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Métiers de l’accompagnement social et médico-social : une revalorisation incertaine

Les agents publics de la filière socio-éducative exerçant des fonctions d’accompagnement et ceux exerçant des missions d’aide à domicile au sein des services d’aide et d’accompagnement à domicile percevront bientôt une prime de 183 euros nets mensuels. Mais à condition que leur employeur le décide. C'est ce que prévoit un projet de texte qu'examinait, ce 6 avril, le conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT). Les syndicats redoutent qu'en raison des réticences de certains employeurs, nombre d'agents éligibles à cette prime, ne la touchent pas.

Les agents titulaires et contractuels des établissements et services sociaux et médico-sociaux relevant de la fonction publique territoriale bénéficieront peut-être prochainement d'une "prime de revalorisation" de 183 euros nets mensuels. La mesure doit s'appliquer de manière rétroactive au 1er avril 2022. Huit cadres d'emplois sont concernés : les conseillers territoriaux socio-éducatifs, les assistants territoriaux socio-éducatifs, les éducateurs territoriaux de jeunes enfants, les moniteurs-éducateurs et intervenants familiaux territoriaux, les agents sociaux territoriaux, les psychologues territoriaux, les animateurs territoriaux, et, enfin, les adjoints territoriaux d’animation. Les professionnels appartenant à ces cadres d'emplois et exerçant des fonctions d'accompagnement socio-éducatif au sein des services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) et de protection maternelle et infantile (PMI), ou encore exerçant des fonctions médicales ou paramédicales au sein des établissements et services sociaux et médico-sociaux, ou des services de PMI, sont éligibles à cette prime.

S'ajoutent aux bénéficiaires les agents territoriaux exerçant des missions d’aide à domicile auprès des personnes âgées ou des personnes handicapées au sein des services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad). Pour certains, ce sont plus de 100.000 agents territoriaux qui sont visés, au total, par la mesure, mais d'autres avancent un chiffre de seulement 60.000 agents.

183 euros nets mensuels

Après certains de leurs collègues – comme ceux qui exercent dans les Ehpad gérés par les collectivités territoriales - ces agents vont ainsi bénéficier à leur tour de l'extension de l'application des accords salariaux du "Ségur de la santé" signés en juillet 2020. Mais les modalités de leur revalorisation différeront. Car si les agents des Ehpad ont bénéficié d'un complément de traitement indiciaire (183 euros nets par mois), les agents listés ci-dessus percevront une somme équivalente, sous la forme d'une prime qui ne sera pas obligatoire. Ne la verseront que les employeurs qui le souhaiteront. En outre, à la différence de points d'indice, cette prime ne sera pas prise en compte pour le calcul des pensions de retraite.

Selon le gouvernement, une loi était nécessaire pour que la revalorisation salariale prenne la forme de l'attribution automatique de points d'indice supplémentaires. Alors que le Parlement ne siège plus, pour cause d'élection présidentielle, ce n'est pas la voie qu'il a privilégiée. L'exécutif a préféré préparer un texte réglementaire, rendant donc la revalorisation facultative. Ce texte était au menu d'une séance plénière, que le conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) a tenue, ce 6 avril. Soit à quatre jours du premier tour de l'élection présidentielle.

De source syndicale, la direction générale des collectivités locales (DGCL) aurait affirmé que l'option choisie – celle d'une prime – était provisoire et qu'une prochaine loi de financement rectificative de la sécurité sociale la transformerait en points d'indice en faveur des personnels concernés. Un argument qui a laissé les représentants syndicaux dubitatifs, surtout en cette fin de quinquennat. Ils ont par conséquent déposé des amendements et adopté à l'unanimité un vœu demandant au gouvernement de prévoir immédiatement cette attribution de points d'indice supplémentaires. Mais la DGCL a opposé une fin de non-recevoir. Elle a aussi rejeté des amendements exigeant que la prime devienne obligatoire.

"Pas de concertation préalable avec les présidents de département"

Dans ces conditions, la CGT et la FA-FPT ont voté contre le projet de décret, les autres syndicats (Unsa, FO et CFDT) préférant s'abstenir. Côté employeurs, 13 représentants ont aussi choisi l'abstention. Mais cinq autres ont marqué leur rejet du texte en ne prenant pas part au vote. Parmi eux : le président (UDI) du conseil départemental de la Mayenne. Olivier Richefou, qui exprimait le point de vue de l'Assemblée des départements de France (ADF), a regretté l'absence de concertation préalable sur un texte qui a été "bâclé" et "improvisé". "L'Etat ne peut pas décider pour les employeurs publics que nous sommes", s'est-il insurgé. "L'ADF aurait aimé pouvoir échanger avec le gouvernement, réfléchir au bon niveau de prime et sur les catégories d'agents qui doivent être concernées", a expliqué l'élu lors d'un entretien avec Localtis à l'issue de la réunion. Au cours de la conférence des métiers et de l'accompagnement social et médicosocial qui s'est tenue le 18 février, le président de l'ADF, François Sauvadet avait exprimé la volonté des présidents de département de revaloriser, "avec l'État", les professionnels exerçant ces missions. Mais le projet de décret n'avait pas été dévoilé à ce moment-là. Autrement dit, l'ADF n'avait pas donné son accord sur son contenu. En outre, à cette date, le gouvernement n'avait pas encore annoncé ses intentions de dégeler le point d'indice en cas de reconduction de l'actuel exécutif. Cette autre décision pourrait être coûteuse pour les départements, alors que les recettes de ceux-ci "ne sont pas indexées sur l'inflation", pointe Olivier Richefou.

En ne prenant pas part au vote, les présidents de département ont pratiqué "la politique de la chaise vide", critique Marie Mennella. La représentante de la CFDT au CSFPT s'attend à ce que nombre d'entre eux refusent d'accorder la prime de revalorisation aux agents déterminés par le projet de décret. Il se peut aussi que dans certains départements des personnels en soient bénéficiaires et pas d'autres, complète Johann Laurency (FO). Qui se dit plus optimiste pour les agents des Saad. En effet, les revalorisations de ces agents, qui dépendent des CCAS et des CIAS, seront "financées à hauteur de 50%" par l'Etat ou la Sécurité sociale.

Médecins coordonnateurs des Ehpad, sages-femmes…

À la suite des annonces faites le 18 février dernier, les médecins coordonnateurs des Ehpad publics (qu'ils relèvent de la fonction publique hospitalière ou de la territoriale) vont eux aussi bénéficier prochainement d'une revalorisation, qui sera versée rétroactivement à partir du 1er avril 2022. Là encore, celle-ci prendra la forme d'une prime nécessitant une délibération de la collectivité. Son montant (517 euros bruts mensuels) correspond à l’augmentation moyenne obtenue par les praticiens hospitaliers, dans le cadre du Ségur de la santé. Un autre projet de texte, qui était soumis, ce 6 avril, à l'avis du CSFPT, le prévoit. A noter : les médecins exerçant dans les services sociaux des départements - principalement les services de PMI – seront concernés par la même prime. En effet, au cours de la séance, le gouvernement a donné son feu vert à un amendement permettant cette extension.

Sur ce texte, l'avis du CSFPT a été majoritairement favorable. Comme sur un troisième projet de décret, portant cette fois sur la revalorisation des quelque 1.000 sages-femmes territoriales. Déclinaison de l'accord du 22 novembre dernier concernant la revalorisation de la profession de sage-femme, le projet de texte prévoit une augmentation indiciaire, automatique, de 78 euros nets mensuels. Ce qui sera complété par l'attribution d'une prime de revalorisation de 183 euros nets mensuels, mais seulement si la collectivité le décide.

Au grand dam des syndicats, le gouvernement a refusé que les sages-femmes territoriales soient éligibles à la prime d'exercice médical (240 euros nets mensuels). Ces professionnelles percevront donc un coup de pouce forcément moindre que leurs homologues de la fonction publique hospitalière – qui, elles, perçoivent au total 500 euros nets mensuels en plus. Petit lot de consolation : la revalorisation sera mise en œuvre dès avril 2022 dans la fonction publique territoriale, soit plus tôt que l'échéance initiale.