Santé scolaire : un rapport écarte l'option d'un transfert aux départements malgré un "pilotage défaillant"
Huit enfants sur dix n'ont jamais vu un médecin scolaire, selon un rapport présenté mi-mai par le député Robin Reda. Le document met en évidence des "besoins grandissants", des disparités importantes selon les territoires mais préconise malgré tout de maintenir la politique de santé scolaire au sein des compétences du ministère de l’Éducation nationale.
"Près de 1,3 milliard d'euros ont été alloués en 2022 à la politique de santé scolaire" qui rassemble "environ 900 médecins, près de 8.000 infirmiers, plus de 3.000 assistants sociaux et 7.000 psychologues de l’Éducation nationale." Les moyens alloués à la politique de santé scolaire sont en progression depuis 2018 et pourtant, "la politique de santé scolaire ne parvient pas à pleinement réaliser ses missions", regrette Robin Reda, député (Renaissance, Essonne), auteur d'un rapport d’information sur la médecine scolaire et la santé à l’école, présenté devant l'Assemblée nationale, en présence du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, Pap Ndiaye, le 10 mai 2023.
Ces difficultés interviennent dans un contexte où "l’importance des services de santé scolaire est renforcée sous l’effet de trois facteurs", note Robin Reda :
- "la montée en puissance de l’école inclusive, qui implique une individualisation accrue des parcours scolaires des élèves ;
- la crise sanitaire ;
- les difficultés psychiques que connaissent de plus en plus les élèves de tout âge, qui doivent être accompagnés au mieux vers les solutions existant à l’extérieur de l’école".
D'ailleurs, mardi 23 mai 2023, une marche blanche a réuni à Paris environ 350 infirmières scolaires, à l'appel des deux principaux syndicats, afin d'alerter "une énième fois" sur leur détresse et leur manque de moyens.
Manque de personnels
Dans son rapport, le député explique que ces difficultés sont liées notamment au manque de personnels : "Depuis plusieurs années, les services de santé scolaire connaissent des difficultés de recrutement marquées et pérennes. C’est particulièrement le cas pour les médecins, dont le nombre a diminué de 20% en dix ans", relève le rapport qui fournit deux explications à ce phénomène :
- la "désaffection de longue date des étudiants en santé pour les disciplines relevant de la médecine de prévention" ;
- "un niveau de rémunération trop faible par rapport à d’autres médecins fonctionnaires, et des conditions de travail qui se sont dégradées".
Vers un pilotage coordonné au niveau départemental ?
L’autre facteur expliquant les difficultés de la santé scolaire est, selon l'auteur du rapport, un "pilotage défaillant" et "une gestion en silo des différentes professions de santé scolaire" qui était déjà étrillée en 2020 dans un rapport de la Cour des comptes (voir notre article du 3 juin 2020).
Le rapporteur spécial se dit "convaincu qu’un pilotage coordonné au niveau départemental, académique et central est absolument nécessaire pour replacer la santé scolaire au centre des préoccupations des responsables administratifs et académiques […] et pour assurer une bonne répartition des moyens sur un territoire donné".
Le rapport déplore enfin "un fonctionnement très inégal sur le territoire" : "Les moyennes nationales, qui s’établissent à 12.800 élèves par médecin et 1.303 élèves par infirmier en 2022, cachent en réalité d’importantes disparités territoriales, souvent liées au manque de personnels sur un territoire donné et à une stratégie volontariste du rectorat pour recruter des contractuels sur les postes vacants".
Quelle autorité politique et administrative ?
Naturellement, se pose de nouveau "la question de l’autorité politique et administrative en charge du développement de la santé à l’école". Robin Reda rappelle qu'il a "interrogé les différentes personnes auditionnées sur l’éventualité d’un transfert de la responsabilité des services de santé scolaire aux départements". Mais "aujourd’hui, les conditions favorables à un tel transfert de compétence ne semblent pas réunies", estime le député. Et d'argumenter : "En premier lieu, la santé scolaire reste une politique publique au service de la réussite des élèves, et concerne à la fois le premier et le second degré. Dès lors, elle ne peut être pleinement assimilée aux services de la PMI et de l’aide sociale à l’enfance au sein des départements." Par ailleurs, poursuit-il, "un tel transfert risquerait de complexifier davantage la répartition des compétences en matière de politique éducative entre l’État et les trois échelons de collectivités territoriales – régions, départements et communes – d’ores et déjà responsables de l’équipement des bâtiments scolaires". Il en conclut qu'il "apparaît peu cohérent de confier aux départements l’entière responsabilité de la politique de santé scolaire alors que ces derniers n’interviennent que dans la gestion des collèges". Il ajoute qu'"un tel transfert de compétence ne permettrait pas de résoudre la question du pilotage défaillant de la politique de santé scolaire, qui doit être porté au niveau national afin de garantir l’égalité entre les élèves en matière de santé". Il en découle une conclusion sans appel : "Il faut maintenir la politique de santé scolaire au sein des compétences du ministère de l’Éducation nationale."
S’inspirer des services municipaux de santé scolaire
Le rapporteur relève toutefois que la "performance globale" des services municipaux de santé scolaire, "qui varie d’une ville à l’autre", semble "supérieure à celle des services de l’Éducation nationale, au prix d’investissement plus conséquents de la part des villes délégataires". "Si ce modèle ne semble pas généralisable à l’échelle nationale, il peut être intéressant, pour les services de l’État, de s’inspirer de certaines bonnes pratiques, notamment en matière de pilotage et d’organisation des équipes de personnels de santé scolaire, souvent pluridisciplinaires", préconise le député.
Pap Ndiaye, présent lors de la présentation du rapport Robin Reda le 10 mai, a rappelé qu'un autre rapport "sur le devenir de la médecine scolaire" devrait prochainement être publié, probablement en juin. La loi 3DS, adoptée en février 2022, prévoit en effet la réalisation d’un rapport sur les perspectives du transfert de la médecine scolaire aux départements. Il est réalisé par trois inspections générales (IGA, IGAS et IGESR) et "devrait donner lieu à un débat pour avancer sur cette question", espère Pap Ndiaye. La médecine scolaire avait largement été débattue lors de l’examen de la loi 3DS ; une première version du texte prévoyant notamment le transfert des médecins et infirmières scolaires aux départements. Rappelons qu'en juin 2022, le conseil départemental de la Gironde avait émis le souhait "de devenir expérimentateur de la décentralisation de la santé scolaire au collège" (voir notre article du 5 juillet 2022). |