Sites et sols pollués : la nouvelle typologie des usages entre en piste
L’application, au 1er janvier 2023, d’une typologie précise des usages dans la gestion des sites et sols pollués, prévue au terme d’un décret de la loi Climat et Résilience, devrait faciliter le travail de contrôle et de prescription de l’administration, tout en clarifiant le référentiel pour les maîtres d’ouvrage. C'est un enjeu de taille pour l’aménagement durable des territoires dans le contexte de maîtrise de l’artificialisation des sols.
Le décret définissant une typologie d’usages pour la gestion des sites et sols pollués - pris en application de l’article 223 de la loi Climat et Résilience - est paru le 20 décembre 2022, pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2023. Hormis un guide élaboré par l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) en 2021 répertoriant les différentes typologies d’usages, il n’existait jusqu’ici aucune définition claire sur laquelle s’appuyer, et ce malgré le principe de gestion du risque par l’usage, qui sous-tend la doctrine française en matière de sites et sols pollués. Ce flou pouvait être "source d’insécurité juridique et d’hétérogénéité de traitement des dossiers", souligne le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.
S’inspirant de la proposition de loi issue des travaux de la commission d’enquête sénatoriale sur la pollution des sols, la loi Climat et Résilience a introduit dans un nouvel article L.556-1.-A.-I du code de l’environnement une définition de la notion d'"usage" en matière de sites et sols pollués, "comme la fonction ou la ou les activités ayant cours ou envisagées pour un terrain ou un ensemble de terrains donnés, le sol de ces terrains ou les constructions et installations qui y sont implantées".
Le décret d’application répond ainsi au double objectif d’encadrer la détermination du ou des usages futurs du site lors des cessations d’activité des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), s’agissant d’un élément central notamment, pour le dimensionnement du plan de gestion et éventuellement des objectifs de réhabilitation, et d’être en capacité de caractériser un changement d’usage.
Classification par grands scénarios d’exposition
Au-delà des usages usuellement rencontrés (industriel, bureaux, résidentiel, agricole, etc.), le décret introduit (nouvel article R. 556-1.-A) un "usage d'accueil de populations sensibles" pour encadrer certains scénarios d’exposition des populations sensibles (enfants, établissements de santé...) et un "usage de renaturation" pour faciliter les scénarios de désartificialisation et de promotion des fonctions écosystémiques des sols, notamment des opérations de désimperméabilisation. La catégorie "autres usages" - à préciser "au cas par cas" - permettra de parer tout oubli éventuel. Par rapport au projet de décret mis en consultation (voir notre article du 22 avril 2022), le texte ajoute un complément : "lorsque plusieurs usages sont envisagés sur un même site, un zonage détaille leur répartition géographique", précise-t-il.
De nouveaux articles ont par ailleurs été créés afin que cette typologie des usages s’applique également aux usages futurs envisagés pour les ICPE soumises au régime de déclaration et dans les dossiers de demande d’autorisation ou d’enregistrement. Concernant le dispositif dit du "tiers demandeur", qui permet de transférer à un tiers la responsabilité de la remise en état d'un site (R. 512-76) pour la détermination du ou des usages futurs, la typologie d’usages devra de même être utilisée.
Cerner les différentes configurations de changement d’usage
C’est l’autre objectif du texte : sécuriser le changement d’usage au sens de l’article L. 556-1 du code de l’environnement, tel qu’il résulte de la loi Alur, qui a notamment créé des obligations nouvelles sur un terrain ayant accueilli une ancienne ICPE régulièrement réhabilitée. Pour rappel, dans un tel cas, le maître d’ouvrage à l’initiative du changement d’usage doit définir des mesures de gestion de la pollution des sols pour assurer la compatibilité entre l'usage futur et l'état des sols et faire attester de leur mise en œuvre par un bureau certifié. Sur un terrain répertorié dans un secteur d'information sur les sols (SIS), il appartient également au maître d’ouvrage de fournir dans le dossier de demande de permis de construire ou d’aménager une attestation garantissant la réalisation d’une étude des sols et de sa prise en compte dans la conception du projet de construction ou de lotissement.
Au sein d’un nouvel article R.556-1.-B définissant le changement d’usage, plusieurs configurations sont ainsi distinguées : le nouvel usage du projet est différent de l’antérieur ; plusieurs nouveaux usages sont projetés et au moins l’un d’eux est différent de l’usage antérieur ; le nouvel usage est identique à l’usage antérieur, mais entraîne une modification du schéma conceptuel utilisé pour définir les objectifs de réhabilitation du site ; le nouvel usage projeté et l’usage antérieur correspondent tous deux à la catégorie "autres usages", mais sont différents.
Enfin, dès lors que l’un des nouveaux usages projetés est un "usage d'accueil de populations sensibles", le décret (modification des articles R. 556-1 et R. 566-2) impose au maître d’ouvrage la transmission des attestations "Alur" à l’agence régionale de santé et, selon les cas, à l’inspection des installations classées, et ce dans un délai de 15 jours après réception par le maître d’ouvrage et au plus tard le jour du dépôt de la demande de permis de construire ou d'aménager ou de la déclaration préalable.
Le guide technique de l’Ineris devrait être actualisé prochainement. Il aura notamment pour vocation d’aborder l’articulation des usages au sens des sites et sols pollués et les destinations et sous-destinations du code de l’urbanisme.
Référence : décret n° 2022-1588 du 19 décembre 2022 relatif à la définition des types d'usages dans la gestion des sites et sols pollués, JO du 20 décembre 2022, texte n° 16. |