Energie - Transition énergétique : premiers accrocs en commission au Sénat sur le nucléaire
Saisie sur le fond du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, la commission des affaires économiques du Sénat a présenté ce 29 janvier les principales modifications qu'elle a apportées au texte qui sera examiné en séance à partir du 10 février.
Si, sur la majorité des sujets traités, les amendements de la Commission ont fait l'objet d'un consensus, c'est encore une fois la question du nucléaire qui a suscité les plus fortes divergences. Les sénateurs ont en effet accepté de limiter l'objectif de réduction à 50% de la part du nucléaire dans la production d'électricité, mais sans fixer de délai, alors que le projet de loi prévoyait la date de 2025, conformément à une promesse de campagne de François Hollande. "Nous préférons être pragmatiques, a déclaré Ladislas Poniatowski (UMP, Eure), le rapporteur du texte. L'amendement que nous avons adopté vise, tout en adhérant à l'objectif de diversification souhaité par le gouvernement, à assurer une transition réaliste et garante d'une croissance durable". "La réduction progressive de la part du nucléaire ne doit ainsi pas mettre en péril notre indépendance énergétique ni le caractère à la fois compétitif et peu carboné de notre électricité", a-t-il ajouté. Il préconise, à la place de la fermeture dès à présent de centrales "encore sûres et économiquement profitables", la réduction du parc de réacteurs lorsque ceux-ci arrivent en fin de vie.
"2025, c'est demain", a souligné l'élu de l'Eure. "Si le gouvernement maintient sa position, je lui demanderai de prendre ses responsabilités et de nous dire quels réacteurs, sur quels critères, et où veut-il fermer". Selon lui, le maintien de l'échéance de 2025 pour atteindre l'objectif de 50% de réduction de la part du nucléaire obligerait à fermer 20 centrales. Sachant que la fermeture de la centrale de Fessenheim coûterait à elle seule 5 milliards d'euros, il estime l'objectif intenable sur le plan économique, sans compter les conséquences en termes d'emplois.
Parallèlement, la commission présidée par Jean-Claude Lenoir (UMP) a préconisé le relèvement du plafonnement de la capacité de production du nucléaire à 64,85 GW au lieu de 63,2 GW prévus dans le texte de loi, afin que la mise en service de l'EPR de Flamanville (Manche) ne se traduise pas, dès 2017, par l'arrêt de deux réacteurs supplémentaires. Ces amendements ont été votés par l'UMP, les centristes, le RDSE (à majorité PRG) et les communistes. Les socialistes et les écologistes ont voté contre. La ministre de l'Ecologie Ségolène Royal ne désespère cependant pas "de revenir au texte initial qui a déjà fait l'objet de nombreux débats", a-t-elle réagi depuis Bordeaux où elle assistait aux 16es Assises de l'énergie des collectivités territoriales. "Je vais écouter les arguments, et je m'accorde toujours une marge d'adaptation par rapport au débat parlementaire", a-t-elle affirmé à la presse, indiquant qu'elle allait "continuer dans la co-construction de la solution du meilleur mix énergétique pour la France".
Assouplissements sur le volet bâtiment du texte
Par ailleurs, la commission des affaires économiques a apporté des modifications au volet bâtiment du texte. Elle a notamment tenu compte des arguments des professionnels et des associations de défense du patrimoine qui s'inquiétaient de la mise en place d'une dérogation automatique à certaines règles d'urbanisme pour permettre aux particuliers de réaliser une isolation par l'extérieur. Elle a donc choisi de redonner aux maires la possibilité d'accorder de telles dérogations. Elle a également souhaité ne pas imposer une technique particulière d'isolation lors d'un ravalement important de la façade.
Un amendement du rapporteur prévoit aussi que les aides bonifiées octroyées de façon prioritaire par les collectivités territoriales pourront l'être aux bâtiments à énergie positive ou à ceux qui font preuve d'exemplarité énergétique ou environnementale, et pas seulement aux bâtiments qui présentent ces deux critères.
Pour aider les organismes HLM à développer, au-delà des bâtiments à énergie positive, une offre de logements sociaux exemplaires sur le plan énergétique et environnemental, la commission a proposé que le "bonus" de constructibilité qui peut être accordé dans certains secteurs du PLU lorsque le bâtiment - objet du permis de construire - atteint un certain niveau de performance énergétique ou est alimenté à partir d'équipements performants de production d'énergie renouvelable ou de récupération, puisse être attribué pour des projets "faisant preuve d’exemplarité énergétique ou environnementale ou qui sont à énergie positive". L'idée est de favoriser le développement de bâtiments passifs et à énergie positive mais aussi la prise en compte d’éléments tels que les émissions de CO2 ou "l’énergie grise" consommée lors de la construction du bâtiment.
La CSPE recentrée sur le financement des énergies renouvelables
La commission a par ailleurs considéré qu'il y a un oubli dans le texte en ce qui concerne les énergies renouvelables : la biomasse qui peut être développée sur tout le territoire. Elle a aussi souhaité protéger et renforcer les petites installations hydrauliques.
Sur la proposition de la commission des finances, saisie pour avis, elle a également décidé que le Parlement se prononcera, chaque année, sur l'évolution de la contribution au service public de l’électricité (CSPE), qui représente aujourd'hui 16% de la facture d'électricité des particuliers. Cette contribution sera aussi recentrée sur une finalité unique, le financement des énergies renouvelables.
Ils ont aussi supprimé la possibilité donnée aux conseils généraux de réduire jusqu'à 3,10% ou de relever jusqu'à 4,50% le taux des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) pour les immeubles d’habitation satisfaisant à des critères de performance énergétique.
Enfin, en matière de lutte contre la précarité énergétique, la commission a conforté les dispositions du projet de loi en rendant effective l’interdiction des rattrapages de consommation de gaz et d’électricité au-delà de quatorze mois et en étendant aux bénéficiaires du chèque énergie l’impossibilité, déjà prévue pour les consommateurs éligibles aux tarifs sociaux, de se voir imputer par les fournisseurs des frais liés à un rejet de paiement.