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Délocalisations - Soutien à l'industrie automobile : quelles conditions imposent les régions ?

"Ce n’est pas acceptable." A son tour, mercredi 13 janvier, le ministre du Budget Eric Woerth a vivement réagi à l’éventualité d’une délocalisation par Renault. De fait, si le groupe se décide à produire sa future Clio IV en Turquie, plutôt que dans les Yvelines, le gouvernement pourra se sentir légitimement floué : l’Etat, actionnaire à 15% de Renault, a "placé 250 millions d’euros à Flins pour mettre en route une chaîne de production de batteries pour véhicule électrique", comme l’a rappelé mardi Christian Estrosi. Sans compter le prêt de 6 milliards d’euros consenti à Renault et PSA en février dernier, ou encore les quelque 400 millions d’euros versés pour la prime à la casse… Les conseils régionaux peuvent méditer l’incident. Car l’Etat n’est pas seul à secourir ainsi l’industrie automobile : lundi, encore, la région Lorraine a officialisé à Hambach (Moselle) un soutien de 900.000 euros à Smart France pour qu’y soit produite, en grande série, sa Fortwo électrique. Avec une promesse : "Cette aide contribuera au maintien et à la création de 134 emplois sur le site..."

Convention

Jean-Yves Le Déaut, vice-président de la région délégué au Développement économique, ne doute pourtant pas de l’utilité de sa subvention. "Nous sommes dans une relation de confiance avec le groupe Daimler, et de toute façon notre versement est conditionné au démarrage effectif des investissements", explique le député socialiste. Et si jamais les promesses d’emplois n’étaient pas tenues ? "La convention signée les mentionne… On se retournerait alors contre le groupe !"
Quant à la région Nord-Pas-de-Calais, de manière générale, elle subventionne les entreprises avec la plus grande prudence : "Le décaissement effectif se fait au fur et à mesure de la réalisation des investissements et de la création d'emplois sur le site", explique-t-on à Lille. "La région Nord-Pas-de-Calais vérifie que les emplois et les investissements sont bien maintenus cinq ans après la fin de réalisation du programme. Dans le cas contraire, l'entreprise est tenue de rembourser l'aide perçue."
De même, si la région Haute-Normandie a voté une aide régionale à l’emploi pour le site de Sandouville de Renault, elle ne l’a finalement jamais versée : les embauches promises par Renault ne s'étaient pas concrétisées… Quant à l’aide de 12 millions d’euros à Renault, votée en 2009 pour que son futur moteur diesel soit fabriqué à Cléon (Seine-Maritime), la région a décidé d’en faire une avance, remboursable à taux zéro - plutôt qu’une subvention.
La région Ile-de-France, enfin, a adopté en juin un programme de développement sur trois ans de la filière automobile francilienne, d’un montant de plus de 1,5 million d’euros. Mais ce soutien, mis en œuvre par le pôle de compétitivité Mov’eo, vise "d’abord les innovations des PME, en rapport avec la voiture propre, plutôt que les gadgets marketing des grands groupes", explique Marie-Claire Champoux, élue socialiste à la Commission du développement économique et de l’emploi. En juin dernier, lors des débats au conseil régional, elle avait d’ailleurs opposé ce plan aux prêts du gouvernement : "PSA et Renault ont reçu du gouvernement un chèque de 6 milliards d’euros, en échange de la promesse de ne pas licencier tout de suite… Peut-être un peu plus tard ? Quelques miettes sont allées aux équipementiers, pratiquement rien aux sous-traitants de rang inférieur." A en croire les régions, pour l’heure, leurs subventions à l’industrie automobile tiennent la route…
Olivier Bonnin