Aménagement numérique - SFR jette l'éponge face aux collectivités, des défiances perdurent

Au Groupe d'échange entre l'Arcep, les collectivités territoriales et les opérateurs (Graco) du mardi 12 décembre, les acteurs de l'aménagement numérique ont placé leurs derniers pions avant l'annonce prévue de la feuille de route gouvernementale pour le plan France THD par Edouard Philippe le 14 décembre. Le 11 décembre, l'Arcep a confirmé qu'une bande de spectre pourrait être ouverte à des demandes de déploiement de réseaux 4G fixe pour la zone RIP très rapidement. Une annonce positive qui se double d'un changement de positionnement d'Altice-SFR, qui prend acte des réactions très négatives suscitées par son ambition de déployer la fibre en zone RIP et retourne à des ambitions plus mesurées.

Le Groupe d'échange entre l'Arcep, les collectivités territoriales et les opérateurs (Graco) constitue, une fois par semestre, l'arène privilégiée pour qu'opérateurs, Etat et collectivités se retrouvent autour du régulateur pour évoquer le devenir des infrastructures numériques. Un rendez-vous qui révèle les avancées du plan France THD, mais aussi parfois ses impuissances et ses malentendus. Mardi 12 décembre, Altice-SFR a choisi cette tribune pour faire part de son "changement de doctrine" en la voix de Régis Turrini, son secrétaire général rompu aux arcanes des négociations institutionnelles. L'intention du groupe de "fibrer la France" n'aura donc pas fait long feu. Face à ses difficultés financières, SFR préfère faire profil bas et prendre acte de l'inquiétude que ses intentions ont suscitée auprès des collectivités et de l'Arcep. Pour autant, ni Sébastien Soriano, président de l'Arcep, ni le sénateur Patrick Chaize, président de l'Avicca, n'ont réellement relâché la pression. Le premier a rappelé que les déploiements de fibre en doublon et le gel des déploiements restaient "des comportements qui sont inacceptables" et que le régulateur combattrait résolument. Le second a fait part de son indignation la plus vive, quand Régis Turrini a suggéré que le gouvernement pourrait reverser en zone d'initiative privée les communes des zones RIP qui ne font pas encore l'objet d'un projet de déploiement ferme de fibre optique. Gabrielle Gauthey, directrice de l'investissement et du développement local à la Caisse des Dépôts, a ajouté que l'institution de la rue de Lille et les collectivités n'apprécieraient pas des mesures prises dans des "alcôves ministérielles", loin du terrain. Si la tension était palpable, c'est que le Premier ministre, Edouard Philippe, doit annoncer jeudi matin les grandes lignes de la feuille de route du gouvernement pour l'aménagement numérique. Au vu des positions portées par chacun des acteurs, l'issue des négociations pour la refonte du plan France THD n'est pas encore totalement acquise. Et le vote au palais Bourbon, la semaine dernière, d'une nouvelle fiscalité plus lourde sur la fibre optique pour les opérateurs a fait bondir tous les opérateurs et produit un agacement sensible du côté de l'Arcep : "L'Ifer (imposition forfaitaire pour les entreprises de réseaux) est pavée de bonnes intentions", s'amuse Sébastien Soriano, qui a des raisons de craindre une baisse des investissements dans la fibre, alors que SFR et Orange affichent des ambitions plus timides. Un élément positif est, en revanche, en passe de se confirmer : les opérateurs semblent se résoudre à prendre des engagements fermes de déploiement de la fibre optique, juridiquement contraignants. Un point auquel le gouvernement tient beaucoup.

Sur la couverture mobile, le guichet France Mobile ne suffit plus

Dans ce contexte, les collectivités continuent de vouloir affirmer leur autonomie et leur capacité d'action face aux opérateurs. Sur le front de la couverture mobile, plusieurs voix se sont élevées en faveur de mesures indépendantes de la qualité de couverture. Yves Krattinger, président du département de la Haute-Saône, alarmé par la fracture numérique constatée sur son territoire, a mis en place un marché à bons de commande pour effectuer des mesures de couverture sur les axes routiers nationaux, départementaux et communaux. Le département de la Marne, représenté au Graco, va amorcer début 2018 la conception d'une application de crowdsourcing de la qualité de couverture, qui devrait être disponible d'ici la fin du premier semestre. C'est le modèle de la région Pays de la Loire et de son appli Gigalis qui a marqué les esprits ; mais aussi la conviction que le portail France Mobile, qui permet aux élus locaux de faire remonter les anomalies de couverture, n'est pas encore adapté aux besoins. "10 à 15% de nos communes ont recouru au dispositif", note-t-on du côté de la Marne, "mais il est difficile de disposer des données suffisantes pour renseigner la procédure". L'Arcep suit de près ces initiatives. D'aucuns souhaiteraient qu'elle assure la mise en place d'un tel outil au niveau national.

La 4G fixe en zone RIP est sur les rails

La veille du Graco, l'Arcep a tout de même pu apporter une embellie au plan France THD, en attendant les annonces gouvernementales. Les collectivités locales vont pouvoir demander l'attribution de fréquences sur la bande 3410-3460 MHz pour déployer des réseaux de 4G fixe, afin d'apporter le très haut débit dans les zones où la fibre optique est la plus coûteuse à installer. NomoTech, l'un des opérateurs présents sur ce segment, espère équiper ainsi 400.000 locaux. De son côté, l'Arcep, qui souhaite éviter de reproduire l'échec du WiMax, sera spécialement attentive à la qualité de service annoncée par les projets de déploiement, lors de l'instruction précédant l'attribution.