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Congrès des maires - Julien Denormandie appelle les acteurs du THD à "se faire mal" pour atteindre les objectifs gouvernementaux

"Si rien ne change, les objectifs fixés par le président de la République ne seront pas atteints." Des sacrifices sont encore à consentir pour enfin satisfaire les Français sur la qualité de la couverture numérique du territoire : c'est le message que le secrétaire d'Etat à la Cohésion des territoires, Julien Denormandie, a voulu faire passer aux maires et aux opérateurs lors de son intervention au Congrès des maires, mercredi 22 novembre au matin, sur le déploiement du très haut débit. Un ton qui atteste que les négociations avec les principaux protagonistes du déploiement de la 4G et de la fibre optique ne sont pas encore bouclées pour l'Etat. Soutien régulier des réseaux d'initiative publique, Julien Denormandie partage l'esprit des propositions législatives de l'Avicca pour sécuriser leurs investissements, sans garantir qu'elles seront reprises telles quelles dans leur forme actuelle.

Du ressenti des élus du bloc communal, c'est la couverture mobile qui représente le mieux les grandes inégalités qui perdurent sur le territoire en matière de connectivité numérique. Quand Julien Denormandie, ainsi que les quatre principaux opérateurs (Orange, Bouygues, SFR et Free) se présentent devant eux, ce sont l'absurdité de la définition des zones blanches, les désirs d'avoir une couverture plus homogène d'un opérateur à l'autre, les procédures à rallonge pour la construction de nouveaux points hauts, qui sont sur toutes les lèvres.

Relâcher la contrainte des ABF sur la construction de points hauts ?

Face à ce mécontentement, chacun a sa réponse, avec des convergences qui se dessinent. Les opérateurs dénoncent de manière toujours plus vive "l'impôt idiot" qu'est l'Ifer (imposition forfaitaire pour les entreprises de réseaux) et qui désincite à l'investissement. Patrick Chaize leur donne en partie raison, en insérant dans sa proposition de loi au Sénat (voit notre article du 17 novembre) un plafonnement de cet impôt. Julien Denormandie assure que le gouvernement travaille, avec le régulateur et les opérateurs, à une redéfinition de la qualité de couverture mobile, mais rappelle que l'essentiel se joue sur le terrain : "Dix années pour déployer un pylône, ce n'est plus possible", s'exclame le secrétaire d'Etat. Le gouvernement avait déjà annoncé que la loi Logement, en préparation pour décembre, comprendrait des mesures de simplification pour l'implantation des points hauts de téléphonie mobile. Devant les maires, Julien Denormandie est allé un peu plus loin : l'avis des architectes des bâtiments de France (ABF) pourrait ne plus prendre la forme d'un avis conforme pour ces édifices, et donc ne plus lier la décision finale d'implantation. Du côté de l'Avicca et des maires, on veut aller plus vite encore : pourquoi le pylône haut de quarante mètres représenterait-il la panacée pour résorber les zones blanches, quand des émetteurs de moindre puissance, plus faciles à installer, suffisent souvent ?

Exigence maintenue envers les opérateurs

Sur le front des réseaux de l'internet fixe, Julien Denormandie exprime de l'exigence envers tous. Pour honorer les objectifs promus par le président de la République, "il faut se faire mal". Pour les opérateurs, c'est investir beaucoup plus, de manière plus contraignante et contrôlée, et accélérer la cadence du déploiement de la fibre. Le ministre assure que les opérateurs sont de plus en plus réceptifs à ces exigences. Mais ces derniers préfèrent encore, en public, se congratuler des efforts déjà fournis. Pierre Louette, de l'état-major d'Orange, répète en guise de slogan : "le réel est résistant, les déploiements ça prend du temps". SFR se targue de rattraper l'opérateur historique, et communique sur le salon des maires à propos de partenariats signés lors de ces dernières semaines avec plusieurs collectivités éminentes : un RIP en Seine-Maritime, 55 communes à fibrer sur fonds propres dans le département du Rhône en complément d'Orange, puis les agglomérations de Cognac et Wittelheim rejoignant la part de la zone d'initiative privée échue à SFR... En somme, des annonces bien modestes face aux intentions affichées, durant l'été, de "fibrer la France" sans l'aide de quiconque. Si les opérateurs avaient encore quelque velléité de doubler et redoubler les efforts des collectivités, Julien Denormandie n'a pas fait dans l'ambiguïté : les territoires sont les seuls "donneurs d'ordre" de l'aménagement numérique, et les déploiements ne peuvent s'effectuer à leur corps défendant. Plus encore, le secrétaire d'État a tracé une ligne rouge : si les opérateurs s'aventuraient à briser l'unité de RIP régionaux en proposant à un département, plus dense que les autres, de déployer la fibre optique sans argent public, l'Etat sonnerait l'alarme. La conséquence serait de "détruire tout l'équilibre économique" d'un RIP. Alors que l'Agence du numérique et son directeur Antoine Darodes restent ouverts à une reprise de certaines communes de la zone RIP par l'initiative privée, Julien Denormandie a donc rappelé un principe clair : cela ne devra jamais se faire dans la perspective de dépouiller les RIP régionaux de leurs prises les plus rentables...

Les RIP pas encore en phase avec l'ambition présidentielle

Pour autant, de l'avis du secrétaire d'Etat, les collectivités ne sont pas non plus encore à la hauteur des ambitions du gouvernement. Un grand nombre de schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique (SDTAN), et de réseaux d'initiative publique en découlant, ne correspondent pas aux nouveaux objectifs nationaux du "bon haut débit" pour tous en 2020, et du très haut débit pour tous en 2022. Si Julien Denormandie appelle les collectivités à s'aligner, aucune solution concrète n'émerge de ses propos. Pour l'Etat, "se faire mal" semble déjà correspondre à des sacrifices substantiels sur le prix d'achat des fréquences par les opérateurs mobiles. Mais il ne semble pas encore s'agir de soutenir les collectivités vers une nouvelle phase du plan France THD, où la fibre optique viendrait prendre une place plus éminente. Le gouvernement n'est d'ailleurs pas parti pour accéder à toutes les demandes des partisans des RIP. Si "l'état d'esprit" de la proposition de loi de Patrick Chaize au Sénat est partagé, rien ne dit que le gouvernement ne se contentera pas d'en extraire quelques idées pour les joindre à la future loi logement. Le sénateur de l'Ain, quant à lui, n'a toujours pas l'assurance que son texte sera examiné rapidement à la chambre haute.