THD radio, une alternative sérieuse au FttH en milieu rural ?
À l’heure où chaque territoire attend impatiemment l’arrivée de la fibre optique, l’atteinte d’un bon haut débit internet fixe "pour tous" à l’horizon 2020 pourrait bien dépendre d’un recours partiel à des technologies alternatives. Le gouvernement a fixé à l’été 2017 l’objectif d’atteindre une qualité de débit de 8 Mbps descendant pour chaque prise, tout en invoquant le recours souhaitable à des technologies alternatives à la fibre. Quelle est la place du THD radio (RttH ou radio to the home) dans l’offre à venir d’internet fixe en milieu rural ?
L’accord historique de couverture mobile passé le mois dernier entre le gouvernement et les opérateurs stipule - entre autres - l’obligation pour ces dernier de recourir à des technologies alternatives pour couvrir les zones les moins denses dans lesquelles l’arrivée de la fibre optique n’est pas priorisée. L’idée est d’exploiter les réseaux mobiles en complément du fixe : si les box 4G (relayant l’internet mobile via une box individuelle) sont clairement ciblées, l’Arcep s’est par ailleurs donné les moyens de cette ambition en ouvrant un spectre de fréquences à l’exploitation d’une autre technologie, le THD radio (ou LTE fixe), qui offre des perspectives de connectivité autrement plus performantes, toujours dans les zones où l’ADSL est déficient.
L’ouverture par l’Arcep de fréquences dédiées au THD radio
L’Arcep a ouvert en décembre 2017 une plateforme d’attribution des fréquences (3.4/3.5 GHz) dédiées au THD radio, une possibilité circonscrite aux zones dépourvues de projet de fibre optique à moyen terme. En d’autres termes, les opérateurs sont invités à déployer le THD radio sur les zones dont la couverture en fibre n’est pas assurée avant 4 ou 5 ans, des territoires qui pourraient être laissés pour compte si l’Etat revenait sur ses engagements financiers prévus dans le cadre du programme France THD.
Le guichet d’attribution de ces fréquences est ouvert jusqu’à la fin de l’année 2019, les collectivités et leurs opérateurs ont donc un peu moins de deux ans pour se saisir cette opportunité technologique. Cette mise à disposition gracieuse constitue un geste fort, bien accueilli par les opérateurs spécialisés, qui reconnaissent la mise en valeur du patrimoine immatériel des fréquences "au service de l’aménagement du territoire, et non dans une logique purement économique", commente Philippe Le Grand, directeur de Nomotech.
Un déploiement rapide et peu coûteux qui séduit les collectivités
Le Syndicat Seine-et-Marne Numérique est le premier à avoir déposé une telle demande auprès de l’Arcep, avec un temps d’avance puisque la solution RttH y était à l’essai depuis avril 2017. Le succès de l’opération est venu confirmer la promesse technologique du THD radio, présenté comme économique, rapide à mettre en oeuvre et performant sur le plan des débits. De fait, la migration d’un réseau WiMax vers une boucle THD radio permet de passer d’une portée de trois à dix kilomètres pour chaque point haut (souvent des clochers ou châteaux d’eau), et d’un débit descendant de 20 à 30 Mbps (de 1 à 5 en ascendant), grâce à l’utilisation d’un protocole radio 4G plus stable et résistant aux obstacles physiques. "La 4G fixe est aussi simple que le Wifi" insiste Vincent Carrière, le président de XiLan. Il faut compter une quinzaine de jours pour la mise en place de la solution chez le client final : une antenne de réception ainsi qu’un câble de raccordement indoor. De sorte que les raccordements prévus en Seine et Marne ont dépassé les objectifs opérationnels : la réutilisation de sites pré-équipés (et nettement moins nombreux qu’en WiMax) permet des délais de déploiement inférieurs à un an sur un tiers de la surface départementale.
Les recours au THD radio se multiplient : l’entreprise Nomotech, déjà présente en Seine-et-Marne, entend équiper environ 30.000 sites en Charente, tandis que les études de faisabilité dans la Manche et dans le Cher sont en cours. De son côté, l’entreprise XiLan est positionnée dans le Pas de Calais, dans le Tarn-et-Garonne ainsi que dans Var. Le département des Pyrénnées-Atlantique a identifié un potentiel de 10.000 locaux éligibles, tandis que la région Bourgogne Franche-Comté (qui compte déjà 3.000 abonnées radio) et la Haute-Garonne ont chacun annoncé la commercialisation d’offres THD radio.
Une solution d’avenir ou un compromis de transition ?
Dans l’Aude, le THD radio est appréhendé par le SYADEN et Altitude Infrastructure comme une "solution d’attente mise en œuvre en parallèle afin de permettre de couvrir rapidement les collectivités relevant de la seconde phase de déploiement de la fibre optique". De fait, le RttH est pertinent pour les territoires où le 100% FttH est remis aux calendes grecques et l’ADSL durablement limité. C’est le cas en Italie, où le cuivre est de si mauvaise qualité qu’on compte près d’un million d’abonnés sur le THD radio, indique Philippe Le Grand, directeur de Nomotech.
Selon lui, le déploiement en milieu rural de la fibre puis de la 5G, qui sont au coeur de la stratégie des grands opérateurs, laisse de la place à un développement rapide de la THD radio : "la 5G débutera peut-être en 2021, pour 10 ans de déploiement progressif". En attendant, le nombre d’abonnés RttH pourrait grimper à 300.000, pour un investissement limité à quelques centaines de millions d’euros sur une dizaine d’années. L’ouverture pour moins de deux ans du guichet de fréquences dédiées fait état du caractère seulement transitoire du THD radio, incitant les territoires et leurs opérateurs à faire preuve de pragmatisme et de détermination dans son déploiement.
La box 4G (ou 4G fixe), proposée depuis depuis moins d’un an par Bouygues, Orange et SFR, retient également l’attention des élus ruraux. Elle pourrait s’avérer inadaptée à l’évolution des flux de consommation observés : "la bande passante 4G, partagée entre usages fixes et mobiles, est insuffisante pour les usages massifs qui émergent y compris en milieu rural, puisque les infrastructures LTE sont paramétrées pour un usage exclusivement mobile", précise Vincent Carrière. Les quatre opérateurs mobiles, tenus par leur engagement récent de doter certains territoires d’une offre de box 4G, pourraient-ils se tourner vers les opérateurs de RttH pour honorer cet engagement en substituant à la box 4G la solution THD radio réputée plus fiable ?