Fonds structurels - Simplification du FSE - le baptême du feu

Alors que les dossiers du fonds social européen sont un véritable casse-tête pour les porteurs de projets, la nouvelle programmation est placée sous le signe de la simplification et de la performance. Pour marquer le lancement de cette programmation 2014-2020, deux journées de séminaire à Paris ont permis aux professionnels et aux régions de se familiariser avec les nouveaux outils.

La nouvelle programmation du fonds social européen (FSE) "n'arrive pas trop tôt" car la situation sur le front de l'emploi est "dramatique". C'est ce qu'a reconnu la Belge Marianne Thyssen, nouvelle commissaire au Travail, aux Affaires sociales, aux Compétences et à la Mobilité professionnelle, lundi 1er décembre, pour le lancement officiel de ce fonds en France. Un séminaire de deux jours organisé au "104" à Paris, qui a permis aux professionnels de se familiariser avec les nouveautés de cette programmation.
"Depuis la crise de 2008, le taux d'emploi recule, le chômage est au niveau le plus élevé depuis vingt ans...", a encore souligné Marianne Thyssen, appelant à "poursuivre et intensifier [les] efforts". Et de rappeler les objectifs de l'Union européenne : parvenir à un taux d'emploi des 20-64 ans de 75% (soit 6 points de plus qu'aujourd'hui) ou encore de réduire de 20 millions le nombre de personnes menacées ou touchées par la pauvreté...
Avec 6 milliards d'euros de FSE pour la période 2014-2020 (sur un total de 81 milliards d'euros au niveau européen), la France est "l'un des six Etat membres qui bénéficient le plus de cette aide", a encore indiqué la commissaire.

"Faire valoir une approche sociale" de l'Europe

Le programme opérationnel français, doté de 2,9 milliards d'euros a été validé par la Commission, le 10 octobre dernier. S'ajoutent à cette sommes 2,9 milliards d'euros répartis entre les régions et l'Outre-Mer, sachant que pour la première fois, une grosse partie du fonds (35%, soit 2 milliards d'euros environ) sera gérée directement en région. Par ailleurs, 310 millions seront consacrés à l'Initiative pour l'emploi des jeunes qui fait l'objet d'un programme opérationnel spécifique. En somme, relèveront essentiellement de l'Etat la lutte contre la pauvreté et l'exclusion (en partenariat avec les collectivités, notamment les départements), l'anticipation des mutations, la lutte contre le décrochage (en partenariat avec les régions)... Les régions, elles, géreront surtout le volet formation des chômeurs. "Le PO national a été nourri par les programmes régionaux négociés en même temps", a tenu à préciser Marianne Thyssen.
Pour le ministre du Travail François Rebsamen, qui a ouvert ces deux journées, l'un des enjeux du FSE est de montrer qu'il y a "une autre Europe", de "faire valoir une approche sociale de la construction européenne". Le ministre a loué les résultats de la précédente programmation 2007-2013 au cours de laquelle "près de 65.000 dossiers" ont été traités, représentant 12.000 porteurs de projets touchant 5 millions de bénéficiaires. "63% de participants ont connu une sortie positive (emploi, création d'activité ou formation)", a déclaré le ministre.
Jean-Claude Gayssot, vice-président de la région Languedoc-Roussillon, représentant l'Association des régions de France (ARF), a loué pour sa part la décentralisation "qui rapproche des décisions". "C'est avec cette gouvernance multiniveaux - Etat, Commission, collectivités territoriales – que nous pourrons faire avancer le schmilblick, et vite parce que ça urge", a-t-il déclaré. L'ancien ministre a également salué le plan Juncker de 315 millions d'euros : "Il faut de la croissance, s'il n'y a pas de croissance, on ne pourra pas, avec notre FSE, créer de l'emploi."

Simplification

L'un des enjeux de la nouvelle programmation sera justement de mieux mesurer la "performance". Une politique de résultats en somme : à chaque investissement doit correspondre un objectif. Une batterie d'indicateurs doivent permettre de mesurer les progrès accomplis. De ces résultats dépendra l'attribution en 2018 d'une "réserve de performance" correspondant à 6% de l'enveloppe nationale.
Du côté des professionnels (mais aussi des autorités de gestion), la nouvelle programmation devrait être synonyme de "simplification", en particulier en ce qui concerne la justification de la dépense. Elle se traduira aussi par la dématérialisation de l'ensemble des démarches (voir encadré ci-dessous). Car l'un des principaux griefs à l'encontre du FSE, c'est sa complexité. "Le message a été entendu par la Commission européenne", a assuré, lors d'un atelier, Elsa Kmiecik, de la DG Emploi. Cet effort s'est traduit dans les nouveaux règlements FSE par la généralisation des "options de coûts simplifiés" en matière de remboursement. "Les options de coûts simplifiés permettent de réduire la charge administrative, le taux d'erreurs et de se concentrer sur les résultats", a insisté la représentante de la Commission. La boîte à outils comporte trois instruments : le "financement à taux forfaitaire", le "barème standard des coûts unitaires" et les "montants forfaitaires". Dans les trois cas, au lieu de calculer les coûts réels au centime près, on retient un forfait.

Trois outils

S'agissant du financement à taux forfaitaire, alors que la majeure partie des coûts d'une formation concernent les dépenses de personnel, la mesure consiste à ne plus avoir à justifier toutes les dépenses indirectes (équipements, frais postaux, fournitures…), source de beaucoup de paperasse. A la place, on leur applique un taux forfaitaire de 40% des dépenses directes. Ainsi une formation estimée à 4.500 euros en frais de personnels sera remboursée à hauteur de 6.300 euros (4.500 + 1.800 euros).
Autre option : le barème standard des coûts unitaires. Ici, la subvention dépend des réalisations, c'est-à-dire, pour le cas d'une formation, du nombre de personnes formées effectivement.
Enfin, troisième option : les montants forfaitaires. On calcule un forfait correspondant à une formation complète, comme par exemple la tenue d'un séminaire. Il ne sera remboursé (dans la limite de 100.000 euros) que s'il a bien eu lieu, sans possibilité de remboursement partiel comme dans le cas précédent.
Jusqu'à présent, les résultats de ces pratiques "ont été excellents", a assuré Elsa Kmiecik. Selon elle, pour la troisième année consécutive, "ils n'ont été entachés d'aucune erreur".
Mais chaque outil est à utiliser en fonction du secteur et de la situation. Par exemple, selon Corinne Vaillant, sous-directrice du FSE à la DGEFP, la règle des 40% ne convient pas au secteur de l'IAE (insertion par l'activité économique). L'idée serait donc de lui appliquer celle du barème des coûts unitaires. Une étude sera lancée courant 2015 afin de calculer le coût d'un salarié en insertion. "On pourra appliquer une certaine rétroactivité", a déclaré Corinne Vaillant.
La mise en place de ces outils devrait "réduire considérablement la charge administrative pour les porteurs de projets", a encore appuyé Marianne Thyssen, qui s'est engagée à "assurer une mise en oeuvre de ce programme rapide et efficace".

Michel Tendil

La gestion dématérialisée du FSE, autre outil de simplification?

Expérimentée lors de la période 2007-2013, la dématérialisation de la gestion du fonds social européen (FSE) est généralisée pour la programmation 2014-2020.
Pour bénéficier d'un financement dans le cadre du programme opérationnel national (PON) (emploi, inclusion), les porteurs de projet sont tenus de déposer leur demande sur le site dédié : ma-démarche-fse. L'instruction des dossiers par les autorités de gestion nationales (la mission "gestion du volet central" à la DGEFP pour les projets nationaux, les Direccte pour les projets en région) et les organismes intermédiaires, ainsi que les échanges d'information avec les porteurs de projet passeront désormais systématiquement par cette interface.
Le 1er décembre 2014 à Paris, à l'occasion du lancement du PON FSE 2014-2020, une session d'information animée par la DGEFP était dédiée au parcours du dossier de demande de subvention et aux nouvelles fonctionnalités du site ma-démarche-fse. Les étapes de la demande, détaillées dans un manuel du porteur de projet qui sera mis à jour régulièrement, correspondent à l'administration de l'organisme (et, notamment, son Siret), la création puis la saisie de la demande (description de l'opération, plan de financement, outils de suivi, etc.). Selon la DGEFP, les demandes déjà effectuées sur papier et faisant l'objet d'un refus doivent elles-aussi être saisies électroniquement. En outre, le site internet devant être finalisés (ouverture de nouveaux modules, résolution de certains bugs…), certaines démarches seront toujours, en attendant, réalisées sur des formulaires papier.
Parmi ses "obligations", le porteur de projet doit procéder au suivi des participants, en renseignant des données à l'entrée et à la sortie du dispositif financé. C'est sur la base de ces informations que l'atteinte des objectifs – ouvrant droit à la "réserve de performance" - pourra être contrôlée. Sur les indicateurs, un guide relatif au PON FSE 2014-2020 mais aussi au PON Initiative pour l'emploi des jeunes (IEJ) 2014-2015, également amené à évoluer, est mis à disposition.

Un gain de temps pour l'Etat... et peut-être, plus tard, pour les régions
Selon un gestionnaire assistant à l'atelier, déjà utilisateur de la plateforme lors de la précédente programmation, le site est source de simplification dans la mesure où il oblige le porteur de projet à avoir dès le départ une vision globale de sa demande ; l'outil, peut-être du fait d'une certaine rigidité, permettrait de faire gagner du temps au cours de l'instruction. En outre, ce gestionnaire estime qu'il est pour lui plus facile d'apporter une aide – téléphonique notamment - au porteur de projet, puisque chacun a accès aux mêmes informations devant son écran.
Concernant les demandes s'inscrivant dans les programmes opérationnels (PO) régionaux (formation professionnelle, apprentissage, orientation), elles passeront par des sites internet spécifiques aux régions, ces dernières n'ayant pas souhaité s'associer à la plateforme ma-démarche-fse, d'après la DGEFP. Selon l'Association des régions de France, au 12 novembre 2014, cinq régions ont eu leur PO validé par la Commission européenne : le Languedoc-Roussillon, l'Aquitaine, l'Auvergne, la Franche-Comté et Rhône-Alpes. Ces dernières ne semblent pas toutes également équipées pour les demandes d'aides dématérialisées ; ainsi, alors qu'en Aquitaine, la plateforme Aquitaide est assortie d'une notice d'utilisation, de tels outils ne sont pas encore disponibles en Auvergne.
Caroline Megglé