Grippe A - Services municipaux : une rentrée sous le signe de la grippe
Le spectre de la grippe A(H1N1) plane sur la rentrée. Une campagne de communication a débuté mardi 25 août sur les chaînes de télévision et sur les radios pour une durée d’un mois afin de sensibiliser les Français aux "gestes barrières". Objectif : limiter les risques de propagation alors que, selon la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, les spécialistes écartent aujourd’hui la possibilité d’une extinction naturelle et privilégient l’hypothèse d’un retour à l’automne d’un virus plus virulent après son passage dans l’hémisphère Sud. On peut estimer aujourd’hui à 3.000 le nombre de cas par semaine en France, selon un nouveau système de comptage fondé sur le nombre de consultations pour symptôme grippaux chez les médecins de ville. Inutile pour autant de passer au niveau 6 d’alerte, comme l’a fait l’OMS, a indiqué la ministre lundi. Il faudrait pour cela constater 70 cas pour 100.000 habitants. On en est à 36. Alors tout doit être mis en oeuvre pour éviter de franchir ce seuil au moment où les retours de vacances et l’ouverture des classes font craindre une recrudescence.
Des instructions ont déjà été données aux entreprises, aux hôpitaux, maisons de retraite et autres établissements médicosociaux. Ce sont à présent aux écoles et crèches de prendre les mesures adéquates. Deux plans ont été successivement présentés. Pour informer les parents d'enfants et les sensibiliser aux "gestes barrières", douze millions de dépliants seront mis en circulation dès la rentrée dans les écoles et un million dans les crèches.
Ecoles et crèches
La fermeture des classes peut-être préconisée à partir de trois élèves malades et la réouverture des classes après six jours de fermeture et nettoyage complet des locaux. "La fermeture d’une école est l’exception et non la règle", a indiqué Roselyne Bachelot, lundi. En d’autres termes, c’est au préfet de prendre la décision en accord avec les autorités sanitaires. Des cours de remplacement seront diffusés sur France 5, France Culture et par internet.
Le plan prévu pour les crèches est à peu près similaire. Celles-ci pourraient en effet jouer un rôle important à un double titre. D'une part, les enfants semblent plus particulièrement exposés au virus A(H1N1). D'autre part, une fermeture des crèches - près de 10.000 structures (crèches collectives, haltes-garderies, jardins d'enfants et établissements multi-accueil) accueillant 330.000 enfants - aurait de lourdes conséquences sur l'économie, en empêchant de nombreux parents de se rendre à leur travail, faute d'une solution alternative. Les directrices de crèches devront signaler les cas groupés (au moins trois en une semaine) et le préfet décidera alors ou non d'une fermeture, qui pourra n'être que partielle selon la configuration des lieux. Les parents seront invités à ne pas déposer leur enfant à la crèche s'il présente de la fièvre ou des symptômes grippaux. Dans ce cas, la secrétaire d'Etat à la Famille compte sur "la solidarité familiale ou amicale" pour trouver des solutions palliatives. Elle a cependant rappelé que le Code du travail permet à chaque salarié de bénéficier de trois jours annuels de congé pour enfant malade et de cinq jours lorsque celui-ci est âgé de moins d'un an.
Pour les 300.000 assistantes maternelles en activité, qui accueillent 690.000 enfants, le plan préconise de ne plus accueillir d'enfant durant au moins huit jours si l'assistante maternelle ou l'un de ses proches tombe malade. Pour pallier ces défections, Nadine Morano préconise de recourir à des solutions temporaires : faire appel aux assistantes maternelles agréées mais qui n'exercent pas (environ 100.000 personnes) ou permettre un dépassement temporaire de la capacité d'accueil autorisée par la décision d'agrément du président du conseil général (par exemple, quatre enfants au lieu de trois).
Services municipaux
Le maire de Sceaux et vice-président de l'Association des maires de France (AMF) Philippe Laurent s'est étonné sur son blog du peu de cas fait des collectivités dans ces mesures. "Pratiquement pas un mot n'est dit sur le rôle des collectivités locales dans cette affaire alors que nous sommes inondés de courriers et circulaires préfectoraux sur ce qu'il convient que nous fassions !", dénonce-t-il. Pourtant les collectivités sont concernées au premier chef. Un courrier du ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux, du 20 juillet, exhorte d’ailleurs les élus à se tenir prêts. Il leur est demandé de préparer un plan de continuité des activités (PCA) afin de "maintenir un niveau d’activité le plus élevé possible malgré un absentéisme probable important, tout en protégeant les personnes exposées". Cette obligation ne concerne toutefois pas les communes de moins de 1.600 habitants qui peuvent se contenter d'ajouter un volet pandémie grippale à leur plan de sauvegarde communal. Pour les autres, l’ensemble des mesures à prendre est consigné dans une circulaire conjointe des ministères de l'Intérieur et de la Santé parue le 10 avril 2008 (voir ci-contre).
Le plan de continuité doit assurer le maintien d’un noyau de services vitaux pour la commune : aide à domicile, ordures ménagères, service d’hygiène, distribution d’eau, police municipale, services funéraires, urbanisme mais aussi facturations et traitement des salaires. En revanche, d’autres services pourront réduire la voilure voire être suspendus et certaines activités annulées, c’est le cas des voyages scolaires et autres manifestations culturelles ou sportives. S'agissant des transports publics (métro, tramway, bus, réseaux ferroviaires), deux impératifs s'imposeraient en cas de pandémie : assurer un service minimum et protéger le personnel. Mais les risques de propagation par ce biais seraient limités. Au Japon, une simulation rapportée par le magazine Science et Vie a permis de montrer que la fermeture des trains de banlieue ne permettait de réduire que de 5% le nombre total de cas lors d’une épidémie virale. Inutile donc de changer ses habitudes de transports. Là encore, les gestes barrières sont primordiaux.
Si les préfets sont les interlocuteurs des élus, ces derniers peuvent aussi trouver des relais auprès des centres départementaux de gestion (CDG) et des associations d’élus locales.
Vaccination
La ministre de la Santé a enfin expliqué, lundi, qu’une circulaire serait adressée aux préfets pour préparer une campagne de vaccination. Elle visera "prioritairement les personnels de santé et les populations particulièrement fragiles souffrant par exemple de pneumopathie chronique ou les femmes enceintes". Aucun calendrier n’est fixé. "Les laboratoires se font une guerre de la communication, nous avons des fenêtres de livraison qui sont pour l’instant assez larges", a expliqué la ministre, précisant qu’une "campagne de cette ampleur n’a jamais été entreprise dans notre pays, ni ailleurs dans le monde".
A ce jour, dix décès ont été enregistrés en France : 2 en métropole, 5 en Nouvelle-Calédonie et 3 en Polynésie française, selon l'Institut national de veille sanitaire. Il s’agit de décès "indirects" causés chez des personnes déjà fragilisées.
Michel Tendil et Jean-Noël Escudié / PCA
Elaboration d'un plan de continuité de l'activité : ce que recommande la Cnil
En cas d'épidémie grippale de grande ampleur, les organismes publics, tout comme les organismes privés, sont invités à établir un "plan de continuité de l'activité" (PCA). Dans ce contexte, ils peuvent "être amenés à recenser, notamment, les coordonnées personnelles des salariés ainsi que le type de moyens de transport qu’ils utilisent". "Ces demandes sont légitimes, mais doivent être entourées de précautions" indique la Commission informatique et libertés (Cnil) dans une recommandation du 11 août dernier. "Cette collecte ne pose pas de difficultés particulières dès lors que les salariés sont bien informés de la finalité de ce recueil et des destinataires de ces informations", souligne-t-elle. La confidentialité des données doit être garantie, et en particulier leurs modalités de recueil et de conservation : communication des données personnelles par le salarié sur la base du volontariat, renvoi direct sous pli ou par mail à la personne désignée au sein du service des ressources humaines. "L’accès à ces données doit être exclusivement réservé aux personnes habilitées du service des ressources humaines ou à la cellule de crise constituée au sein de l’entreprise", insiste la Commission. Autre précision : "si le recueil de ces informations se limite aux coordonnées personnelles des salariés et à la seule indication des moyens de transport utilisés, il n’y a pas lieu de déclarer les fichiers ainsi constitués dès lors que l’entreprise a désigné un correspondant informatique et libertés ou a déclaré son fichier de gestion du personnel (norme simplifiée 46).
La Cnil propose également sur son site un exemple de mention d’information à faire figurer sur le formulaire de collecte.
Catherine Ficat