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Risque inondation : les projets, expérimentations et solutions de l’Inrae

Les travaux développés par l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l’environnement (Inrae) ont donné lieu à plusieurs outils qui font aujourd’hui partie de l’arsenal déployé par l’État pour aider les collectivités territoriales à surveiller leur territoire, notamment pour anticiper les crues. Ce 24 novembre, quelques éléments clé en ont été présentés pour mieux comprendre et prévenir le risque inondation.

C’est le premier risque naturel en France : chaque année les inondations causent de 650 à 800 millions d’euros de dégâts, un tiers des communes de métropole y sont exposées, et 25% de la population est concernée par le débordement des rivières. "Comprendre, anticiper et protéger", sont les trois piliers indispensables pour réduire ce risque, récités comme un mantra par l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), qui en présentait un décryptage ce 24 novembre. De la connaissance des quantités de précipitations jusqu’à la gestion des masses d’eau qui menacent les habitants et les infrastructures, en passant par l’intégration de la résistance des ouvrages, autant de travaux conduits par ses équipes pour mieux comprendre ces phénomènes d’inondation et concevoir des outils et méthodes pour s’en prémunir. Le débit des rivières dépend de la pluviométrie et de la température, des paramètres qui sont d'ores et déjà affectés par le dérèglement climatique. 

Améliorer le dispositif d’anticipation des crues

Pour anticiper les changements à venir, Charles Perrin, ingénieur en hydrologie à Antony, crée des modèles de bassins versants pour mieux prévoir les crues, en partenariat avec d’autres acteurs comme Météo-France, le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) ou l’université Gustave-Eiffel. Les résultats sont mis à disposition des pouvoirs publics, au premier rang duquel le Schapi, le Service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévision des inondations, rattaché au ministère de la Transition écologique, qui édite le site d’avertissement "Vigicrues" pour les principaux cours d’eau (soit 23.000 km). Des solutions qui in fine sont à destination des gestionnaires du risque dans les territoires, notamment dans le cadre de la compétence Gemapi. Comment ne pas se laisser déborder?… D’autres pistes sont à l’étude, comme l’utilisation de prévisions de pluie ou la prise en compte de la vulnérabilité des biens et des infrastructures. L’Inrae continue de faire progresser ces outils sur la base des retours d’expérience des services de prévision de crues après des évènements majeurs. 

Des pluies plus intenses avec le réchauffement climatique

Si, sur le débit des rivières, il n’y a pas encore de signal clair, en raison de phénomènes de rétroaction climatique, comme les sécheresses, une certitude pointe : il va falloir se préparer à une augmentation des événements intenses. Ces "crues-éclair" dues à des pluies orageuses violentes et localisées, dont le cas d’école est l’épisode méditerranéen, sont certes "moins impactantes au niveau économique car elles concernent des zones plus restreintes, et notamment pas de grandes villes, mais génèrent plus de décès" (en moyenne vingt décès par an en France), constate Pierre Javelle, ingénieur en hydrologie à Aix-en-Provence.
Pour la tempête Alex, d’octobre 2020, qui a dévasté les vallées de la Vésubie et de la Roya dans les Alpes-Maritimes, jusqu'à 500 litres d'eau/m2 sont tombés, soit environ dix mois de précipitations en seulement 24 heures, entraînant la mort de 18 personnes et 1,1 milliard d’euros de dégâts. La bonne anticipation de ces crues soudaines "se heurte encore à plusieurs difficultés", reconnaît le chercheur, et tout d’abord à la faible prévisibilité et à l’évolution rapide des événements météorologiques générateurs. L’Inrae a développé, auprès du Schapi, un modèle de prévision sur les cours d’eau dans l’angle mort de Vigicrues car soumis à des réactions trop rapides. Cette méthode a donné lieu à "Vigicrues flash", conçu comme un outil d’aide à la décision des autorités locales en situation de crise, et associé au service Apic (avertissement pluies intenses à l’échelle des communes) de Météo-France. Disponible depuis 2017, il est basé sur le caractère inhabituel des débits calculés à partir des données de pluies fournies en temps réel par les radars météo comparées à des valeurs seuils. 

Des écoulements modélisés en laboratoire

Simuler en laboratoire ces crues extrêmes et les inondations qu’elles provoquent, c’est la fonction du site de l'Inrae à Lyon-Villeurbanne qui oeuvre à décortiquer les mécanismes de l’écoulement dans le lit majeur du cours d’eau. Cette plateforme expérimentale de 300 m2 comprend entre autres la maquette urbaine pour l’étude du risque d’inondation (Muri), qui permet la modélisation physique des écoulements dans les carrefours des rues d’une ville pour quantifier les risques associés et observer, notamment la diffusion des polluants. Un autre terrain d'expérimentation est dédié au débordement des rivières en plaine grâce à un modèle réduit de canal (3mx18m), dans lequel sont intégrés des éléments représentatifs de l’aménagement : des maisons (simulées par des cubes), des arbres et des forêts (simulés par des cylindres de bois) ou encore des prairies (simulées par de la pelouse synthétique). "Il faut bien comprendre que l'écoulement est modifié – ralenti ou accéléré – par le type d’occupation du sol. S’il y a seulement de la prairie ou de la prairie et des arbres, on va pouvoir, par exemple, pour une même hauteur d’eau, diminuer le débit par deux", explique Céline Berni, chargée de recherches en hydromorphologie des rivières. Il s’agit donc de regarder plus finement, à l’aide de capteurs, les mesures de vitesse, de hauteur d’eau au milieu des arbres, sur la prairie, ou encore les échanges entre le lit mineur et le lit majeur, qui eux aussi vont constituer des freins à l’écoulement. 

Quels seront les ouvrages de protection de demain ?

Mise en place de déversoirs sur les systèmes d’endiguement, systèmes complexes associant digues, barrages et canaux, ouvrages multifonctions (protection et aménagement de parkings durables, par exemple), digues traitées à la chaux, protection coordonnée aux aléas fluviaux et maritimes, à Dunkerque notamment, les pistes sont légion pour développer des ouvrages de protection "résilients". Les solutions fondées sur la nature (SFN) prennent également place dans les travaux de l’Institut, pour la réduction des risques littoraux notamment. C’est une alternative aux stratégies classiques de génie civil basées avant tout sur de la protection "dure" (digues en béton ou en remblais), qui permet d’associer des solutions plus souples, comme les dunes ou la végétation ou de concevoir des ouvrages mieux intégrés dans le milieu environnemental. Pour l’heure il y a "assez peu de retours d’expérience" et encore une certaine frilosité des décideurs, remarque Rémy Tourment, ingénieur-chercheur génie civil des ouvrages hydrauliques à Aix-en-Provence, qui fait notamment valoir la contrainte foncière due à la plus grande empreinte au sol de ce type d’endiguement. "Quand on remplace une digue en remblais qui fait 15 à 20 m de large par une digue 'solutions fondées sur la nature', il faudra peut-être 50 ou 100 m de large." 

 

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