Risques liés aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d'azote pour le traitement des déchets : le Sénat mise sur la prévention

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a adopté ce 19 février une proposition de loi sur les risques liés aux batteries au lithium et cartouches de protoxyde d'azote. Le texte vise à améliorer la prévention des accidents que peuvent occasionner ces produits dans les installations de traitement de déchets.

Batteries au lithium et cartouches de protoxyde d’azote sont aujourd’hui à l’origine de nombreux accidents dans les installations de traitement des déchets. De petite taille, les premières sont présentes dans de nombreux objets utilisés au quotidien (cartes musicales pour les jouets, télécommandes…). Lorsqu’elles ne fonctionnent plus, elles sont encore trop souvent jetées aux ordures ménagères, au lieu d’être ramenées dans des points de reprise situés en magasin. Hautement inflammables au contact de l’oxygène et de l’eau, elles ont été à l’origine de 24 incendies en 2023 dans les installations de traitement de déchets tandis qu’environ la moitié des départs de feu dans la filière sont dus à ces produits. 

De plus en plus détournées à des fins récréatives et objet d’une proposition de loi adoptée à l’Assemblée pour restreindre leur vente aux seuls professionnels (lire notre article), les cartouches de protoxyde d’azote constituent, elles aussi, un nouveau facteur de risque pour les installations de traitement de déchets et leurs personnels. Le ramassage des déchets de cartouches, souvent abandonnées sur la voie publique (aux arrêts de bus, sur les parkings, etc.), ou jetées dans des corbeilles de rues, entraîne des surcoûts importants pour les collectivités territoriales. Les résidus de gaz peuvent se conserver dans les contenants de grande taille et lorsqu’ils sont exposés à la chaleur extrême des fours des incinérateurs, ils se dilatent et peuvent provoquer des explosions. Le préjudice économique annuel lié aux réparations et aux arrêts de production résultant de ces accidents est ainsi estimé entre 15 et 20 millions d’euros. 

Pour améliorer la prévention de ces risques, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a adopté à l’unanimité ce 19 février une proposition de loi présentée par Jean-François Longeot (UC, Doubs), Cyril Pellevat (LR, Haute-Savoie) et plusieurs de leurs collègues.

Des éco-organismes conduits à participer à la prévention des risques

Le texte, qui sera examiné en séance ce 6 mars, entend d’abord faire en sorte que les éco-organismes prennent en charge la prévention et la sensibilisation aux bonnes pratiques de tri permettant de limiter les risques d'incendie liés aux batteries en lithium (art. 1er). La rédaction initiale de la proposition de loi prévoyait que les filières REP Déchets d’équipements électroniques (DEEE) et Piles et accumulateurs (PA) seraient notamment chargées de la conduite de cette campagne de communication. Un amendement de la rapporteure, Jocelyne Antoine (UC, Meuse) a été adopté afin d'y associer tous les éco-organismes concernés par l’intégration de piles et accumulateurs dans les filières qu’ils couvrent.

L’article 2 de la proposition de loi visait initialement à créer un fonds d’indemnisation des dommages causés aux installations de traitement des déchets par l’inflammation de piles et accumulateurs, financé par les producteurs des filières REP DEEE et PA afin d’assurer un partage du préjudice lié aux incendies entre les producteurs et les exploitants d’installations de traitement de déchets. Suivant la rapporteure, la commission a privilégié une approche préventive imposant aux éco-organismes de participer, notamment financièrement, à la prévention des accidents, considérant que l’intervention d’un fonds d’indemnisation constituait un dispositif moins efficace.

Changement de filière REP pour les cartouches de protoxyde d'azote...

Pour permettre un meilleur traitement des contenants de protoxyde d’azote, l’article 3 du texte transfère les cartouches et les bouteilles de gaz de la filière REP Emballages ménagers et papiers graphiques, qui traite les déchets d’emballages, à la filière REP Déchets diffus spécifiques (DDS), en charge des déchets dangereux. Cette évolution, très attendue par les collectivités territoriales, obligerait ainsi les producteurs à verser des écocontributions compensant le traitement approprié des cartouches de protoxyde de gaz et à mener des campagnes de sensibilisation auprès des consommateurs rappelant les règles de tri. Un amendement a été adopté, à l’initiative de la rapporteure, pour exclure certaines bouteilles de gaz utilisées pour des usages industriels et médicaux, qui disposent de conditionnements et de circuits de reprises spécifiques, tout comme les bouteilles de gaz individuelles pour lesquelles un dispositif de consigne existe aujourd’hui.

... avec des coûts de ramassage et de traitement à la charge du producteur

L’article 4 de la proposition de loi applique le principe du "pollueur-payeur" aux bouteilles et aux cartouches de gaz, en prévoyant la prise en charge par le producteur de protoxyde d’azote ou l’éco-organisme dont il fait partie des coûts de ramassage et de traitement des déchets issus des cartouches et bouteilles de gaz abandonnées. Enfin, la commission a clarifié l’intitulé de la proposition de loi pour refléter plus fidèlement sa finalité, en faisant référence à l’ensemble des accidents dus au protoxyde d’azote et aux batteries au lithium et à l’ensemble des installations de traitement des déchets.

Dans un communiqué diffusé ce 28 février, Federrec, la Fédération des entreprises du recyclage, du réemploi et de l’économie circulaire, assure soutenir "fermement" cette proposition de loi. L'organisation professionnelle, qui représente aujourd’hui 34.500 salariés et 1.200 entreprises, appelle ainsi à "une amélioration du cadre législatif et préventif". "Protéger les centres de tri, c’est protéger les travailleurs du recyclage et préserver une filière essentielle à la transition écologique", souligne-t-elle.

Le Cercle national du recyclage (CNR) affirme lui aussi qu’il est "plus que temps d’agir" "face à la recrudescence des accidents survenus dans les centres de tri et les unités de valorisation énergétique". Dans un communiqué diffusé ce 27 février, il demande "instamment aux autorités compétentes de mettre en place une campagne nationale de communication visant à sensibiliser le grand public sur l’importance d’un tri rigoureux de ces déchets". "Il est crucial d’informer les citoyens sur les dangers liés à un mauvais tri et sur les bonnes pratiques à adopter pour éviter des accidents potentiellement catastrophiques", souligne-t-il. "En parallèle des réflexions parlementaires sur ces sujets", le CNR demande également à renforcer la réglementation sur la gestion des déchets dangereux et à instaurer un dédommagement des collectivités par les metteurs en marché de ces produits via les systèmes de REP, comme le prévoit la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture le 29 janvier dernier.

 

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