Stéphane Villain : "ADN tourisme est devenu incontournable au niveau national"

Alors qu'ADN tourisme a tenu ses Rencontres nationales les 26 et 27 septembre, à Troyes, Stéphane Villain, son président et maire de Châtelaillon-Plage (Charente-Maritime), revient sur cet évènement et sur l'actualité de ce réseau regroupant 1.200 institutionnels du tourisme (offices de tourisme et relais territoriaux, agences de développement, comités départementaux et régionaux de tourisme). 

Localtis : Vous avez choisi la mobilité douce pour thème central de vos récentes Rencontres nationales. Pourquoi ce choix ?

Stéphane Villain : Pour plusieurs raisons, la première étant que cela permet un aménagement du territoire, sachant que toutes les collectivités se donnent le relais pour aménager ces mobilités. Que ce soit les communautés de communes, les départements ou les régions, tous participent à l'aménagement des véloroutes et vélovoies vertes qui forment maintenant un véritable maillage à travers la France, à l'intention des personnes qui viennent nous visiter à vélo depuis l'étranger mais aussi pour celles et ceux qui vont au travail, les enfants qui vont à l'école ou d'autres qui font des balades. Il y a aujourd'hui une vraie volonté d'aller vers le "slow tourisme" [tourisme doux] et de pouvoir se déplacer en mobilité douce. Un touriste à vélo consomme environ soixante euros par jour et il ne pollue pas. Avec la mobilité douce, on est complètement dans les territoires écoresponsables.

Quel bilan tirez-vous du développement de cette mobilité douce ?

Depuis une bonne dizaine d'années, cet aménagement s'intensifie, il y a une véritable prise de conscience sur cette thématique. Ça construit ici ou là, mais il y a encore de la route à faire si on veut rendre nos routes et vélovoies vertes le moins accidentogènes possible, ou encore en termes de signalétique, pour adapter les hôtels, campings, gîtes ou maisons d'hôtes à l'accueil des vélos dans les meilleures conditions. On ne peut pas dire qu'on est au début d'une belle histoire, puisqu'on a déjà franchi quelques étapes, mais on a encore plein de choses à faire.

Autre bilan, quel est celui que vous tirez de l'été olympique ?

La première partie de l'année 2024 a été plutôt atypique. Elle a d'abord été compliquée, le temps n'était pas de la partie durant les vacances de Pâques, puis il y a eu les élections, un départ en vacances des enfants relativement tardif. Les Jeux olympiques ont donc été le vrai lancement de la saison. Ils ont donné le sourire, le bonheur, la joie à tous ceux qui étaient présents sur les sites ou regardaient la télévision. À partir de ce moment, les Français ont voulu sortir de chez eux et sont venus en masse durant la dernière semaine de juillet et tout le mois d'août et même encore en septembre. Les Jeux olympiques ont donc eu un effet plutôt bénéfique. À Paris, il y a eu des scores supérieurs à ceux que l'on connaît habituellement. Il y aura maintenant un effet de redondance. Les gens qui sont venus vont vouloir revenir et les images de notre patrimoine vues dans le monde entier vont donner envie à nos amis étrangers de venir nous voir. L'effet est donc aujourd'hui bénéfique et le sera sûrement aussi demain.

Cette année olympique a été marquée par l'absence des CRS, retenus pour sécuriser l'évènement, pour la surveillance des plages. Comment les territoires concernés s'en sont-ils tirés ?

Chez nous, en Charente-Maritime, ce sont plutôt les pompiers qui œuvrent, et de nombreux autres territoires font désormais travailler les pompiers ou la SNSM [Société nationale de sauvetage en mer]. Certaines années ont été un peu plus compliquées, mais actuellement, les recrutements se passent bien, les jeunes sont de plus en plus volontaires pour ce genre de travaux d'été. J'ai parlé avec l'ensemble de mes collègues, et l'absence des CRS n'a pas causé de gros problèmes. Cela a été anticipé sur les territoires et tout le monde a réussi à trouver des solutions pour protéger tous les traits de côte. Et tout devrait rentrer dans l'ordre l'année prochaine puisqu'il n'y aura plus les Jeux. 

L'actualité de l'année dans le secteur touristique a aussi été marquée par le dépôt d'une proposition de loi sur les meublés de tourisme qui propose d'aligner leur fiscalité sur celle des locations de longue durée, soit 30% d'abattement sur les recettes au lieu de 71% actuellement. Qu'en pensez-vous ?

Nous avons eu la chance d'accueillir à Troyes Marina Ferrari, ministre déléguée chargée de l'économie du tourisme – un intitulé dont on rêvait depuis longtemps –, qui a beaucoup travaillé sur ce sujet. Sa philosophie est la bonne : il faut que ceux qui valorisent leurs meublés aient la possibilité de ne pas descendre de 71% à 30% d'abattement fiscal, mais de bénéficier d'environ 50% d'abattement. Ce que veut la ministre, c'est que quand on a un meublé de qualité, on puisse être accompagné financièrement par l'État.

Certains évoquent de plus en plus le surtourisme et proposent de lutter contre ce phénomène, que ce soit en restreignant l'accès à certains sites ou en promouvant un étalement des visites touristiques. Quelle est votre position ?

Notre rôle est d'améliorer les "ailes" de saison. On voit que septembre et octobre sont de plus en plus prisés, et c'est tant mieux. On se demande même si, à terme, septembre ne va pas passer devant juillet. Ce travail commence donc à payer et on ne part plus en vacances uniquement du 15 juillet au 15 août. Mais je n'emploie jamais le mot "surtourisme", je préfère "haute fréquentation". Ceux qui parlent de surtourisme n'acceptent pas que pendant deux, trois ou quatre jours dans l'année, il y ait beaucoup de monde sur leur territoire. Ça peut arriver, mais cela reste tout à fait ponctuel. En Charente-Maritime, le tourisme, c'est deux milliards d'euros de chiffre d'affaires. Dans nos familles, il y a toujours quelqu'un qui travaille dans le tourisme, et si le tourisme est malade, c'est le département qui est malade, cela affaiblit notre économie. Ce que je vous dis pour la Charente-Maritime est vrai dans le Morbihan, en Occitanie, en Provence-Alpes-Côte d'Azur, etc. 

Vous avez annoncé à l'issue de vos Rencontres de Troyes la publication d'un livre blanc visant à "formuler des préconisations en faveur du développement touristique de la France", que vous remettrez à votre ministre de tutelle, Marina Ferrari. Il y sera notamment question de la compétence partagée en matière de tourisme. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Les rapports Woerth et Ravignon se sont interrogés sur la suppression d'un niveau de compétence partagée ou sur le fait de nommer un chef de file, le département ou la région, en matière de tourisme. Ce n'est pas du tout ce que l'on veut et nous l'avons dit à madame la ministre, qui semble assez d'accord. C'est une élue de territoire, elle connaît ce sujet. Si on revient à la genèse d'ADN tourisme, il s'agit du mariage entre trois structures : les offices de tourisme, Tourisme et territoire, émanation des départements, et Destination régions. Nous avions chacun un rôle à jouer pour le tourisme local, mais nous avions aussi tout intérêt à travailler en synergie. Nous avons aujourd'hui 12.700 experts métiers, répartis dans 1.200 structures, chacune ayant une connaissance particulièrement fine de son territoire. Notre rôle est de fédérer tout ce beau monde pour faire en sorte que chacun ait son couloir de nage, et pour autant puisse travailler en synergie avec les autres. Le fait que l'on puisse travailler tous ensemble est un atout dans notre jeu. Quand, il y a dix ans, il y avait les offices d'un côté, les régions et les départements de l'autre, nous n'étions pas audibles car nous ne parlions pas d'une même voix. Si aujourd'hui Marina Ferrari vient nous voir, c'est qu'on est devenus incontournables au niveau national.

Quels seront les autres thèmes de votre livre blanc ?

On se demandera si on n'a pas intérêt, demain, à travailler sur la taxe de séjour, sans surtaxer pour autant. Aujourd'hui, les offices du tourisme perçoivent cette taxe, certains départements perçoivent la taxe de séjour additionnelle. Pourquoi pas une taxe fléchée vers les régions ? Il faut donner des moyens à tous les échelons de collectivités. Sur la mobilité, l'écoresponsabilité, le tourisme marchand et non marchand, les relations avec les partenaires, on doit être au centre de tout cet écosystème, on doit donner des solutions. Nous sommes les premiers partenaires de la ministre, elle peut compter sur nous pour être son relais de terrain, mais on va aussi lui faire un certain nombre de propositions claires sur lesquelles elle pourra s'appuyer. Le tourisme doit continuer à bien fonctionner, il représente 7% de notre PIB, il ne faut pas cracher dessus [sic].