Transition écologique : Christophe Béchu entend faire confiance aux collectivités
Lors d’une riche audition conduite par la commission des lois de l’Assemblée nationale ce 13 septembre, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a plaidé pour une nouvelle méthode de travail avec les collectivités, fondée sur la confiance, que l’on peut entendre comme une plus grande autonomie. Elle se traduit notamment par la mise en place du fonds vert et de l’agenda territorial annoncés par la Première ministre ou encore d’une approche ascendante d’élaboration de certains textes. Le ministre souligne dans le même temps l’importance de la contractualisation et de la planification des actions.
"Le simple fait qu’on ait lié transition écologique et cohésion des territoires explique bien que les collectivités territoriales sont essentielles si l’on veut atteindre les objectifs environnementaux pour lesquels la France s’est engagée […]. Si on souhaite être efficace sur ces questions, il faut une union des énergies et une convergence des actions entre le national et le local […]. Une partie des solutions est dans les territoires." Lors de l’audition de Christophe Béchu ce 13 septembre par la commission des lois de l’Assemblée nationale, pointait encore indéniablement l’élu local sous les traits du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.
L’ancien maire d’Angers n’en a pas moins endossé l’habit de membre du gouvernement. Rappelant "le chemin qu’il nous reste à parcourir" en matière de transition climatique – "nous devons doubler le rythme de baisse des émissions des gaz à effet de serre pour atteindre l’objectif" (voir notre article du 15 juin) –, il a ainsi mis en avant la nécessité qu’"il n’y ait pas de divergences entre les actions qui peuvent être conduites sur le terrain et celles qui le sont sur le plan national et international", soulignant que "nos engagements supposent [la] planification écologique territoriale". N’hésitant pas à répliquer aux assauts avec un calme toujours olympien, il a également su se garder de la flatterie, notamment en déclarant que "si la commune est l’échelon de base de notre démocratie, j’assume pleinement qu’elle ne l’est pas nécessairement pour toutes les politiques".
Ce double mouvement se retrouve dans "la double référence à la confiance et à la responsabilité" sous laquelle il entend placer "une nouvelle méthode de travail avec les collectivités".
Un fonds vert "simple d’accès" et ouvert
Sur le versant responsabilité, le ministre a indiqué sans ambages qu’on "ne peut pas à la fois défendre le principe d’une République qui vit de manière décentralisée et considérer qu’à chaque fois qu’il y a une décision à prendre, une difficulté ou un souci, ce serait à l’État de les arbitrer". Une façon, peut-être, de conjurer les demandes de moyens financiers, nombreuses en cette période, Christophe Béchu indiquant par ailleurs que "quand on est le champion du monde à la fois des prélèvements obligatoires et de la dépense publique, sauf à souhaiter un modèle totalement collectiviste, il n’y a pas de chemin dans lequel on pense que c’est par l’augmentation de la dépense publique qu’on devient les meilleurs dans un certain nombre de domaines".
Sur le versant de la confiance, réclamée par les élus locaux, le ministre a argué du fonds vert d’1,5 milliard d’euros dédié aux collectivités annoncé par la Première ministre fin août (voir notre article du 29 août), et dont il a narré la genèse et exposé la philosophie : "Pendant le printemps, la Première ministre avait esquissé la possibilité qu’il puisse y avoir un fonds de renaturation de 500 millions sur le quinquennat […] pour accompagner les collectivités. […] Dans les échanges que j’ai pu avoir avec elle durant l’été, la Première ministre a accepté de retenir le principe qu’au lieu d’avoir des dispositifs en silos (un fonds friche, un fonds de renaturation…), on globalise ces crédits dans un fonds unique d’1,5 milliard d’euros, simple d’accès, qui ne repose pas sur des appels à projets – et sur une ingénierie qui fait qu’à la fin, on fait miroiter des sommes mais les circuits pour les atteindre sont tellement longs, et les frais de montage sont tellement lourds qu’en plus les collectivités les plus petites ont parfois des difficultés à les trouver –, avec des objets qui ne seraient pas forcément limitativement énumérés, parce qu’il tiendrait compte de la réalité des territoires". Une philosophie qui explique qu’il n’entend pas segmenter ce fonds "pour la ville, pour la ruralité…" comme on le lui proposait, puisque cela reviendrait selon lui à "prendre le risque d’opposer les territoires entre eux alors qu’ils doivent tous tirer dans le même sens". Et qui devrait répondre, sur le principe au moins, aux attentes des élus locaux (voir notre article du 16 novembre 2021).
Le ministre a également assuré qu’une "part de ce fonds est très clairement à la main des collectivités" et confirmé (voir notre article du 5 septembre) qu’il s’agissait bien "de crédits nouveaux, fléchés vers les collectivités, en investissement". Il a en revanche convenu qu’il restait "des questions à trancher", notamment sur l’attribution des crédits. "Est-ce que c’est une commission départementale sur le modèle de la DETR ? Est-ce qu’on est sur des crédits fléchés de manière nationale, copiant la DSIL relance avec des dispositifs plus rapides ? On a demandé aux associations de collectivités [qu’il doit à nouveau rencontrer demain – voir notre article du 20 juillet pour leur première rencontre] de suggérer les modalités les plus simples pour garantir des dépenses les plus rapides possibles."
Agenda territorial et approche ascendante
Cette confiance prend également corps dans l’"agenda territorial" annoncé par la Première ministre dans son discours de politique générale (voir notre article du 6 juillet et celui du 7 juillet pour la réaction de l’Association des maires de France). Concrètement, le ministre a proposé aux associations d’élus de "faire remonter les sujets qui peuvent intéresser les collectivités […] sur lesquels il est souhaitable qu’on s’entende" afin d’arriver à une "feuille de route partagée", qui serait "rendue publique pour nourrir l’agenda gouvernemental" et qui permettrait "à partir du début de l’année prochaine de traiter ces sujets les uns après les autres, et de ne pas les prendre sur un coin de table, de ne pas se retrouver avec des cavaliers budgétaires et législatifs". Affaire à suivre.
Elle se retrouve encore dans l’approche ascendante qu’entend déployer le ministre : "Sur certains sujets, avant d’imaginer une solution nationale, il y a peut-être déjà des solutions locales qui ont été mises en œuvre et qu’on pourrait généraliser au lieu d’imaginer un texte sans s’appuyer sur la réalité du terrain", plaide-t-il. Pour lancer la démarche, Christophe Béchu a retenu "un premier sujet très concret, celui des budgets verts" (voir notre article du 11 mars) : "Plutôt que de concevoir en chambre, avec Bercy, ce qu’est un budget vert, on a décidé de jouer la confiance et de demander à chaque bloc d’association de nous faire remonter les bonnes pratiques, pour que la première copie [du texte] ne soit pas celle de l’État mais des collectivités." Ladite copie serait remise mi-2023.
Contractualisation et stabilité
"Nos politiques doivent être ajustées aux réalités de chaque territoire", insiste l’ancien élu local. Il estime que "pour que cette adaptation soit respectueuse des prérogatives, l’idée c’est bien de privilégier la voie contractuelle, en particulier en nous appuyant sur les CRTE. La contractualisation territoriale devant être le levier pour accélérer la transition écologique, l’État ayant vocation à être présent, pas seulement au travers de crédits mais aussi au titre d’appui à l’ingénierie en mobilisant ses satellites (ANCT, Cerema…)". Relevant que 828 CRTE sont désormais signés sur les 850 attendus, et que 25.000 des 40.000 projets prévus dans ces contrats sont engagés, le ministre a clairement indiqué qu’il n’entendait pas revoir le dispositif, parfois décrié (voir notre article du 21 juillet) : "Ma conviction est qu’il faut de la stabilité vis-à-vis des échelons locaux. Si je change les règles, si je change les périmètres, si je modifie la gouvernance alors qu’on est engagé dans des actions de fond, on risque de refaire de la 'réunionite' pour se remettre d’accord quand le moment n’est plus au diagnostic, mais au financement et aux actions."