Développement durable - Tourisme et environnement : des territoires sous pression
A l'occasion de l'Année internationale du tourisme durable, le ministère de l'Environnement vient de publier une étude sur les pressions environnementales qui s'exercent dans les communes touristiques et sur les formes de tourisme durable qui tendent à se développer depuis une vingtaine d'années.
L’organisation des Nations unies a proclamé 2017 Année internationale du tourisme durable et a intégré le tourisme parmi les objectifs du développement durable. A cette occasion, le ministère de l’Environnement vient de publier une étude sur les pressions environnementales exercées par le tourisme en France dans les territoires soumis à de fortes variations démographiques et sur les formes de tourisme durable mises en œuvre pour en diminuer les impacts.
Première destination touristique mondiale, la France a accueilli en 2015 84,5 millions de touristes étrangers en métropole et quelque 400.000 en outre-mer, commence par rappeler le document. Mais si le tourisme constitue une activité économique majeure - la consommation touristique intérieure s’élève à 158,6 milliards d’euros, soit 7,3% du PIB et le secteur emploie plus d’un million de salariés en équivalent temps plein -, il génère de multiples pressions sur l’environnement. D'abord parce que les déplacements touristiques, qu’ils se fassent par les airs ou par la route, contribuent aux émissions de gaz à effet de serre et à la dégradation de la qualité de l’air. Dans les territoires à forte activité touristique, le développement des hébergements occasionne en outre une artificialisation des sols et accroît les pressions sur les ressources naturelles. Ces pressions s’exercent sur une période très concentrée de l’année, particulièrement en juillet et août (40% des nuitées de voyage pour motif personnel en 2014), avec de brusques afflux de visiteurs sur des territoires parfois faiblement peuplés.
Une capacité d'accueil concentrée sur un petit nombre de communes
L’étude s’attache dans un premier temps à identifier ces territoires qui subissent d’importantes variations démographiques liées au tourisme et à définir leurs caractéristiques communes. Ainsi, les communes dont le taux de fonction touristique, autrement dit le rapport entre le nombre de lits touristiques et la population résidente à l’année est élevé sont situées principalement en haute et moyenne montagne et sur le littoral. Environ 6.000 communes ont un taux de fonction touristique supérieur à 100 lits pour 100 habitants et sont donc susceptibles d’accueillir autant de visiteurs que d’habitants permanents. "Alors que seulement 6% de la population nationale y réside à l’année (3,9 millions d’habitants environ), elles concentrent sur leur territoire 60% des lits touristiques en 2016 (soit une capacité d’accueil de près de 12,5 millions de lits touristiques)", relève l’étude qui précise que parmi ces communes, 235 ont une intensité touristique supérieure à 1.000 lits pour 100 habitants.
En outre, la densité touristique s’accroît avec le taux de fonction touristique des communes. Alors que la densité touristique moyenne en France est de 33 lits par km² en 2016, elle s’élève à 115 lits par km² dans les communes au taux de fonction touristique compris entre 200 et 1.000 lits pour 100 habitants (classe 4) et à 300 lits par km² dans celles au taux de fonction touristique supérieur à 1.000 lits pour 100 habitants (classe 5). En métropole, ce phénomène concerne principalement les façades atlantique et méditerranéenne, les territoires insulaires et les Alpes.
Depuis 1999, ce sont les communes ayant déjà la plus forte fonction touristique qui ont connu la hausse la plus rapide de leur capacité d’accueil en hôtels, campings et résidences secondaires : près de 800.000 lits touristiques supplémentaires soit une hausse d’environ 300 lits par commune dans celles de la classe 4 et près de 380.000 lits supplémentaires (+1.628 lits) par commune dans celles de la classe 5. Il s’agit de communes situées sur le littoral breton, la façade atlantique, les îles du Ponant, de Ré et d’Oléron, la façade Manche-mer du Nord et, en montagne, les Alpes et les Hautes-Pyrénées.
Consommation d'eau et d'électricité nettement supérieure à la moyenne
L’étude analyse ensuite les pressions exercées sur l’environnement dans ces territoires. Principalement situés dans des environnements naturels, ils sont confrontés au phénomène d’artificialisation des sols. Dans ces communes, celui-ci progresse à un rythme proche de la moyenne nationale (+2,8%). En revanche, ces collectivités se distinguent nettement en termes de consommation d’eau, d’électricité et de production de déchets. Les 6.000 communes au taux de fonction touristique supérieur à 100 lits pour 100 habitants sont à l’origine de 10% des prélèvements pour l’alimentation en eau potable en 2013 (613 millions de m³ sur les 5,6 milliards de m³ prélevés en France). Alors qu’en moyenne nationale le volume de ces prélèvements atteint 85 m³ par habitant par an, il va jusqu’à tripler dans les communes où l’intensité touristique est supérieure à 1.000 lits pour 100 habitants (classe 5). Entre 2002 et 2013, les plus fortes hausses (supérieures à 10%) ont été observées dans les Hautes-Pyrénées, les Côtes-d’Armor, les Hautes-Alpes, la Haute-Corse et la Vendée. Les prélèvements opérés par les activités sportives et de loisirs pèsent sur la ressource : c’est notamment le cas pour l’arrosage des golfs, le remplissage des piscines, la production de neige artificielle mais également les services d’hébergement et de restauration ainsi que les consommations directes des touristes, souligne l’étude qui note en outre que le traitement des eaux usées peut s’avérer délicat dans les territoires touristiques, surtout dans les communes de petite taille et/ou insulaires qui ont à gérer une forte augmentation de la population et des activités.
La consommation d’électricité croît également en fonction du taux de fonction touristique moyen des communes. Alors que la consommation moyenne d’électricité en basse tension s’élève à 3 MWh par an par habitant en France en 2014, elle est de 4,1 MWh dans les communes au taux compris entre 100 et 200 lits pour 100 habitants, de 5,3 MWh dans celles au taux compris entre 200 et 1.000 lits pour 100 habitants et atteint les 10,5 MWh dans celles à l’intensité touristique supérieure à 1.000 lits pour 100 habitants.
Difficile traitement des déchets
Les variations de populations occasionnées par le tourisme influent également sur la production de déchets ménagers et assimilés, note encore l’étude. Les territoires à forte intensité touristique produisent en moyenne une quantité de déchets ménagers et assimilés par habitant supérieure de 27% à la moyenne nationale, avec une part de déchets stockés dans ces territoires supérieure de 9 points à la moyenne nationale. A l’échelle départementale, les volumes collectés sont supérieurs à la moyenne nationale (573 kg/an par habitant) sur le littoral Nord-Ouest et une partie de la façade atlantique, précise le document. Au Sud, les tonnages sont particulièrement élevés sur le littoral méditerranéen et dans les Alpes, le long de la frontière italienne. Des territoires insulaires comme la Corse, et, outre-mer, la Guadeloupe et la Réunion collectent également des volumes significatifs de déchets.
Le traitement de ces déchets est aussi problématique. D’abord parce qu’il nécessite souvent une augmentation des fréquences de collecte et des surcapacités de stockage temporaires, voire parfois, pour certaines îles, un transfert vers le continent en vue de leur élimination ou de leur valorisation, faute d’installation de stockage adaptée. A ces difficultés liées au dimensionnement des infrastructures s’ajoutent des contraintes naturelles. C’est particulièrement le cas en milieu montagnard. Le relief réduit l’espace disponible et aménageable et l’isolement ou la dispersion de l’habitat compliquent encore les aménagements à réaliser. En outre, l’utilisation du réseau routier est souvent difficile, voire impossible à certaines périodes de l’année. La pluviosité et l’humidité en montagne peuvent par ailleurs aggraver la pollution causée par les déchets, en raison du ruissellement des eaux pluviales.
Un grand nombre de territoires touristiques abritent de surcroît des espaces protégés. "L’affluence des touristes, à proximité ou dans ces aires protégées, a un effet ambivalent, constate l’étude. D’un côté, elle témoigne de l’attractivité des espaces naturels et constitue un vecteur de sensibilisation à l’environnement et au développement durable. De l’autre, une surfréquentation de ces sites peut mettre en péril leur préservation et la capacité du milieu naturel à se régénérer".
Attrait pour les destinations nature
Pour limiter les pressions sur les ressources naturelles et préserver l’environnement, les initiatives en matière de tourisme durable se développent, notamment depuis une vingtaine d’années, poursuit l’étude qui note qu’en France comme dans le reste de l’Union européenne, les destinations "nature" ont le vent en poupe. L’environnement est même devenu un critère important pour choisir son lieu de vacances. Parmi les pratiques qui contribuent à l’essor du tourisme durable, le document s’intéresse particulièrement à l’itinérance douce (déplacement fluvial, à vélo, à pied, à cheval). La France est ainsi la deuxième destination mondiale du tourisme à vélo, après l’Allemagne. Elle dispose de près de 12.000 km de véloroutes et voies vertes aménagées. Pour les adeptes de la marche, elle compte 65.000 km de sentiers de grande randonnée, 115.000 km d’itinéraires promenade et randonnée et 4.600 km de sentiers littoraux.
Un affichage environnemental disparate
L’étude note enfin que l’affichage "tourisme durable" se développe chez les professionnels (hébergeurs, restaurateurs, voyagistes…) à travers une floraison de labels, logos et marques. Mais cet affichage environnemental est aussi marqué par une forte disparité tant dans les critères et engagements (gestion efficace des ressources en eau et en énergie, achats responsables, non-recours aux pesticides, préservation du cadre de vie environnant…) que par les degrés d’exigence. A l’échelle européenne, la France détient le plus grand nombre d’établissements touristiques titulaires de l’écolabel européen "Service d’hébergement touristique" qui repose sur une démarche volontaire et une approche globale prenant en considération le cycle de vie du service incluant les achats, l’utilisation des installations et la gestion des déchets. 358 établissements l’arborent dans l’Hexagone contre 222 en Italie et 100 en Autriche. L’étude cite également le label Grand Site de France créé par l’Etat en 2002 qui marque la reconnaissance de la qualité de la préservation et de la gestion de ces sites dont le plus fréquenté aujourd’hui est celui de la Baie de Somme (2 millions de visiteurs par an, soit 80 fois la population résidente des communes concernées). Dernier exemple : le label Pavillon bleu, décerné aux communes et aux ports de plaisance qui mènent une politique de développement touristique durable. Avec 400 plages et 98 ports labellisés en 2016, la France est le deuxième pays à détenir le plus grand nombre de Pavillons bleus derrière l’Espagne.