Aides d'Etat - Le Pacte automobile est-il euro-compatible ?

Luc Chatel presse les préfets de mettre en oeuvre le Pacte automobile en région alors que Bruxelles doit examiner la légalité de ce plan au regard du droit européen.

Le gouvernement veut aller vite. Des milliers d'emplois en dépendent. Le secrétaire d'Etat à l'Industrie a reçu les préfets de région, lundi soir, pour leur donner des instructions sur la mise en oeuvre du Pacte automobile. Ce pacte, rendu public le 9 février par Nicolas Sarkozy, repose sur un prêt exceptionnel de 6,5 milliards d'euros destinés à financer des programmes de développement de véhicules plus propres, en contrepartie de quoi, Renault et PSA Citroën s'engagent à maintenir leurs sites de production en France. Le secrétaire d'Etat a demandé aux préfets "de mobiliser l'ensemble de leurs services pour appliquer au plus vite les mesures du Pacte automobile en région". Par ailleurs, des coordonnateurs régionaux, au contact des entreprises, seront désignés au sein des directions régionales en charge de l'industrie (Drire et Direcct). Ils seront amenés à travailler en partenariat avec les conseils régionaux puisque des conventions ont été signées avec eux.
A côté des prêts participatifs, le plan prévoit  des aides aux établissements financiers des constructeurs, un soutien accru aux sous-traitants, l'augmentation de l'indemnisation du chômage partiel, une réduction des délais de paiement. Reste à savoir si toutes ces mesures sont en accord avec les règles européennes très strictes en matière aides d'Etat. Puisque ces dernières ne sont qu'une exception au principe de libre concurrence.

 

Protectionnisme ?

Paris devait transmettre à Bruxelles son argumentaire aujourd'hui mais rien n'est moins sûr quant au sort qui pourrait lui être réservé. En visite à Bruxelles, le 12 février, le Premier ministre, François Fillon, s'est dit confiant à l'issue d'un entretien avec José-Manuel Barroso. "Les mesures que nous venons de prendre sont des mesures qui s'inscrivent parfaitement dans le cadre des traités", a-t-il déclaré, se défendant de tout "protectionnisme". Mais la Commission a fait savoir de son côté qu'elle serait amenée à examiner "si les aides ne sont pas susceptibles d'avoir des effets collatéraux négatifs sur d'autres pays membres". Elle se montre bien peu réceptive à l'argument selon lequel les aides bénéficieront à tous les pays dans lesquels les constructeurs français sont implantés. Plusieurs points devraient attirer l'attention de services de la Commission : les entraves à la concurrence chez les entreprises du secteur, la "clause de nationalité" qui conditionne les aides en termes d'emploi et le niveau des taux accordés. Autre sujet qui peut jouer contre Paris : l'absence de notification préalable à Bruxelles. Or il y a déjà eu un précédent, l'an dernier, avec le plan Pêche de la France. Annoncé en janvier dernier à la suite d'un mouvement des marins-pêcheurs qui bloquaient les ports français, ce plan de 310 millions était destiné à compenser la hausse du prix du carburant. Il avait dans un premier temps été retoqué par la Commission qui avait fini par donner son feu vert en octobre dernier après avoir obligé la France à revoir sa copie.

Effet en chaîne

Avec la crise, le contexte est bien différent aujourd'hui mais le climat est tendu, depuis que dans son intervention télévisée du 5 février, Nicolas Sarkozy a fustigé les délocalisations des constructeurs automobiles notamment en République tchèque. Propos qui avaient été aussitôt taxés de "protectionnisme" de la part des autorités tchèques. Un conseil européen extraordinaire organisé sous présidence tchèque le 1er mars prochain à Bruxelles sera l'occasion pour les Etats membres d'accorder leurs violons. D'autres pays comme l'Italie et l'Espagne viennent d'annoncer des mesures similaires à la France. Même l'Allemagne, jusqu'ici rétive à toute forme d'intervention, pourrait s'y résigner. C'est ce que la Commission craint le plus : un effet en chaîne. La commissaire à la Concurrence, Neelie Kroes, s'est montrée intraitable mardi : "La réponse que vous obtiendrez toujours de moi, c'est : nous disons non au protectionnisme." Pourtant, la Commission elle-même a apporté beaucoup d'assouplissements à l'utilisation des subventions aux entreprises dans le cadre de son plan de relance. Elle ainsi récemment autorisé deux régimes temporaires français : l'un permettant d'accorder des aides à taux d'intérêt réduits, l'autre autorisant des aides pour la production de produits verts. Or c'est bien le sens du Pacte automobile qui entend promouvoir la construction de véhicules propres. Par ailleurs, la Commission a prévu de réorienter les aides prévues dans le cadre des fonds structurels au bénéfice de la production immédiate (et non à l'innovation comme le prévoient les objectifs de Lisbonne). Elle devrait d'ailleurs présenter son propre "mode d'emploi" pour le secteur automobile, le 5 mars prochain.

Michel Tendil