Révision des valeurs locatives : la Cour des comptes appelle à une véritable évaluation

Dans un rapport sur les taxes foncières, la Rue Cambon prône la réalisation d'un bilan de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels mise en œuvre en 2017. "Il serait opportun de tirer les enseignements de cette première réforme pour mieux définir celle, à venir, des locaux d’habitation", justifie-t-elle. Le rapport appelle par ailleurs à un enrichissement de l'information mise à disposition des collectivités concernant les taxes foncières.

Quelles seront les conséquences réelles de la mise en œuvre depuis 2017 de la réforme des valeurs locatives des 3,6 millions de locaux professionnels ? Un grand flou semble encore régner et la Cour des comptes s'en inquiète. "La trajectoire d'ensemble de la réforme ne peut être évaluée faute de données disponibles", écrit-elle dans un rapport sur "les taxes foncières", rendu public ce 27 février. L'enjeu n'est pas mince, car les valeurs locatives servent de base au calcul des impôts directs locaux.

Une évaluation des effets à terme de la réforme a certes été effectuée, peu avant son entrée en vigueur, et ce sans tenir compte des dispositifs de neutralisation et de lissage. Ainsi, il était estimé que les cotisations moyennes de taxe sur le foncier bâti des supermarchés et hypermarchés baisseraient respectivement de 10% et 11%, tandis que celles des magasins de centres commerciaux augmenteraient de 46%. Une hausse de 38% des cotisations moyennes payées par les maisons de retraites était également attendue.

Actualisation des paramètres en 2025

Cette évaluation n'a cependant pas été mise à jour, alors même que de nombreuses "modifications substantielles" - souvent de nature technique, mais pas seulement - sont intervenues depuis 2017. De même, les conséquences de l’actualisation des paramètres de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels - dont l'entrée en vigueur vient d'être repoussée de 2023 à 2025 - n'ont pas été prises en compte. "L’absence d’outils de simulation, qui tiendraient compte de ces évolutions" est regrettable, selon la Cour : elle "ne permet pas d’appréhender les conséquences de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels ni du point de vue du contribuable, ni du point de vue des collectivités".

Par conséquent, les magistrats demandent la réalisation, "en 2024", d'un bilan de la mise en œuvre de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels. Ces travaux devraient évoquer "les effets attendus de l’actualisation sexennale de 2025" et préciser les conséquences de la réforme sur "les ressources des collectivités locales et les impacts sur les différentes catégories de contribuables".

Il existe une autre bonne raison d'établir ce bilan : la réforme de l'établissement des valeurs locatives des locaux d’habitation, programmée pour 2028, doit obéir à des modalités proches de celles utilisées, en 2017, lors de la réforme portant sur les locaux professionnels.

Complexité

Les effets de cette autre réforme, qui concerne 52,6 millions de locaux d'habitation, doivent être anticipés, selon la Rue Cambon. Le législateur a prévu que le gouvernement remettra en 2026 un rapport au Parlement permettant d'éclairer le public sur ce sujet. Il convient, estiment les magistrats, d'"apporter aux décideurs locaux les outils d’analyse et de simulation permettant d’apprécier l’impact de cette réforme sur les produits attendus de taxe foncière".

La révision des valeurs locatives des locaux professionnels tend à "restaurer" le "lien" entre les collectivités et les contribuables, mais les mécanismes qui visent à atténuer ses effets sont d'une application complexe, considèrent-ils. Or, la révision à venir des valeurs locatives des locaux d’habitation, "qui se caractérisera également par la mise en place d’un mécanisme de neutralisation fiscale, devrait ajouter encore de la complexité au "schéma de financement des collectivités locales", critique l'institution. Elle ajoute que la réforme à venir pourrait "occasionner de nouvelles disparités entre communes, sans qu’aucune réflexion sur un nouveau mécanisme de compensation n’ait été menée à ce stade".

L'établissement de l'assiette de la taxe foncière sur les propriétés bâties "reste complexe", déplore par ailleurs la Cour. Les travaux qui permettent de déterminer celle-ci constituent "une part significative de la gestion des taxes foncières". Leur coût a représenté 0,45% des 35 milliards d'euros de recettes issus de ces taxes en 2021 (l'ensemble des frais liés à leur gestion s'élevaient à 0,96%). La détermination de l’assiette de la taxe sur le foncier bâti "appelle un renforcement des échanges avec les collectivités locales (…) dans une optique de fiabilisation des informations", en déduisent les magistrats.

Impôt stable

"Peu sensible à la conjoncture économique, le produit des taxes foncières a connu une augmentation régulière, de 2,5% par an en moyenne entre 2016 et 2020 pour le foncier bâti et de 1,4% en moyenne pour le foncier non bâti. Cette évolution s’explique pour l’essentiel par l’évolution des bases taxables. Une part moins significative (environ 20%) de l’accroissement du rendement des taxes foncières est liée à l’évolution des taux. "Les évolutions annuelles des taux sont assez limitées, notamment par le mécanisme de liaison des taux existant entre les différentes taxes locales", précise la Cour.

32 millions de personnes physiques propriétaires sont imposables à la taxe foncière sur le bâti : leurs contributions représentaient un montant de 21,2 milliards d'euros en 2021, soit 65,5% du produit total de la taxe. La part restante du produit était due par les personnes morales. Le profil des contribuables et les montants dont ils s'acquittent sont mal connus. Pour la Cour, les décideurs locaux se doivent d'obtenir ces informations. Aussi, suggère-t-elle que la direction générale des finances publiques leur fournisse des "informations statistiques précises" sur le sujet.

 

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