Archives

Environnement - Transition énergétique : remous autour de l'amendement contre la fin de l'interdiction des coupures d'eau

Dans le cadre de l'examen du projet de loi sur la transition énergétique qui doit faire l'objet d'un vote solennel ce 3 mars, les sénateurs ont voté le 19 février, avec le soutien de Ségolène Royal, une disposition qui n'en finit pas de susciter des remous chez les défenseurs du droit à l'eau. Selon cet amendement porté par le sénateur UMP Christian Cambon (Val-de-Marne), par ailleurs vice-président du Syndicat des eaux d'Ile-de-France (Sedif), les coupures d'eau ne seraient en effet interdites que pour les consommateurs en situation de précarité, alors que la loi Brottes d'avril 2013 ne permet pas à un distributeur de couper l'alimentation en eau dans une résidence principale tout au long de l'année et sans critère sur la situation du consommateur, et cela même en cas d'impayé. Christian Cambon a vanté la "clarification du régime juridique" ainsi opérée. Avec la loi Brottes, "il n'était plus possible d'établir une différence de traitement entre les familles en difficulté et les mauvais payeurs qui, ayant les moyens de payer s'y refusent, profitant de cette erreur de rédaction", a-t-il expliqué. Dans un communiqué daté du 19 février, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) a approuvé cette disposition qui "garantit la continuité de l'accès à l'eau potable pour les abonnés en situation de précarité" et "souhaite que le texte soit confirmé par l'Assemblée nationale". Elle a toutefois noté "les erreurs qui ont été sanctionnées depuis quelques mois par les tribunaux, certains distributeurs d’eau ayant procédé à des coupures sans s’être suffisamment renseignés sur la situation sociale des abonnés concernés" et affirmé qu'elle sera d'"une grande vigilance" sur les engagements pris par ces distributeurs pour éviter que cela ne se reproduise.

Levée de bouclier des associations

Mais les associations qui défendent le droit à l'eau pour tous dénoncent vertement l'amendement Cambon. "Malgré les décisions de justice et contre l'avis du ministère public, le gouvernement défend une position au profit des distributeurs d'eau", a regretté France Libertés, dans un communiqué le 20 février. L'association fondée par Danielle Mitterrand juge "catastrophique de sanctionner des familles en précarité qui se battent pour s’en sortir et qui sont mises à mal par des distributeurs d’eau qui ne pensent qu’à leur équilibre économique et oublient l’essentiel de leur service public : l'accès à l'eau pour tous ". France Libertés, qui milite pour le rejet de l'amendement Cambon à l'Assemblée nationale a soutenu plusieurs recours en justice de consommateurs contre leurs distributeurs d'eau - privé ou régie publique - qui avaient réalisé des coupures d'eau et ont été condamnés. Dans ces affaires, la situation de précarité des clients avait été constatée par les tribunaux.
Ce 2 mars, l'association de défense des consommateurs CLCV (Consommation, Logement et Cadre de Vie) a annoncé à son tour qu'elle avait écrit à la ministre de l'Ecologie pour que la disposition introduite par l'amendement Cambon soit retirée en commission mixte paritaire. Elle considère que cette mesure est "la parfaite expression de cette volonté de ne pas reconnaître l'accès à l'eau comme un droit essentiel". Elle rappelle que le droit à l'eau, institué par le législateur en 2006, a été reconnu comme un droit de l'homme en 2010 par les Nations unies. "Le principe de cette mesure protectrice est simple, explique l'association. L'usage de l'eau potable est essentiel tant pour la nutrition que pour l'hygiène et ne peut être remis en cause. Si un abonné ne paye pas sa facture, le distributeur d'eau dispose de tous les autres moyens de recouvrement autres que la coupure (soit les moyens utilisés par d'autres professionnels des services)". La loi Brottes réaffirme ce droit mais la disposition a été assez mal appliquée à cause d'une formulation ambiguë et les distributeurs ont été plusieurs fois condamnés en justice, poursuit l'association de consommateurs. "Bien souvent, les réticences des collectivités et des opérateurs s'expliquent par le fait qu'ils ne disposent pas de service facturation très efficace et qu'ils tiennent donc au regrettable outil de la menace de coupure", estime-t-elle. Elle appelle donc la ministre à "rétablir" le droit à l'eau.