Transport de voyageurs : un retour à la normale confirmé en 2022, selon l'ART
Le transport de voyageurs a retrouvé en 2022 sa dynamique antérieure à la crise sanitaire, selon le troisième rapport multimodal publié par l'Autorité de régulation des transports (ART) ce 29 avril. Si le ferroviaire a connu un rebond très marqué, les véhicules particuliers restent largement en tête des modes de transport les plus utilisés. L'ART présente aussi dans ce rapport deux études qui intéresseront de près les autorités organisatrices de la mobilité : l'une dresse un état des lieux des projets de déploiement de nouveaux services express régionaux métropolitains (Serm) tandis que l'autre analyse le développement d’un titre de transport "unique" en France.
"Le transport de voyageurs en France retrouve, en 2022, quasiment son niveau antérieur à la crise sanitaire, notamment sous l’effet du dynamisme du transport ferroviaire", observe l'Autorité de régulation des transports (ART) dans son troisième rapport sur le transport de voyageurs en France publié ce 29 avril. Avec 991,6 milliards de voyageurs.km, le recul constaté n'a été que de 3,8% par rapport à 2019. Tous les modes de transport ont connu un regain de leur fréquentation (respectivement de 36,5% et 14,2% par rapport à 2021 pour le ferroviaire et la voiture).
La hiérarchie des modes demeure
Le transport ferroviaire a atteint une part modale record de plus de 10% et une fréquentation supérieure à celle observée en 2019 tandis que les transports en commun routier et aérien sont restés en deçà de leur niveau de 2019. Hormis ce rebond du ferroviaire, la crise sanitaire ne semble pas avoir bousculé la structure du transport de voyageurs, le véhicule particulier restant de loin le mode de transport privilégié – il représente à lui seul 83% des kilomètres parcourus.
La reprise du trafic s’est accompagnée d’une amélioration des taux de réalisation de l’offre, qui s’étaient fortement dégradés au cours de la crise sanitaire du fait des déprogrammations inhérentes aux périodes de confinement successives, relève le rapport. Toutefois, "l’année 2022 se caractérise par une dégradation importante et générale de la ponctualité des services par rapport à l’année précédente et 2019", relativise-t-il. "Si la ponctualité des services ferroviaires, aériens et routiers s’était fortement améliorée au cours de la crise sanitaire en raison, notamment, d’une diminution significative du trafic, cette tendance s’inverse dès 2021, notamment pour les services librement organisés domestiques ou internationaux", constate-t-il. En cause, selon les secteurs : des dimensions structurelles (état et âge du réseau et du matériel roulant, gestion en gare) et plus conjoncturelles (manque de personnel, difficulté d’anticipation de la reprise du trafic), internes ou externes (conditions climatiques, mouvements sociaux) aux transports.
Des émissions de gaz à effet de serre toujours très élevées
La reprise met également un terme à l’amélioration observée en matière d’impact environnemental du secteur lors de la crise sanitaire. En 2022, bien qu’en deçà de leur niveau de 2019, les émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports – de voyageurs et de marchandises confondus – atteignaient 130,5 millions de tonnes eCO2 (soit -2,9% par rapport à 2019), dont près de 94% provenait du transport routier (52% du véhicule particulier). En moyenne, un Français a émis en 2022, pour ses seuls déplacements, de l’ordre de 2 tonnes eCO2, soit un niveau équivalent à la cible d’empreinte carbone pour 2050 retenue par la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) afin de respecter les objectifs fixés par l’Accord de Paris sur le climat.
Ce rapport offre aussi l'occasion à l'ART de présenter deux études thématiques sur des sujets au cœur de l'actualité des transports et qui peuvent selon elle contribuer à l'atteinte des objectifs de décarbonation : les projets de déploiement de nouveaux services express régionaux métropolitains ("Serm" ou RER métropolitains) et de développement d’un titre de transport "unique" en France.
RER métropolitains : les conditions du développement
"Les Serm présentent un clair potentiel de développement pour améliorer la connexion entre les métropoles et leur périphérie, sous certaines conditions", estime ainsi l'ART. Près de 15 projets de RER métropolitains ont déjà connu en 2023 des étapes de lancement voire d’exploitation, et ce, avant la promulgation de la loi qui a précisé les conditions de leur mise en œuvre, fin décembre 2023, note le rapport. "Si les études à l’origine des 15 projets les plus avancés s’accordent autour d’un enjeu commun de favoriser l’usage de modes collectifs ou actifs pour les mobilités interurbaines et urbaines, elles restent cependant sommaires, et les investissements prévus peu corrélés à la fréquentation attendue", relativise toutefois le régulateur. Pour permettre ce "choc d’offre", les projets de Serm peuvent déjà s’appuyer sur une infrastructure ferroviaire globalement dense, en bon état et disposant de réserves de capacité d’offre ferroviaire. L’utilisation actuelle du réseau montre en effet "un potentiel de renforcement des dessertes ferroviaires, en gares et sur les voies déjà existantes, en termes de fréquence et d’amplitude horaire, et un niveau de ponctualité des dessertes ferroviaires opérées sur les Serm déjà relativement satisfaisant en moyenne, même si ce seul facteur ne permet pas de présumer l’attractivité réelle de l’offre ferroviaire en place", estiment les auteurs du rapport.
"En revanche, pour répondre aux objectifs fixés, l’offre ferroviaire des Serm devra se coordonner avec les solutions de mobilités actives et collectives offertes en milieu urbain et interurbain, qui apparaissent aujourd’hui très hétérogènes selon les projets, préviennent-ils. D’une part, les réseaux de bus, tramways et métros sont relativement concentrés sur le cœur des métropoles, avec une présence plus limitée dans leurs périphéries, même s’ils offrent déjà une accessibilité moyenne à forte en termes d’amplitude horaire et de cadencement pour plusieurs projets de Serm. D’autre part, la densité de l’offre de réseaux cyclables, affichée comme un objectif pour accompagner le développer des Serm, est aussi hétérogène entre agglomérations." Enfin, cette coordination apparaît "essentielle" pour que les Serm permettent de réduire l’usage du véhicule particulier, notamment en cas de saturation des réseaux routiers.
Pour l'ART, il existe bien à travers les Serm "un potentiel de progression important des transports collectifs", notamment via une amélioration de l’accessibilité et de l’attractivité de leurs offres. "Les transports actifs et collectifs représentent aujourd’hui 15 à 30% de la mobilité pendulaire dans les agglomérations françaises, contre plus de 50% pour le Serm parisien", relève-t-elle. La performance observée de l’offre TER (mais aussi de l’offre de transports collectifs urbains) met ainsi en lumière des situations contrastées auxquelles doivent permettre de répondre les projets de Serm, notamment le déficit d’offre de transport ferroviaire de voyageurs et l’attractivité insuffisante pour les usagers. Pour améliorer cette dernière, l'ART préconise donc de s'appuyer sur deux leviers : d'une part, le type de demande adressée et la proximité à l’offre de transport, qui apparaissent comme des facteurs importants de choix modal et d’autre part, l’analyse croisée des niveaux de demande. Celle-ci avec, d'un côté, la qualité de service offerte (le taux de retard des trains) et, de l’autre, le degré d’équipement automobile, témoignent en revanche d’un moindre impact de ces facteurs ou de l’existence d’autres facteurs (arbitrages en coûts et temps de déplacement, autres facteurs d’accessibilité ou de qualité de service) comme déterminants des choix modaux, qui devront être plus finement analysés dans le cadre de chaque projet.
Titre unique : le Pass rail pour les jeunes, d'abord
La deuxième analyse figurant dans le rapport porte sur le projet de déploiement d’un "titre unique" dans les transports en France, pour lequel le gouvernement a lancé les premiers travaux début 2023. À l'origine, le projet de titre unique s’articule autour de deux volets :
> d'une part, un support d’interopérabilité permettant à la fois la possession de l’ensemble des titres de transport nécessaires à un trajet intermodal et la validation des différents titres auprès des bornes, portiques et personnels de contrôle, de façon à simplifier le parcours de l'usager (ce qui suppose, notamment, des technologies communes entre régions) ;
> d’autre part, l'expérimentation d’un Pass rail ciblé sur les jeunes et la période estivale sur les réseaux TER et Intercités.
À court terme, c'est ce Pass rail destiné aux moins de 27 ans qui va voir le jour le premier. Compte tenu des retours d’expériences de mesures plus ou moins similaires déjà déployées par ailleurs en France et en Europe, les retombées potentielles de ce dispositif – dont la portée est réduite par rapport à un pass généralisé – devraient être limitées en matière de report modal, estime l'ART. "Le Pass rail présente toutefois l’avantage d’être moins coûteux qu’un pass généralisé et de limiter les risques observés lors de la mise en place de mesures similaires à grande échelle (embolisation de l’offre et diminution de la qualité de service, notamment)", conclut-elle.