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Energie - Transition énergétique : les satisfaits et les déçus

Comme on pouvait s'y attendre, les réactions à la présentation des grandes lignes du "projet de loi de programmation pour un nouveau modèle énergétique français" le 18 juin ont été nombreuses et très variables (lire notre article ci-contre). Du côté des collectivités, l'Association des régions de France (ARF) salue des avancées. "Dans l'ensemble, Ségolène Royal vient de présenter un bon texte qui s'appuie largement sur les régions. Malgré les pressions, elle n'a rien cédé sur l'essentiel", a réagi Jean-Jack Queyranne, président de la région Rhône-Alpes et de la commission développement durable de l'ARF. Parmi les "points positifs" relevés : "des financements nouveaux déjà expérimentés par plusieurs régions, avec la reconnaissance des activités de tiers financement qui permettent d’avancer le coût des travaux de rénovation énergétique aux particuliers ou copropriétés pour faciliter leur décision, l’association des collectivités territoriales à la gestion des concessions hydrauliques" ou encore "la participation des citoyens et des collectivités locales au développement des énergies renouvelables". "Ce mécanisme facilite considérablement l’acceptabilité locale des projets tout en mobilisant de nouvelles sources de financement", souligne l'ARF.
En revanche, "les régions déplorent fortement la disparition du service public régional de l’efficacité énergétique qui était pourtant la seule option concrète pour créer un guichet unique offrant une large palette de services, allant du diagnostic initial jusqu’au financement". "Sans ce service public régional, a poursuivi Jean-Jack Queyranne, on continuera avec autant de pilotes que de structures : Ademe, Anah, services des régions et des intercommunalités, PRIS, plates-formes, etc. Il est fatiguant de constater qu’en France, le 'guichet unique' ne peut manifestement pas dépasser le stade du concept. Tout le monde doit bien être conscient que les régions n’ont pas vocation à financer des actions qu’elles ne pilotent pas. Cela vaut notamment pour les plates-formes de rénovation énergétique. Nous avions aussi proposé que le projet de loi crée une 'carte vitale énergétique' des logements qui peut être un outil d’aide à la décision très performant pour nos concitoyens. Le projet ne prévoit rien en la matière. Sur ces deux points, je souhaite que le débat parlementaire puisse apporter des avancées."
Nicolas Garnier, délégué général de l'association Amorce, qui rassemble 350 collectivités autour de la gestion de l'énergie, a eu lui aussi une réaction mitigée. "Il y a quelques bonnes nouvelles comme le doublement du fonds chaleur et le fonds d'emprunt de 5 milliards pour les collectivités, le chèque énergie, mais le mouvement de décentralisation est vraiment décevant", a-t-il déclaré.
Les écologistes sont, eux, plutôt satisfaits du projet de loi. C'est "un virage sans précédent", s'est félicité le coprésident du groupe écologiste à l'Assemblée, François de Rugy. Cela permet de "mettre fin au fait qu'EDF fait la politique de l'énergie en France". Mais "ce n'est pas facile, on se heurte à des lobbies extrêmement puissants, à des intérêts qui ne veulent pas que ça bouge, qui ont des relais y compris au sein du gouvernement, donc jusqu'au bout il faudra se battre". "C'est un beau moment d'espoir pour la France, un projet qui permet de se mettre en disposition pour entrer dans l'économie de demain, dans l'économie du futur", a estimé pour sa part Nicolas Hulot. La Fondation Hulot a précisé qu'il "faudra, sur les principales mesures, fixer un délai maximal pour la sortie des décrets d'application, mais aussi sacraliser les moyens financiers dans les projets de loi de finances et mobiliser la fiscalité écologique". Satisfecit aussi de la part des industriels des énergies renouvelables et des professionnels du bâtiment. Le président du Syndicat des énergies renouvelables, Jean-Louis Bal, "salue un projet de loi qui donne de nouvelles perspectives pour nos filières". France Energie Eolienne "se félicite de nombreuses avancées", et d'"une nouvelle étape". Pour Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment (FFB), "il fallait des mesures fortes que nous demandions depuis longtemps, nous avons été entendus, en particulier avec la mesure-choc des 30% de déduction d'impôt dès le 1er euro". La Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) trouve également "qu'un certain nombre de mesures vont dans le bon sens" (allégement fiscal, éco-prêt), mais reste réservée sur certaines mesures comme le tiers-financement pour le logement individuel, et demande des précisions sur les moyens financiers. L'Union française de l'Electricité, association des professionnels du secteur, salue "l'orientation bas-carbone" mais "rappelle la priorité d'une transition à moindre coût" pour soutenir le pouvoir d'achat des ménages, la compétitivité des entreprises et faciliter le désendettement de la France.

"Tout ça pour ça ?"

Dans les rangs des déçus, L'UDI, par la voix du responsable de son pôle écologie Bertrand Pancher, "ne peut que constater la renonciation totale à la moindre ambition du gouvernement en matière environnementale ces prochaines années", dénonçant le fait qu'il n'y a "aucun moyen dans le domaine du logement et des transports". L'ex-ministre socialiste de l'Ecologie, la députée PS Delphine Batho, a déploré un "enterrement de première classe" de la question du nucléaire. "Sur le nucléaire, il faut se donner les moyens pour que ce soient la souveraineté du Parlement et l'Etat qui décident, mais pas les actionnaires. C'est quelque chose que l'on ne retrouve pas dans ce qu'a été dit".
Plusieurs ONG n'ont pas caché leur déception. "Tout ça pour ça ?", a demandé le Réseau Action Climat (RAC). "Le projet de loi ne répond pas à la commande initiale qui était d'identifier une trajectoire claire et des mesures concrètes pour orienter massivement la France vers les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique". Pour le président de Greenpeace France, Jean-François Julliard, le texte présenté par Ségolène Royal "donne les clés de la politique énergétique de la France à EDF". "Dans ce projet de loi, il manque l'essentiel : la limitation à 40 ans de la durée de fonctionnement des réacteurs nucléaires et la mise en place d'un mécanisme permettant à l'Etat de décider de la fermeture de réacteurs pour des raisons de pilotage de mix énergétique". Même avis pour Sortir du nucléaire, qui a jugé "la transition énergétique enterrée à la pelle le 18 juin !".