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SNCF : Jean-Pierre Farandou fixe le cap pour 2021

Pertes record et redressement, concurrence et avenir des petites lignes, coordination territoriale et volonté de décentralisation. Le 2 décembre, au fil de deux auditions marathon devant les députés puis les sénateurs, le PDG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, confirmé dans ses fonctions par les deux assemblées, a détaillé son ambition pour continuer à "garantir un service ferroviaire de haute qualité qui doit repartir à la conquête de sa clientèle".

Les commissions de l'aménagement du territoire et du développement durable de l'Assemblée nationale et du Sénat ont entendu ce 2 décembre le PDG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, pour valider sa nomination, ce qu'elles ont fait à l'unanimité des votes exprimés. Belle histoire pour cet homme qui a fait toute sa carrière dans cette entreprise "que tout le monde croit connaître de l’extérieur mais qui n’est pas si connue que cela", débutant il y a quarante ans comme chef de gare à Rodez avant de prendre la tête en 2012 de Keolis puis de la SNCF, pour une première année d’exercice "pour le moins particulière". 

Combler les déficits 

L'année 2020 se terminera avec une perte importante, dont les ordres de grandeur fournis donnent le tournis : 5 milliards d'euros. "Moins 2,5 milliards au premier semestre", et un second que le dirigeant espérait "moins mauvais" mais qui sera certainement du même niveau. L’équilibre du pacte ferroviaire de 2018 est frappé de plein fouet. Ce qui conduit le groupe devenu, depuis janvier dernier, une société anonyme à capitaux publics (en application de la réforme ferroviaire de 2018), à revoir l’ensemble de son modèle : "C’est là un devoir qui anime l’équipe dirigeante et un débat national qu’on ne doit pas craindre, la soutenabilité politique du ferroviaire est à réinterroger." L’objectif d'équilibre financier pour 2022 (2024 pour SNCF Réseau) n'est pour autant pas abandonné mais nécessitera des cessions pour combler les déficits. Si des mises en vente sont prévues (celle du loueur de wagons Ermewa, estimée à 2,5 milliards d'euros), pas question de céder les joyaux et filiales Keolis et Geodis, "notre dernier grand logisticien de rang mondial, sous contrôle public et qui est allé chercher des masques en mars quand on était en difficulté".

 

Coller aux nouveaux besoins

Clef du redressement, le retour du TGV dont la fréquentation a chuté et sur lequel le dirigeant veut mettre le paquet pour "reconquérir une clientèle loisirs et seniors, en changeant de logiciel tarifaire pour retrouver des prix accessibles, même quand on s’y prend au dernier moment". Il dit aussi réfléchir à un prix psychologique maximum, "il faut casser l’image d’un train cher". Et coller aux besoins des usagers partis s’installer dans une ville moyenne, "à Chartres ou à Tours", qui se déplaceront en métropole une à deux fois par semaine pour du présentiel. Dans les gares aussi, des lieux de télétravail restent à perfectionner. 

Le PDG de la SNCF est aussi revenu sur le retard pris dans la signature – "mais mieux vaut bien les travailler que de se précipiter" – des contrats liant pour dix ans l'État au groupe. "Ils sont déterminants car tout part du réseau, l’ambition de service en découlera et de grandes lignes de force, confirmées par le plan de relance, sont déjà claires, avec la poursuite d’un effort tenace de régénération du réseau français, en moyenne deux fois plus vieux que le réseau allemand."

 

Coordination territoriale

Le groupe fait en outre le pari d’une décentralisation avec un pouvoir accru donné aux chefs d’établissements pour adapter, avec leur propre projet et non plus seulement budget, les objectifs en fonction des circonstances. "L’idée est de mieux travailler avec les collectivités dans leurs différents niveaux. Pas qu’avec les régions, mais aussi en prise avec la richesse des communes." Des coordinateurs par région, une fonction souvent assumée par les responsables TER, vont constituer un guichet unique pour les élus "afin de répondre aux inquiétudes exprimées" : "Ces coordinateurs veilleront à ce que tout le monde soit à bord quand il y a un problème, je m’impliquerai personnellement pour que l’animation territoriale fonctionne." 

 

Train de la concurrence

Concernant l’avenir des petites lignes ferroviaires, Jean-Pierre Farandou espère voir poindre une phase de "clarification". Leur salut passe par la capacité de discussion Etat-régions. Le contrat attendu entre l’État et la filiale Réseau représentant, pour sa part, le cadre institutionnel "pour aller jusqu’au bout du processus". L’article 172 de la loi d'orientation des mobilités (LOM) ouvre la voie à des transferts de gestion de certaines petites lignes au profit des régions qui en feraient la demande. La région Grand Est s’en est emparée : "Pour rester dans l’esprit de la loi, un nombre limité de lignes sera je crois concerné, dans une logique de concession. L’idée n’est pas d’aller vers un transfert massif." 

Du côté des Intercités, l'aiguillon de la concurrence, la volonté ravivée de "perdre le moins de parts de marché possibles" font dire au dirigeant que le groupe "ne sera plus suivi mais choisi par les régions, du moins c’est dans cet état d’esprit que nous travaillons". Sur l'appel d'offres TET Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon, la SNCF a été la seule à répondre. Elle dément toute obstruction faite à la concurrence et espère que l’État ne le déclarera pas infructueux, qu’il ira "jusqu’au bout de cette procédure durant laquelle toutes les données et informations ont été communiquées".