Archives

Services publics - Services locaux : le Sénat durcit le ton à l'égard de Bruxelles

Les sénateurs réunis en commission réclament la suspension de la série de textes européens applicables aux services publics de proximité. Les simplifications attendues ne sont pas au rendez-vous et la Commission européenne aurait selon eux tendance à s'arroger des pouvoirs qu'elle n'a pas.

La grogne monte dans les rangs des sénateurs. Le 17 novembre, la commission des affaires européennes du Sénat avait déjà énuméré ses motifs de mécontentement au sujet de la révision européenne du financement public des services locaux, consignée dans le "paquet Almunia" (réformant l'actuel "paquet Monti-Kroes").
Le 6 décembre, les élus siégeant au sein de la commission des affaires économiques ont voulu aller plus loin, réclamant purement et simplement la suspension de la réforme censée entrer en vigueur en début d'année prochaine. "Si la Commission européenne affichait au départ la volonté de simplifier l'application des règles, les textes produits en septembre 2011 ne paraissent guère atteindre ce but", regrette Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice PS et auteure d’un rapport et d’une résolution sur les services d’intérêt économique général.
Les griefs reposent sur le manque de clarté de certaines notions. Le montant de la subvention accordée doit par exemple tenir compte des revenus dégagés par l’entreprise ou l’organisme exécutant un service donné (soins de santé, garde d'enfants, formation professionnelle, etc.). Or, l’un des textes "évoque plusieurs modes de calcul du 'bénéfice raisonnable', sans définir clairement lequel doit s'appliquer". Le mois dernier, le gouvernement français avait attiré l'attention de la Commission européenne sur les lacunes de la réforme. Notre pays n'est pas isolé dans cette démarche puisqu'une douzaine de ses partenaires émettent également des réserves sur le projet porté par le commissaire Almunia.

Un commissaire européen chargé des services publics ?

Les élus estiment par ailleurs que l'exécutif européen outrepasse ses pouvoirs en s'octroyant le droit d’ordonner une réduction des subventions ou de la durée du contrat. Pour Bruxelles, il s’agit de s’assurer que les aides publiques ne génèrent pas de distorsion de concurrence. Mais aux yeux des sénateurs, "la Commission empiète clairement sur les compétences des autorités nationales et, en France, sur la libre administration des collectivités territoriales".
Rejetant la réforme avancée par la Commission, les élus continuent de plaider pour l’instauration d’une directive-cadre qui définisse un cadre plus clair en faveur des services publics d’intérêt économique général. Ces derniers ne peuvent être "traités sous le seul angle de leur conformité aux règles de concurrence", écrivent-ils. Les modalités plus techniques d’attribution des aides publiques pourraient être rassemblées dans un règlement, ouvrant la voie à un mode de révision plus démocratique avec intervention législative du parlement européen et des Etats. La méthode retenue par la Commission, qui possède une compétence exclusive en matière d’aides d’Etat, se fonde sur une simple consultation des autres institutions.
Outre les aspects juridiques, les sénateurs innovent en réclamant la création d’un nouveau portefeuille de commissaire européen chargé des services publics. Un domaine qui incombe aujourd’hui à Joaquín Almunia, commissaire espagnol chargé de la concurrence.