Sites industriels de demain : les outils méthodologiques proposés par l'ANCT

L'accès au foncier constitue l'un des grands enjeux du futur projet de loi Industrie verte soumis à consultation publique le 3 avril. A cet égard, le rapport final de la "Fabrique prospective" sur les sites industriels de demain, récemment publié par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), livre de précieux conseils aux collectivités pour mieux gérer le foncier industriel. Il préconise notamment l'élaboration d'un schéma stratégique de développement des sites industriels à l'échelle intercommunale.

Les premiers enseignements avaient été communiqués en octobre 2022 (voir notre article du 25 octobre 2022). Les résultats finaux de la "Fabrique prospective" concernant les sites industriels de demain ont été publiés le 8 mars 2023 par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Cette fabrique, cofinancée par l'ANCT et la Banque des Territoires, a accompagné les élus et acteurs locaux de huit intercommunalités incluses dans un territoire d'industrie* jusqu'à une feuille de route. 

L'un des principaux enjeux soulignés par le rapport est sans surprise le foncier. "La seule stratégie mise en œuvre par les intercommunalités accompagnées consistait à anticiper les besoins fonciers des entreprises installées sur leur territoire par la mise en place de réserves foncières, signale le document, néanmoins, ces réserves ne sont pas toujours mobilisées par les entreprises ou du moins sont sous-utilisées pendant plusieurs années". Elles pointent aussi du doigt la difficulté d'utiliser le foncier existant par la requalification d'une friche ou le réaménagement d'un site à cause de la technicité des opérations nécessaires et de leur coût. Le plus souvent, les collectivités préfèrent avoir recours au redéploiement de sites sur des terrains non artificialisés et à des bâtis neufs ex-nihilo, impliquant une consommation foncière extensive.

L'articulation des échelles indispensable

Autre problème identifié : le zéro artificialisation nette (ZAN) qui crée un risque de spéculation, certaines intercommunalités et entreprises étant tentées d'acheter par anticipation des terrains disponibles au lieu d'envisager la densification de certaines parcelles ou la requalification de friches. Et l'absence de taxe spécifique sur les friches non occupées ou dégradées n'encourage pas les propriétaires des lieux à les entretenir. Le document propose par exemple de créer une taxe sur le bâti industriel vacant.

Le sujet du foncier fait partie des grands axes de travail autour du projet de loi Industrie verte dont les orientations ont été dévoilées le 3 avril (Localtis y reviendra), avant le lancement d'une consultation publique. Parallèlement à ce texte qui sera examiné à l'été, une mission vient d'être confiée au préfet Rollon Mouchel-Blaisot pour recenser et mobiliser tout le foncier disponible à l'échelle des intercommunalités (voir notre article du 9 mars 2023).

La fabrique considère que l'articulation entre les différentes échelles de collectivités est indispensable : la commune, pour ses compétences en matière d'urbanisme, d'aménagement urbain, et de permis de construire, l'intercommunalité, pour le développement économique et l'aménagement, l'entretien et la gestion des zones industrielles, et la région, pour l'aménagement et le développement économique. "L'aménagement et la gestion des sites industriels sont nécessairement concernés par les champs de compétences de ces différentes échelles, souvent interdépendantes, indique le document, or, la multiplicité des acteurs et de leurs objectifs complexifie la définition d'une stratégie et la coordination des actions menées sur une zone".

Des schémas stratégiques de développement à l'échelle intercommunale

Le rapport met aussi en avant la nécessaire implication territoriale des entreprises d'un même site. Pour le moment, elle prend diverses formes : adhésion à une association de zone, mutualisation ou collaboration inter-entreprise, participation financière pour proposer une offre de service commune… mais elle "est très variable", estiment les auteurs qui constatent que les entreprises sont parfois peu ancrées dans leur zone et dans leur territoire.

En matière de solutions, la fabrique estime qu'il faut aider les intercommunalités à élaborer un schéma stratégique de développement des sites industriels à leur échelle, pour prendre en compte, dans le cadre de l'aménagement et de la commercialisation d'un site industriel de demain, toutes les spécificités, économiques, foncières, territoriales des autres sites industriels du territoire.

https://www.banquedesterritoires.fr/territoires-dindustrie

La Banque des Territoires engagée dans la relocalisation industrielle

Des solutions d'accompagnement des projets territoriaux.

Ces schémas reposeraient sur deux principes : localiser prioritairement les activités économiques et industrielles non nuisibles à proximité du tissu urbain et requalifier les zones industrielles vieillissantes pour accueillir des activités présentant des risques ou des nuisances en dehors des zones urbaines.

Des outils méthodologiques pour aider les aménageurs

Le document propose enfin trois outils pour aider les collectivités et les industriels à concevoir, aménager et gérer un site industriel de demain. Le premier, le portrait-robot du site industriel idéal, avait déjà été développé dans le premier rapport d'étape (voir notre article du 25 octobre 2022). Il devra être "intégré" dans son environnement, "connecté", "plus mixte", "agréable et attractif", "optimisé", "bas carbone", "réversible", "circulaire", "collaboratif" et "visible". Exemple de site réversible répondant aux enjeux de sobriété foncière : l’entreprise Ledger, située sur le parc technologique de Sologne, a mis au point un bâtiment industriel modulable anticipant son agrandissement futur en permettant la transformation de l’espace de stockage en bureaux. Le deuxième outil consiste en un diagramme de qualification des besoins d'ingénierie. Il s'agit de définir les dix caractéristiques du site industriel de demain et de les classer selon leur complexité et les capacités des intercommunalités à les mettre en œuvre. Enfin, dernier outil : la "check-list" de l'aménageur, consistant à l'ensemble des questions que l'aménageur doit se poser avant l'aménagement ou la requalification d'un site industriel. Exemples : a-t-on établi un cahier des charges intégrant les enjeux de réversibilité ? Le site est-il accessible en transports en commun ? Des équipements sont-ils mutualisables entre entreprises sur le site ?

* Communauté d’agglomération du Gard Rhodanien, Lannion-Trégor communauté, communauté d’agglomération Melun Val de Seine, communauté d’agglomération du Niortais, communauté de communes du Pays du Coquelicot, la communauté d'agglomération Provence-Alpes, communauté de communes Vie et Boulogne, communauté de communes de Vierzon Sologne Berry.