Taxe d'habitation : les erreurs sur la collecte en 2023 ont coûté 1,3 milliard d'euros à l'État
Il s'agit de la facture des couacs survenus en 2023 à l'occasion du recouvrement de plusieurs taxes locales, dont celle qui s'applique aux résidences secondaires. En cause, le lancement "chaotique", quelques mois plus tôt, de la nouvelle application "Gérer mes biens immobiliers" (GMBI). Un épisode fâcheux sur lequel la Cour des comptes revient dans un rapport.
Des locataires ayant changé de logement et auxquels il était demandé de payer une taxe d'habitation sur les résidences secondaires, des enfants mineurs assujettis à cette taxe, des bailleurs dont un local loué était indûment considéré comme vacant… Le recouvrement de plusieurs taxes locales (sur les résidences secondaires ainsi que sur les logements vacants) a été émaillé de très nombreuses erreurs à l'automne 2023. Les médias s'en sont fait l'écho à l'époque. Les contentieux ouverts à cause de ces erreurs ont dépassé le nombre de 1,2 million, selon la Cour des comptes, qui chiffre la facture pour l'État à un peu plus de 1,3 milliard d'euros. La Rue Cambon rend compte de cet imbroglio dans un rapport rendu public le 23 janvier.
Les contribuables qui avaient été sollicités à tort ont été remboursés par voie de dégrèvement. De leur côté, les communes et intercommunalités ont perçu le produit des impôts liquidés sur des bases erronées. Et elles le conserveront. Les dispositions du code des impôts leur sont en effet très favorables aujourd'hui, prévoyant que l'État prend à sa charge les frais de dégrèvement de la taxe d'habitation. En contrepartie, il perçoit 2% du montant de cette taxe qui demeure en vigueur pour les résidences secondaires et les logements vacants. La compensation est cependant bien mince dans le cas de l'année 2023.
Première campagne déclarative ratée
En septembre de cette année-là, l'administration fiscale a établi les rôles des impôts locaux pour la première fois en utilisant les données recueillies auprès des propriétaires au moyen de la nouvelle application dénommée "Gérer mes biens immobiliers" (GMBI) - les contribuables peuvent y accéder dans leur espace personnel sur le site impots.gouv.fr. Un outil entièrement numérique dont l'élaboration laborieuse, à partir de 2019, a nécessité une dépense directe trois fois plus élevée (37,2 millions d'euros) que prévu au départ. Son intérêt est de permettre aux propriétaires de déclarer eux-mêmes les informations concernant leurs biens immobiliers.
GMBI est entré en service début 2023. Mais, en dépit d'efforts engagés par la direction générale des finances publiques (DGFIP) pour redresser la barre, la campagne déclarative "s’est très mal déroulée". Mi-septembre 2023, seuls 73,1% des propriétaires avaient rempli leur obligation déclarative. En parallèle, les déménagements et emménagements des locataires ont mal été pris en compte par l'administration.
Parmi les personnes publiques propriétaires d'au moins 200 logements - une catégorie qui compte un nombre important de collectivités territoriales - beaucoup ont été "défaillantes" du fait notamment "d'une connaissance imparfaite de leur parc immobilier ou d'informations en décalage par rapport aux données cadastrales", relève la Cour.
Apport précieux aux politiques publiques
La DGFIP a déployé un plan pour corriger le tir. Avec, semble-t-il, un certain succès, puisque la campagne de déclaration se serait déroulée "dans de meilleures conditions" en 2024. GMBI pourrait ainsi permettre à moyen terme de "disposer d’un état des lieux complet de l’occupation des locaux en France", l'objectif qui lui est assigné. Pour y parvenir, la DGFIP n'exclut pas des mesures pénalisantes pour les collectivités. Elle a en effet "engagé une réflexion pour modifier le code général des impôts afin que les dégrèvements ne soient pas pris en charge par l’État lorsque les collectivités [ce qui inclut les bailleurs sociaux] n’ont pas respecté leurs obligations déclaratives", font savoir les magistrats.
En dépit d'un démarrage "chaotique", GMBI pourrait cependant apporter des économies "récurrentes et substantielles" à l'État dans les prochaines années, soulignent-ils. L'application pourrait aussi concourir à améliorer "significativement" les politiques liées au logement (lutte contre la vacance et l’augmentation des locations saisonnières, amélioration des performances énergétiques, application des aides personnelles au logement…). En revanche, GMBI ne permettra pas à moyen terme de "fiabiliser les bases" des impôts locaux, contrairement aux attentes des élus locaux, assure la Cour.