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Environnement - Transition énergétique : le projet de loi habillé pour sa rentrée au Parlement

Le 30 juillet, Ségolène Royal a exposé et fait adopter en Conseil des ministres le second et dernier canevas du "projet de loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte". Place maintenant au débat parlementaire, qui débutera le 1er octobre. Les grandes lignes du texte ont-elles entre-temps varié ? Quelle place ses 64 articles réservent-ils aux collectivités et quels points saillants liés à leurs compétences susciteront à coup sûr des remous ?

Pour la ministre de l'Ecologie, "ce sera la législation la plus avancée de l'Union européenne en la matière". Le 30 juillet, le "projet de loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte", maintes fois reporté et rebaptisé, a été adopté en Conseil des ministres. Un dernier jalon est donc franchi avant son entrée en débat à l'Assemblée, le 1er octobre puis la semaine suivante, du 6 au 8 octobre. Pour rappel, ce texte inscrit l'objectif de réduction de la consommation finale d'énergie de 50% en 2050, avec également une ambition à moyen terme (2030) de réduire de 30 % la consommation d'énergies fossiles. "Et il réaffirme le Facteur 4, soit l'objectif de division par quatre des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050, par rapport à ce qu'elles étaient en 1990", ajoute la ministre. Un point "oublié" dans la première version mais qui n'a guère échappé aux instances fraîchement consultées lors de sa préparation, aux airs de marathon.

Peu de retouches

Le texte ressort en effet du Conseil d'Etat après être passé au Conseil national de la transition écologique et au Conseil économique, social et environnemental (voir nos précédents articles sur les apports de ces deux instances, CNTE et Cese). Un exercice dont il ressort finalement peu de modifications. Et pour cause, un grand nombre de propositions n'ont pas été reprises. Quelques retouches ont toutefois été apportées. Ainsi, l'avis du CNTE a été entendu, dans l'article 10 du titre III (transports), sur l'objectif de renouvellement des flottes automobiles de l'Etat et de ses établissements publics. Le but est d'y remplacer un véhicule sur deux par un modèle non plus seulement électrique mais "propre" : il pourra être à motorisation hybride rechargeable ou à très faible émission de gaz à effet de serre et polluants. Reste à en préciser les taux et niveaux par décret. Les collectivités gérant plus de 20 véhicules devront aussi, lors du renouvellement de leur parc, viser un objectif de 20% de véhicules propres. En outre est maintenue l'idée d'une prime à la mise au rebut des vieux diesel et leur remplacement par un véhicule bénéficiant du bonus écologique, et ce "sous conditions de ressources". Tout comme l'encouragement des collectivités à s'équiper de bornes de recharge pour véhicules électriques (article 10), en vue d'atteindre l'objectif "d'ici à 2030, d'au moins sept millions de points de charge installés sur les places de stationnement des ensemble d'habitations et autres types de bâtiments, ou sur des places de stationnement accessibles au public". Autre point qui devrait faire débat : la possibilité pour les communes ou intercommunalités de plus de 100.000 habitants de mettre en place une ou plusieurs zones à circulation restreinte (article 13), qui voit réapparaître le spectre des anciennes zones d'actions prioritaires pour l'air (Zapa) issues du Grenelle 2.

Un chèque énergie à préciser

A la suite d'un avis du Cese conforté par le CNTE, l'enjeu de la précarité énergétique figure désormais en bonne place dans le texte, dans le chapitre portant sur la déclinaison territoriale de la transition énergétique. Y est corrélé le projet de lancement d'un chèque énergie, qui ne date pas d'hier puisque le médiateur national de l'énergie l'a suggérée il y a trois ans. La mesure semble néanmoins buter sur l'obstacle de son financement. Et pour son déploiement, les collectivités auront-elles leur mot à dire ? A ce stade, les modalités ne sont pas fixées mais la ministre a concédé que ce dispositif sera bien évidemment à articuler "avec celui existant des tarifs sociaux de l'électricité et du gaz, d'ailleurs étendus récemment à de nouveaux bénéficiaires".

Territoires à énergie positive

Le passage du texte au Conseil d'Etat était important pour le ministère, qui considère que sa validation fait entrer dans le droit des "innovations" telles que les territoires à énergie positive (Tepos), que les Sages ont fait remonter de la fin vers le début du texte. Ce qui est bon à prendre pour les collectivités, chevilles ouvrières de ce concept d'autonomie énergétique, exploré notamment depuis deux ans par le conseil régional Rhône-Alpes, lequel est déjà à l'origine d'un appel à candidatures de Tepos et ambitionne de généraliser la démarche. L'engagement étant pris au niveau national de lancer un appel à projets afin que 200 initiatives Tepos soient lancées d'ici 2017, les territoires déjà en transition ont ainsi clairement pris de l'avance. Cet appel à projets sera financé via un fonds spécial de 1,5 milliard d'euros créé pour "renforcer le soutien aux initiatives locales exemplaires". Mais c'est le fonds Déchets de l'Ademe qui abondera essentiellement celui sur les "territoires zéro déchet" qui retiendra une vingtaine de collectivités. Une démarche, un "idéal " ou cercle vertueux déjà esquissé dans une ville comme Roubaix (Nord), où l'initiative consiste à "recruter" et à accompagner concrètement une centaine de familles dans la réduction de leurs déchets, en contrepartie d'une réduction de moitié de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (Teom). "Je crois beaucoup à cette formule inspirée des Familles à énergie positive, dont les trois premières éditions ont produit de bons résultats dans ma région", motive Ségolène Royal.

Priorité à la rénovation du bâti

Déjà visé par les lois Grenelle, ce secteur vorace en énergie et qui fait l'objet d'un plan national depuis cinq ans (plan Bâtiment durable) est, comme a tenu à le rappeler la ministre, "la priorité des priorités". "Il est pourvoyeur d'emplois non délocalisables", ajoute-elle. Le projet de loi vise à lever les obstacles pénalisant actuellement les travaux d'efficacité énergétique, par un allègement des règles d'urbanisme, et à systématiser la réalisation de diagnostics énergétiques lors des rénovations lourdes de bâtiment (toiture, ravalement, extension). En copropriété, les travaux d'économie d'énergie ne passeront plus à la majorité qualifiée mais simple et la pose de compteurs individuels pourra bénéficier d'un allégement fiscal. "La relance attendue de l'éco-prêt à taux zéro vise à passer de 30.000 à 100.000 prêts par an. L'octroi de ces prêts sera facilité dès lors que les banques n'ont plus comme avant à certifier les travaux", complète la ministre. Les régions pourront aussi leur avancer une partie des dépenses à engager. L'"exemplarité énergétique" des bâtiments publics (article 5) est aussi mise en avant.

Adaptation plus que vraie transition ?

Dans une note de synthèse qui éclairera en une page les élus s'intéressant au sujet, le "think-tank transpartisan" la Fabrique écologique explique que le mouvement de "décentralisation énergétique" engagé par ce texte a du bon mais qu'il ne va pas "suffisamment loin pour que cette logique soit pleinement cohérente : dispositif 'du haut vers le bas' qui prédomine pour les exercices de planification nationaux, rôle des régions et outils à leur disposition non clarifiés, nécessaire coordination entre les intercommunalités, nouvelles autorités organisatrices de l'énergie (AOE) et les autorités de la distribution de l'énergie qui n'est pas traitée"… Concernant les énergies renouvelables, "le texte propose surtout des mesures de contrôle et d'adaptation, favorisant certainement leur acceptabilité à moyen terme mais pas leur développement aujourd'hui très ralenti. Il souffre d'un manque de mesures de simplification, sauf pour les énergies marines, et y compris s'il doit être lu en correspondance avec le projet de loi de simplification de la vie des entreprises", conclut cette association, qui plaide pour que ce texte aille plus loin et que soient confiées aux régions les compétences d'autorités organisatrices des énergies décentralisées.

 

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