Gestion de l'espace - Rural-urbain : le nombre de conflits en nette augmentation
Alors que la frontière entre le rural et l'urbain est en pleine mutation, un nouvel acteur pourrait entrer en jeu à la faveur des propositions du comité Balladur : la métropole. "Il va falloir penser le devenir de la relation entre le rural et l'urbain à l'ère de la métropolisation", a en effet insisté Christophe Bernard, secrétaire général de l'Assemblée des communautés de France (ADCF), lors d'un séminaire intitulé "la complémentarité territoriale, vers de nouveaux liens de coopération entre territoires ruraux et urbains", organisé par la Diact le 30 avril 2009, à Paris. Le colloque a surtout mis en lumière les difficultés de coopération entre les deux mondes, avec un niveau de conflictualité qui n'a cessé d'augmenter depuis dix ans. Ainsi, d'après l'analyse d'André Torre, économiste et directeur de recherche à Agro Paris Tech, le nombre d'affaires portées devant les tribunaux a largement progressé ces dernières années, avec quatre grands types de conflits : des conflits liés aux questions de constructibilité et de zonage, ceux liés aux questions d'infrastructures, avec des industries, comme celle du traitement de déchets, que les populations ne veulent plus avoir dans leur ville et qui sont donc reportées à l'extérieur. Autres sources de conflit : la chasse, et les "externalités négatives", à savoir les nuisances sonores, olfactives ou autres activités polluantes. "Il n'y a pas d'opposition frontale entre l'urbain et le rural, mais il y a des aspérités qui perdurent", a pour sa part remarqué Christophe Bernard. Pourtant des expériences menées localement permettent de dépasser cette frontière, notamment autour de l'agriculture de proximité. "Il s'agit d'expériences, comme les circuits courts, les ventes directes, les Amap (Associations pour le maintien d'une agriculture paysanne), organisées par des particuliers, qui finissent par s'institutionnaliser", a constaté André Torre. Exemple : les projets menés en région Ile-de-France dans dix zones franciliennes dont Saclay, que la région a finalement labellisés en "projets agri-urbains (PAU) de territoire" et qu'elle soutient financièrement. Autre exemple de démarche de coopération, cette fois-ci de la ville au rural : les plans locaux d'urbanisme (PLU) qui intègrent les dimensions agricoles, naturelles, paysagées, "une manière d'intégrer le rural à des dimensions urbaines", d'après André Torre. Pour Christophe Bernard, la notion de "projet de territoire" est aussi très importante pour favoriser la coopération territoriale, qui peut être favorisée grâce à un meilleur engagement des acteurs (élus, techniciens, conseils de développement), grâce à la mise en avant d'objectifs thématiques qui poussent à la coopération, à la clarification des positions de chacun, mais aussi "grâce au dialogue régional, a-t-il insisté, car c'est la bonne maille pour avoir un échange sur la coopération à établir". Mais de nombreux projets d'alliance entre le rural et l'urbain ont pêché par l'absence de maîtrise d'ouvrage. C'est en tout cas l'avis de Philippe Estèbe, directeur de l'Ihedate, l'Institut des hautes études de développement et d'aménagement des territoires européens, et professeur associé à Sciences-Po : "Le problème principal est d'arriver à construire une véritable maîtrise d'ouvrage", a-t-il en effet constaté.
Emilie Zapalski