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Energie - Transition énergétique : le Sénat rejette l'objectif de réduire à 50% la part du nucléaire d'ici 2025

Le Sénat, qui a entamé le 10 février l'examen en séance du projet de loi sur la transition énergétique adopté par l'Assemblée nationale en octobre dernier, a confirmé le 11 février la position de sa commission des affaires économiques qui était d'accord pour réduire à 50% la part du nucléaire dans la production d'électricité à condition de retirer l'échéance de 2025 figurant dans le texte initial (lire notre article ci-contre). La ministre de l'Ecologie Ségolène Royal a tenté de rétablir cette date butoir par un amendement qui a été rejeté en séance avec 214 voix contre et 122 pour. UMP, centristes, communistes et RDSE (à majorité PRG) ont voté contre tandis que les socialistes et les écologistes l'ont soutenu.

"Même sans date précise, l'objectif est clair"

"Le vote de la réduction de 50% par le Sénat rééquilibre le modèle énergétique", a souligné la ministre. "Il constitue un grand pas pour construire un modèle énergétique qui permet la montée en puissance du renouvelable. Même sans date précise, l'objectif est clair. C'est positif et c'est la traduction d'une volonté de co-production au-dessus des clivages politiques", a-t-elle poursuivi. "Evitons le dogmatisme et réfléchissons dans l'intérêt de notre pays", a déclaré pour sa part Didier Guillaume (PS). Il a souhaité que le gouvernement "s'engage rapidement dans la voie de réacteurs nucléaires plus petits, plus sûrs, plus efficaces, qui puissent être exportés". "Réintroduire cette date, c'est réintroduire un élément de polémique, alors que nous sommes tous favorables à une diminution de la part du nucléaire", a déploré Chantal Jouanno (UDI-UC). "Si vous voulez mettre ce schéma en place, vous serez obligés de faire comme l'Allemagne, c'est-à-dire de remettre en service des centrales à charbon", a estimé Gérard Longuet (UMP). "Vous ne pourrez pas le mettre en oeuvre", a-t-il affirmé.
De la même manière, une tentative de Ségolène Royal de replacer l'objectif de baisse annuelle de l'intensité énergétique, pour réduire la consommation de 20% en 2030 a échoué. "Efficacité énergétique ne signifie pas décroissance", a déclaré la ministre. "Les économies d'énergie rendront nos entreprises plus compétitives et en réduisant les factures des particuliers, leur rendront du pouvoir d'achat pour consommer", a-t-elle poursuivi. Mais pour Gérard Longuet, "on ne consomme pas d'énergie par perversité, souci de dégrader l'environnement ou de faire plaisir aux émirs, mais parce que c'est une absolue nécessité". "Je comprends le volontarisme du gouvernement, mais une économie de subventions qui tord les prix et nie les réalités économiques peut-elle être durablement supportée par notre pays?", a-t-il demandé.

Union européenne de l'énergie

En revanche, le Sénat a adopté un amendement du rapporteur Ladislas Poniatowski (UMP) pour mettre en place une Union européenne de l'énergie. "L'Union est confrontée à de nombreux défis en matière énergétique", a-t-il souligné, citant la réduction de sa dépendance, le développement de l'interconnexion des réseaux nationaux, ou celui des énergies renouvelables intermittentes. "Voilà pourquoi la construction d'une véritable Union européenne de l'énergie est plus que jamais indispensable, comme l'ont encore rappelé, le 5 février, le président de la République ainsi que les présidents du Sénat Gérard Larcher et de la Commission européenne Jean-Claude Juncker". 
Le Sénat a aussi voté un amendement du rapporteur visant à préciser que la démarche des territoires à énergie positive doit s'inscrire "dans le respect des équilibres des systèmes énergétiques nationaux dont elle ne doit pas compromettre ou dégrader la gestion". "Il s'agit de rappeler par là que ces territoires ne sauraient être isolés et déconnectés des réseaux nationaux et qu'ils doivent en particulier dialoguer avec les gestionnaires de réseaux et les fournisseurs pour régulariser au mieux leurs appels instantanés aux énergies de réseau", selon l'exposé des motifs. Un autre amendement défendu par Chantal Jouanno a pour objectif de valoriser les réseaux de chaleur comme source d’énergie renouvelable. "En 2012, ils ont fourni l’équivalent d’un million de TEP, et peuvent fournir 5 fois plus en 2030, a argué la sénatrice. L'objectif serait d'atteindre 5 millions de tonnes d'équivalent pétrole à l'horizon 2030."

Rénovation des logements en location et à l'occasion d'une mutation

Un amendement porté par les sénateurs écologistes Ronan Dantec et Joël Labbé visant à ramener à 2020 au lieu de 2030 l’obligation de rénovation des logements en location les plus énergivores a également été voté.  Ces mêmes sénateurs ont aussi obtenu le vote d'un amendement visant à rendre progressivement obligatoire la rénovation des logements à l’occasion d’une mutation (achat/vente) en fonction de la performance énergétique du logement. "Ces mutations sont souvent l’occasion de réaliser des travaux d’amélioration du logement (...)", ont-ils souligné. L’objectif est donc d’"annoncer dès maintenant que cette obligation entrera en vigueur en 2030, dès que les logements consommant plus de 330 kWh/m²/an seront tous rénovés. Un échéancier sera mis en place pour rendre obligatoire progressivement la rénovation des logements en commençant par les plus consommateurs et en finissant en 2050, date à laquelle tout le parc immobilier devra être à un niveau “bâtiment basse consommation” ou assimilé (...)", ont expliqué les sénateurs EELV.

Le projet de loi, sur lequel 961 amendements ont été déposés, est examiné au Sénat jusqu'au 19 février. Il fera l'objet d'un vote solennel le 3 mars. Le gouvernement ayant engagé la procédure accélérée (une lecture par chambre), il fera ensuite l'objet d'une commission mixte paritaire (7 sénateurs, 7 députés) pour trouver une version commune. En cas d'échec, l'Assemblée aura le dernier mot.