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Assises de la biodiversité : transition d'accord, mais vers quoi ?

Après deux jours de débats intenses – près d'une centaine d'ateliers, de conférences, de visites… –, les onzièmes Assises nationales de la biodiversité ont fermé leurs portes. La conférence de clôture a souligné l'ampleur et la complexité des défis à relever, tout en s'attachant à délivrer un message d'espoir.

"On ne va pas y arriver." En prenant la parole lors de la clôture des onzièmes Assises nationales de la biodiversité, une jeune "éco-anxieuse" de la salle a quelque peu refroidi l'atmosphère, dénonçant vertement "l'optimisme des élus (voir notre article du 3 novembre 2021) exprimé pendant deux jours alors que tout s'effondre". Le maire de Grigny, Philippe Rio, venait d'appeler "les associations à nous bousculer pour aller plus vite et plus fort". Il a été servi. L'"éco-anxiété est une réalité", concède-t-il – elle s'exprime d'ailleurs ce vendredi dans les rues de Glasgow, Greta Thunberg en tête. Mais l'élu affirme en retour sa "sociale-anxieté", habile façon de signifier la complexité des enjeux, souvent contradictoires, auxquels sont confrontés les élus (voir les affres judiciaires de l'écoquartier des Vaîtes de Besançon pour un exemple). S'il est toujours difficile de courir deux lièvres à la fois, Philippe Rio n'entend pas pour autant "être le lapin au milieu de la route, paralysé par les phares". Évoquant le changement climatique et la perte de biodiversité, il souligne qu'"il y a un alignement des astres sur le savoir. Il le faut maintenant sur le faire". Et affirme "la responsabilité des élus locaux" en la matière.

Vers quoi ?

"Dire que c'est foutu, c'est vraiment le pire des messages à faire passer ! Il ne peut qu'entraîner les gens investis à baisser les bras et, pire encore, à inciter les pollueurs à continuer de polluer de plus belle, 'puisque c'est foutu'. Il faut garder l'espoir !", s'est enflammé pour sa part Yann Wehrling, vice-président du conseil régional d'Île-de-France, qui connaît son Dostoïevski ("Vivre sans espoir, c'est cesser de vivre"). L'élu ne sous-estime pas pour autant la difficulté de l'exercice. Bien au contraire. "Il faut débroussailler davantage la notion de 'transition', mot-valise à la mode. On sait où d'où l'on part – une situation d'aggravation continue des impacts sur la planète –, mais l'on bute encore sur le 'vers quoi'", avait-il souligné en préambule. "On sait ce dont on ne veut pas, mais sait-on le monde que l'on veut ?", lui a fait écho la journaliste Dominique Martin-Ferrari, dans une question qui n'appelait guère de réponse. Las, l'on sait depuis Sénèque qu'"il n'est point de vent favorable pour qui ne connaît pas son port"…

Attention à l'ersatz de nature

Luc Abbadie, professeur d'écologie à la Sorbonne, a néanmoins donné quelques pistes. Il recommande au préalable de renforcer "la culture générale, de redonner des concepts-clés", estimant qu'il "n'est pas si compliqué que cela de faire comprendre la complexité". Puis, rappelant que "la copie ne vaut jamais l'original", il souligne que "l'objectif premier est de maintenir la nature en place" (le É d'"éviter" de la séquence ERC). Mais il assure que la compensation (le C) "n'est pas mauvaise en soi" : "Tout dépend de la qualité de la nature que l'on va remettre en place. Il faut du vert représentatif du monde vivant. Attention à l'ersatz de nature !", avertit-il. Un soin selon lui d'autant plus nécessaire que l'homme va être "remis en contact avec la nature, qui était devenue distante". Sur ce point, Sophie Brocas, directrice générale des outre-mer, relève que la situation n'est pas la même en métropole qu'outre-mer, "où le lien citoyens-nature est moins distendu, pour des raisons physiques et spirituelles". Elle invite d'ailleurs les métropolitains à "changer de regard sur l'outre-mer – un trésor – où l'on retrouve 80% de la biodiversité nationale, 10% des récifs coraliens du monde… mais qui présente des fragilités plus marquées".

Rôle moteur du bloc communal

Si la lutte en faveur de la biodiversité n'est donc pas un art simple, elle n'en reste pas moins d'exécution. En la matière, les intervenants parlent d'une même voix. Pour Ferdy Louisy, maire de Goyave (Guadeloupe) et vice-président des Éco Maires, "la biodiversité doit être l'action de la société civile". Sans contradiction, puisque soulignant "l'hyperproximité, la quotidienneté" de l'enjeu, le maire de Grigny insiste sur le "rôle moteur du bloc communal" et la "complémentarité déterminante communes-intercommunalités", tout en "créant des alliances avec les départements et régions" et en "travaillant davantage avec les citoyens et les ONG". "État et élus locaux ne peuvent pas faire tout seuls. Il faut une alliance sacrée avec les associations, les citoyens…", acquiesce Sophie Brocas.
Yann Wehrling attire pour sa part l'attention sur "la nécessité d'accompagner dans ces transitions les secteurs auxquels on demande de changer, qui ont le sentiment d'être abandonnés". Utile rappel, alors que la mécanique des fluides a récemment enseigné que le remplissage des rues de New York ou de Glasgow n'est pas sans risque d'alimenter les ronds-points de France et de Navarre.