avec l’État ainsi que le rôle de l’autorité de régulation des activités ferroviaires et routières", rappelle le compte-rendu du conseil des ministres.
Référence : ordonnance n° 2018-1135 du 12 décembre 2018 portant diverses dispositions relatives à la gestion de l'infrastructure ferroviaire et à l'ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs, JO du 13 décembre 2018, texte n°55 ; rapport au président de la République relatif à l'ordonnance n° 2018-1135 du 12 décembre 2018 portant diverses dispositions relatives à la gestion de l'infrastructure ferroviaire et à l'ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs, JO du 13 décembre 2018, texte n°54. |