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Congrès des maires - Transition énergétique : les élus locaux veulent que l'État leur fasse confiance

Du forum consacré à la transition énergétique tenu ce 16 novembre au Congrès des maires de France, il apparaît que les difficultés des élus locaux ne tiennent pas tant à un problème de conscience de la gravité des enjeux, et encore moins à un éventuel défaut de financements, qu'à un manque de lisibilité des dispositifs et, surtout, de latitude. Et les intervenants d'appeler l'État "à leur faire confiance".

"Arrêtez d'emm… les élus locaux." Paraphrasant Georges Pompidou, c'est le cri du cœur qui a été poussé par plusieurs intervenants du forum consacré à la transition énergétique, ce 16 novembre, au Congrès des maires de France. "Les maires ruraux aimeraient garder leur indépendance. Ils en ont marre de se faire imposer des projets", tance ainsi Marie Chodron de Courcel, maire d'Écutigny (Côte-d'Or). Dans une version moins virulente, Michaël Weber, maire de Woelfling-lès-Sarreguemines (Moselle), par ailleurs président de la Fédération des parcs naturels régionaux de France, souligne que "les maires ruraux ont besoin qu'on leur fasse confiance", d'autant qu'on recense "peu de mauvaises pratiques".
Guy Geoffroy, maire de Combs-la-Ville (Seine-et-Marne) et président de l'association des Éco-Maires, se fait plus sarcastique : "Oui, les élus locaux sont capables de discernement. Oui, ils sont capables de ne pas faire n'importe quoi. Oui, ils sont même capables de courage", tonne-t-il. Aussi implore-t-il l'État à "faire des collectivités des co-décideurs" en matière de transition climatique et à cesser de leur adresser des "injonctions contradictoires". "La crise sanitaire a montré que les élus locaux sont les plus efficaces. Pas parce qu'ils sont meilleurs, mais parce qu'ils sont les mieux placés. Faisons-leur confiance", martèle-t-il.
Cet appel à un "vent de liberté", récemment lancé par la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR - voir notre article du 25 octobre), devient récurrent. Il semble d'autant plus impérieux que le rôle nécessaire – au sens philosophique du terme – des collectivités territoriales pour réussir la transition énergétique a une nouvelle fois été mis en avant (voir notre article du 3 novembre). "Les collectivités locales sont le levier essentiel de cette transformation – et non transition – énergétique", clame Laurent Delcayrou, chef de projet à The Shit Project. "Nous faisons face à la fois à des enjeux globaux, qui peuvent donner le sentiment que tout cela nous échappe, et très locaux. Mais sans les élus locaux, rien n'est possible. Ils sont incontournables", surenchérit Guy Geoffroy.

Transversalité et décloisonnement

La prise de conscience par ces élus du caractère crucial des enjeux n'est donc plus un sujet. "Le thème est désormais transpartisan", souligne Guillaume Perrin, coordinateur du programme Actee à la FNCCR. Des progrès restent néanmoins possibles dans la façon de les appréhender. "Il faut une vision transversale, intégrer que la transition énergétique concerne toutes les actions des collectivités", explique Morgane Nicol, directrice du programme Territoires de l'Institut de l’économie pour le climat (I4CE), qui a développé une méthodologie afin de passer au crible de la transition climatique les budgets des collectivités, "ligne budgétaire par ligne budgétaire". L'experte insiste sur la nécessité pour les collectivités de conduire elles-mêmes cet exercice, "afin d'impliquer tous les services". Laurent Delcayrou agrée cet indispensable "décloisonnement", alertant sur l'écueil qui consisterait "à confier cette transition aux seuls services techniques", symptôme d'un "technosolutionnisme" qu'il rejette. "Tous les sujets sont imbriqués", confirme Joëlle Colosio, directrice exécutive adjointe à l'action territoriale de l'Ademe, qui insiste par ailleurs sur l'importance de se faire accompagner, en s'appuyant sur les compétences des syndicats, de l'Ademe, etc. "On peut faire tout seul, mais…"

Financements nombreux mais complexes et en silos

Morgan Nicol reconnaît toutefois – et déplore – que "les financements sont souvent très spécifiques", en silos, à l'opposé de cette "nécessaire transversalité". Une chose semble acquise : ils ne manquent pas. "Les moyens existent. Les collectivités font même face à un maquis d'aides – au moins vingt dispositifs en matière de rénovation énergétique par exemple – au sein duquel elles ont du mal à se retrouver", estime Guillaume Perrin. "Les outils financiers sont multiples. La question est de savoir comment on les mobilise sur les territoires", acquiesce Michaël Weber, relevant en revanche que les élus "ont besoin d'ingénierie. Pas seulement de réalisation, mais aussi de réflexion". Laurent Delcayrou presse d'ailleurs les collectivités "d'investir dans la connaissance", en réalisant notamment des "diagnostics de la vulnérabilité de leur territoire, de leur population, de leur économie face au changement climatique et à la transition climatique. On les appelle à y consacrer au moins 1% de leur budget".

Des habitants et des citoyens

L'expert invite également les élus "à fixer un cap à moyen terme", soulignant "le gros enjeu que constitue la réévaluation des Scot [schémas de cohérence territoriale]", et à sensibiliser leurs concitoyens à ces enjeux – faute de quoi "il leur sera impossible de prendre des décisions difficiles". Joëlle Colosio comme Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables, insistent tous deux sur "l'importance de la concertation, qui peut paraître longue mais fait toujours gagner du temps, d'autant plus si elle est mise en œuvre dès le début du projet". Guy Geoffroy alerte toutefois sur l'inutilité de cette concertation "si nos citoyens sentent que les communes n'ont pas de marge de manœuvre", revenant au plaidoyer initial. Il ajoute au passage qu'il aimerait "que nos habitants soient plus que jamais des citoyens", déplorant qu'une "grande partie d'entre eux soient davantage des consommateurs de l'action publique".

Solidarité territoriale

Estimant qu'ils sont dans tous les cas "eux aussi totalement perdus" face au foisonnement des dispositifs existants, Michaël Weber plaide pour "que la mairie redevienne la maison commune" et soit le point central pour les aider à s'y retrouver. Remettre l'église au centre du village, en somme. Et le village en lien avec la métropole. "Nous avons besoin d'un nouveau contrat de confiance entre les territoires ruraux et les territoires urbains", assure-t-il. L'élu du Grand Est met en relief que "ce sont les territoires ruraux qui vont contribuer à la production d'énergie, non pas pour eux, mais pour les villes voisines" et attire l'attention sur la nécessité de recréer une "solidarité entre les territoires". Un appel à en finir avec "l'égoïsme territorial" déjà lancé en mai dernier au Sénat, au cours d'un débat où les élus participants avaient, là aussi, fait part de leur exaspération face à une "bureaucratie tatillonne" et de leur aspiration à davantage d'autonomie (voir notre article du 17 mai 2021).

 

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