Salon Global Industrie : la réindustrialisation sur sa lancée malgré un ralentissement attendu en 2023

Le salon Global Industrie qui ferme ses portes ce 10 mars 2023 à Lyon a été l'occasion pour les acteurs du secteur, publics et privés, de mettre l'accent sur la réindustrialisation en cours en France. Les signes sont encourageants, en matière d'implantations et d'ouvertures d'usines, même si un ralentissement est prévu en 2023. Au cœur des réflexions pour concilier les enjeux de compétitivité et de décarbonation : l'écoconception des produits, l'utilisation des friches, la construction d'usines à la verticale pour économiser le foncier…

"Quand on veut, on peut." À l'image de Gilles Réguillon, P-DG de Chamatex, un groupe de création, de fabrication et de production de textile installé à Ardoix, en Ardèche, les intervenants du salon Global Industrie 2023 qui se tient jusqu'au 10 mars 2023 à Lyon sont optimistes pour l'industrie. Le groupe Chamatex que Gilles Réguillon a repris en 2011, a opéré un virage stratégique important : d'une société ardéchoise en perdition, après une phase ascendante dans les années 1990, la société s'est hissée au premier plan de l'industrie textile, en recentrant son activité sur les tissus techniques pour des grandes marques d'articles de bagagerie et de sport. La nouvelle usine entièrement robotisée permet à la société de produire des chaussures de trail. "On est en train de devenir une ETI, de mon point de vue, quand on veut on peut, a signalé le président de Chamatex lors d'une table-ronde organisée sur le salon le 8 mars. Évidemment il y a des problèmes, mais il faut avoir une stratégie, des éléments de différenciation importants, de l'innovation, et aussi une stratégie 'local to local', et savoir prendre des risques. Quand on a décidé de fabriquer des chaussures de sport en France, on m'a pris pour un dingue ; ce projet d'usine est en train de devenir un vrai succès, une opération de grande envergure." Le site s'étend sur 2.000 m2. Il représente un investissement de 10 millions d'euros pour une capacité de production de 500.000 paires de chaussures par an. "L'État, les collectivités territoriales, Bpifrance ont été des acteurs déterminants à nos côtés", a aussi expliqué Gilles Réguillon.

La France, leader européen des implantations industrielles

La volonté de réindustrialiser le pays, qui s'est fait ressentir particulièrement après la crise Covid, est en effet bien là. Et les plans successifs, plan de relance et France 2030, participent à la dynamique. "On est en train de construire la France industrielle de 2030", a ainsi clamé Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie, en ouverture du salon le 7 mars, tandis que Thomas Courbe, directeur général des entreprises, mettait en avant le rôle de premier plan qu'occupe la France en matière d'implantations d'usines. "Nous restons la première nation en termes d'attractivité en Europe, a-t-il signalé. C'est le témoignage de beaucoup d'efforts réalisés depuis ces dernières années, avec la baisse des impôts de production, la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), les actions de soutien face aux différentes crises."

Côté implantations, les chiffres de Trendeo comme de la banque publique d'investissement, font en effet ressortir de bonnes tendances, même si les opérations de relocalisation sont à nouveau à la baisse en 2022. Du côté du cabinet Trendeo, on indique ainsi qu'en 2022 comme en 2021, 80 créations nettes d'usines ont eu lieu (150 ouvertures pour 70 fermetures). "À ce rythme, quatre années permettraient d'effacer le total des pertes d'usines depuis 2009", signale son bilan annuel. 49 relocalisations sont enregistrées. Le chiffre correspond au deuxième meilleur niveau depuis 2009. Il est toutefois en forte baisse par rapport à 2021 qui affichait plus de 80 relocalisations. Mais les délocalisations sont à leur plus faible niveau depuis 2009.

Un recensement de Bpifrance présenté le 9 mars comptabilise quant à lui 76 nouvelles usines ou extensions en 2022, à l'origine de 3.000 créations d'emplois directs. 1.900 start-up industrielles et plus de 10.000 PME innovantes ont été dénombrées par la banque publique d'investissement qui craint toutefois elle aussi un ralentissement en 2023.

Un ralentissement prévu en 2023

"Malgré les crises, nous avons une perspective de production industrielle qui reste bonne, a insisté Thomas Courbe. Elle risque de baisser en 2023 mais de 1,5% seulement d'après l'Insee, cela traduit la résilience de l'industrie." Une résilience qui se voit aussi dans le fait que le mur des faillites qui a longtemps été annoncé à la suite de crise pandémique n'a pas eu lieu. "On est à 15% de moins qu'en 2019", a insisté Thomas Courbe.

Dans son étude publiée le 15 février, EY comptabilise 27.592 procédures collectives en 2021 et un exercice 2022 qui "semble se normaliser sans pour autant être comparable aux années pré-Covid avec 41.020 défaillances constatées". Une augmentation de 40% des défaillances est cela dit attendue pour les prochains mois… L'industrie fait partie des secteurs les plus touchés avec l'agroalimentaire, l'automobile, le BTP et la tech dans les régions Île-de-France, Auvergne-Rhône Alpes et Hauts-de-France notamment.

Autre enjeu discuté lors du salon : la décarbonation. "La réindustrialisation sera naturellement décarbonée sinon elle ne se fera pas pour des raisons éthiques et économiques", a affirmé Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, lors de l'ouverture du salon. Le directeur général des entreprises a quant à lui insisté sur le projet de loi Industrie verte dont on connaît maintenant les premières lignes (voir notre article du 9 mars 2023).

L'industrie verticale pour les métropoles ?

"L'industrie sera verte, et pour cela, il faut que dès la conception des produits ces enjeux soient pris en compte, avec une pression forte sur le foncier avec le ZAN (zéro artificialisation nette), a détaillé Thomas Courbe. L'un de nos sujets est de permettre que ces enjeux soient compatibles avec la compétitivité, et que notre industrie se batte à armes égales avec ses concurrents internationaux." La question de l'utilisation des friches se pose depuis plusieurs années, avec la création dans le cadre du plan France Relance d'un fonds Friches qui connaît un grand succès et dont le budget a été augmenté (voir notre article du 10 janvier 2022). "Le problème c'est que les friches sont situées à l'est du pays et que les projets se font à l'ouest, a signalé Nicolas Dufourcq. Il faut faire prendre conscience aux entreprises que si elles veulent faire de l'industrie ce n'est pas que le long de la côte atlantique. Il y a aussi le sujet des métropoles et des petites villes, les ingénieurs souhaitant rester dans une métropole, il va falloir réfléchir à faire de l'industrie en vertical." Des questions "fascinantes" d'après le directeur général de Bpifrance, et auxquelles on peut apporter des réponses car "la France est équipée pour relever tous ces défis". Nicolas Dufourcq propose de s'inspirer du modèle suisse avec une approche très pragmatique de l'industrie. "Ce pays affiche un PIB par personne trois fois supérieur à celui de la France, a-t-il expliqué. Il y a trois langues différentes, des vallées dans tous les sens, mais on pense simple, on exécute et puis c'est fait !"

 

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