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Elus - Transparence de la vie publique : les projets de loi adoptés par le Sénat après un parcours chaotique

Le Sénat a adopté dans la nuit du 15 au 16 juin, après un parcours chaotique, les deux projets de loi sur la transparence de la vie publique, sans donner le feu vert à la publication des patrimoines, que refusaient les radicaux de gauche.
Le projet de loi organique, qui concerne les parlementaires, a d'abord été voté dans l'après-midi par 184 voix contre 141 . Les sénateurs ont ensuite adopté le deuxième texte sur la transparence, un projet de loi ordinaire qui étend notamment le dispositif aux présidents d'exécutifs locaux (ainsi qu'aux ministres et conseillers). Mais ces deux textes ont toutefois été amputés de leur partie essentielle, à savoir la publication des déclarations de patrimoine et d'intérêts.
"Le projet de loi initial était une espèce de contre-feu pour détourner les regards de l'exécutif vers le législatif", a estimé Pierre-Yves Collombat au nom de son groupe RDSE, à majorité PRG. Mais "parce que ces débats nous ont permis d'améliorer le texte initial, comme la définition du conflit d'intérêt et l'introduction de l'intentionnalité, nous le voterons", a-t-il dit, ajoutant que "nous avons eu raison de demander un retour en commission".
L'examen du texte organique, entamé le 9 juillet, avait effectivement été différé de 48 heures après l'adoption d'une motion de renvoi en commission du groupe RDSE qui estimait que le texte n'avait pas été assez travaillé. Le président des sénateurs RDSE, Jacques Mézard, avait annoncé d'emblée que son groupe ne le voterait pas en l'état. En sachant que les 18 voix de ces sénateurs sont indispensables à la majorité gouvernementale. Finalement, le RDSE a voté les deux textes car amputé de la publication des patrimoines.
Tout en votant pour le texte, la présidente du CRC (communiste), Eliane Assassi, a regretté la suppression de la publication des patrimoines au Journal officiel. Même regret de la part de l'écologiste Esther Benbassa, dont le groupe a voté les textes. "Mais même amputé de l'article 1, il a fait évoluer les mentalités", a-t-elle estimé.
L'UMP ne l'a pas voté, a annoncé Philippe Bas, lui reprochant notamment d'aller "beaucoup trop loin" en ce qui concerne les incompatibilités en s'en prenant "à la liberté d'exercice d'une activité professionnelle".
Vendredi, les sénateurs avaient rejeté la publication des patrimoines, après avoir pourtant voté un amendement instaurant cette publication au JO, résultat de laborieuses négociations entre le rapporteur PS Jean-Pierre Sueur et une partie des centristes. Cet amendement avait été déposé par 21 membres de l'UDI-UC dont leur président François Zocchetto, qui avait ensuite fait volte-face en votant contre l'article 1. Ce revirement a provoqué l'indignation de l'ancien ministre centriste Michel Mercier. "Je n'ai jamais vu cela de ma carrière parlementaire" (...) "je pense que c'est dû à des petits accords, du genre donne-moi le sel et je te passe le poivre", a-t-il dit en marge du débat.
Plus tard dans la nuit les sénateurs confirmaient leur rejet de toute publication en supprimant l'article prévoyant cette publication pour les déclarations de patrimoine et d'intérêts pour les ministres, responsables d'exécutifs locaux, membres de cabinets ministériels.
En revanche les sénateurs ont voté à l'unanimité la transparence de la réserve parlementaire, somme dont disposent députés et sénateurs pour financer des projets dans leurs circonscriptions. Laurence Rossignol (PS) a proposé qu'un document précise chaque année le nom du parlementaire ayant sollicité la réserve, le nom des bénéficiaires, et le montant de la subvention.
Les deux textes, inscrits en procédure accélérée (une lecture par chambre) devaient passer dès ce 16 juin au en Commission mixte paritaire chargée d'établir une version commune aux deux assemblées avant un retour devant les parlementaires pour un vote définitif. Cette CMP devrait revenir au texte adopté par les députés, qui prévoyait des déclarations de patrimoine consultables en préfecture, avec interdiction de les divulguer sous peine de sanction pénale.

Coup de projecteur sur la réserve parlementaire 2011
L'acharnement d'une association a abouti la semaine dernière à la publication de plus de 1.000 pages de données quasi exhaustives sur l'utilisation de plus de 150 millions d'euros au titre de la réserve parlementaire en 2011, sur laquelle régnait une opacité certaine. Cette réserve, qui ne repose sur aucune existence légale, aide à financer des projets de collectivités à 90%, et d'associations pour le reste. Selon les estimations de ces dernières années, notamment celles du député socialiste René Dosière, elle est de 90 millions d'euros pour les députés et de 60 millions d'euros pour les sénateurs.
En septembre dernier, le président de l'Assemblée, Claude Bartolone, décidait que l'utilisation de la réserve 2012 sera rendue publique par l'Assemblée à la fin 2013. Un certain nombre de députés ont déjà rendu publique l'utilisation de leur réserve, tant à gauche qu'à droite. Claude Bartolone avait aussi décidé d'une répartition plus équitable à raison de 130.000 euros pour un député de base. Elle reste plus importante pour les présidents de commission.
"Face à la concurrence que représente, dans la circonscription, l'activité de conseillers généraux disposant de sommes importantes à distribuer, le député doit faire valoir d'autres arguments que son expertise législative, toujours abstraite aux yeux des citoyens", explique René Dosière dans son dernier livre.
Depuis près de trois ans, le président de l'association "Pour une démocratie directe", Hervé Lebreton, un professeur de mathématiques, se bagarre pour avoir accès à tous ces documents et a récemment remporté une victoire auprès du tribunal administratif, entraînant la communication de ces documents par le ministère de l'Intérieur.
Les données mises en ligne, notamment sur les sites des associations Anticor ou Regards Citoyens, font apparaître que les députés UMP recevaient 7 fois plus que les députés PS de l'opposition: 56,9 millions contre 7,8 millions. C'est apparemment le Val-de-Marne qui est le département le plus subventionné de France, parlementairement parlant, suivi de l'Oise et de la Haute-Savoie.
Les projets financés sont variés : de la réfection du toit d'une école à la rénovation du cimetière en passant par l'installation de défibrillateurs cardiaques, l'acquisition d'un four à poterie, ou encore l'achat de "balayeuses" ou de tondeuses… La nature anodine et souvent modeste de la plupart des projets, chantiers ou acquisitions en jeu peut d'ailleurs amener à se demander pourquoi ceux-ci n'ont pas pu voir le jour sur la base d'un financement local "ordinaire", sans nécessiter l'intervention de la réserve parlementaire…