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Crues dans les Alpes-Maritimes : un an après, où en sont les aides de l'État ?

Un an après les crues meurtrières d'octobre 2020, qui ont dévasté trois vallées des Alpes-Maritimes, Jacqueline Gourault a fait le point ce 29 septembre en conseil des ministres sur l'aide de l'État aux personnes et entreprises sinistrées et sur l'engagement des 572 millions d'euros destinés à accompagner le financement de la reconstruction. Sur le terrain, les travaux avancent et beaucoup d'activités ont repris mais certains sinistrés rencontrent encore des difficultés.

Avec 10 morts, 8 disparus et un milliard d'euros de dommages, la tempête Alex qui a dévasté début octobre 2020 les vallées reculées de la Vésubie, la Roya et la Tinée, dans l'arrière-pays de Nice et de Menton, est considérée par les experts comme la catastrophe naturelle qui a provoqué "le plus de dégâts en France métropolitaine depuis la Seconde Guerre mondiale". En conseil des ministres ce 29 septembre, la ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Jacqueline Gourault, a fait un "point de situation" sur ces intempéries au bilan colossal. 420 habitations ont été touchées, dont 180 détruites – à ce jour, 135 ménages bénéficient toujours d'un relogement pris en charge par le département des Alpes-Maritimes et la métropole Nice-Côte d'Azur, selon la ministre. Une centaine de kilomètres de routes ont été emportés et une soixantaine d'ouvrages d'art balayés ou gravement endommagés. 17 stations d'épuration ou postes de relevage ont été touchés et plus de 200 kilomètres de réseaux ont disparu.

Dispositif de dégrèvement d'impôts locaux reconduit en 2021

En lien avec la Fédération française de l'assurance (FFA), une cellule de suivi des relations entre les sinistrés et leurs compagnies d'assurances a été créée à la préfecture afin d'aider les sinistrés dans le suivi de leurs dossiers, a rappelé Jacqueline Gourault. La FFA a dénombré 13.000 sinistres pour un coût estimé à 217 millions d'euros. 92% des assurés ont reçu une première indemnisation et 89% pour les entreprises. 
Des dégrèvements d’impôts locaux (taxes foncières et taxes d’habitation) ont été accordés aux particuliers dont les logements sont détruits ou dont l’accès ou l’occupation sont devenus impossibles (450 habitants concernés) pour un montant global de plus de 300.000 euros. Ce dispositif est reconduit en 2021, a indiqué la ministre. 
Les entreprises sinistrées ont également eu la possibilité d’obtenir des délais de paiement. Pour les locaux professionnels détruits ou impossibles d’accès, la cotisation foncière des entreprises 2020 a été dégrevée à titre gracieux. Par ailleurs, toutes les mises en recouvrement ont été stoppées et le fonds d’aide d’urgence catastrophes et intempéries a été activé pour les travailleurs indépendants.

Fonds de soutien aux entreprises bientôt mis en place avec les collectivités  

Un fonds de concours destiné à soutenir les entreprises dans la reconstitution de leur outil de travail sera mis en place en octobre en partenariat avec les collectivités locales, a aussi annoncé la ministre. Un dispositif d’accompagnement des hôtels du hameau de Castérino à Tende, dont l’unique route d’accès a été détruite et qui restent enclavés, sera également activé en octobre.
En juin dernier, après l’évaluation du coût des dégâts, Emmanuel Macron a annoncé l’engagement de l’État à hauteur de 572 millions d’euros pour accompagner le financement de la reconstruction. La ministre de la Cohésion des territoires a alors été chargée de veiller à ce que ces crédits soient rapidement mis à disposition des maîtres d’ouvrage dans le cadre du conseil de la reconstruction qui réunit l’État, les élus locaux et les parlementaires des Alpes-Maritimes.

150 millions d'euros pour des opérations de reconstruction résiliente et l'accompagnement de projets de développement

"La mobilisation de l’ensemble de ces crédits est rapide", a affirmé Jacqueline Gourault ce 29 septembre. À ce jour, la totalité de la dotation de solidarité, dédiée à la reconstruction des infrastructures et des équipements détruits ou dégradés, a été engagée (143 millions d’euros). Une enveloppe exceptionnelle de 150 millions d’euros sera contractualisée avec les collectivités locales pour soutenir des opérations de reconstruction résiliente et accompagner des projets de développement. La programmation de ces crédits fait actuellement l’objet d’échanges entre l’État et les collectivités territoriales pour déterminer les opérations les plus pertinentes pour le territoire et la répartition des participations financières. "Une partie de l’enveloppe fera l’objet d’une approche innovante avec la mise en oeuvre d’une dynamique territoriale qui associera les élus et une concertation citoyenne", a souligné la ministre. Le fonds de solidarité de l’Union européenne (FSUE) a été accordé par la Commission européenne à hauteur de 59,3 millions d’euros pour la remise en fonctionnement des infrastructures et des équipements de réseaux, la reconstruction des édifices et équipements publics et des routes et les services d’urgence à la population.

Montants records pour le fonds Barnier 

Avec près de 120 millions d’euros, le fonds de prévention des risques naturels majeurs ou "fonds Barnier" interviendra sur "des montants jamais atteints en France métropolitaine", a affirmé Jacqueline Gourault. Ces crédits financeront des mesures d’indemnisation des biens détruits par la tempête, de délocalisations d’habitations situées aujourd’hui en zone de danger (plus de 420 biens concernés) et permettront de réaliser des opérations de protection dans le cadre de la mise en place des futurs plans de prévention et de protection. À ce jour, les démarches de délocalisations sont engagées pour 211 biens et les premières indemnisations sont intervenues en juillet, a précisé la ministre. Quant aux collectivités territoriales, qui ne sont pas assujetties à la TVA, elles recevront de l’État une compensation au titre du fonds de compensation de la TVA (FCTVA), estimée à 100 millions d’euros.

Travaux de reconstruction du réseau ferroviaire 

Sur le terrain, les collectivités territoriales maîtres d’ouvrage ont engagé, avec l’appui de l’État, des travaux de reconstruction. La ligne de chemin de fer Nice-Tende a été réouverte le 3 mai 2021 après de lourds travaux financés par l’État, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et le département des Alpes-Maritimes. Les travaux se poursuivent en collaboration entre SNCF Réseau et le gestionnaire italien (RFI) sur les liaisons Breil-Vintimille, dans le but de rouvrir les circulations en début d’année 2022. "Des discussions sont en cours avec les acteurs italiens afin d’optimiser les circulations au bénéfice de la desserte Tende-Nice", a aussi indiqué Jacqueline Gourault. Quant à la reconstruction pérenne de la majeure partie des infrastructures, elle devrait intervenir "avant la fin 2022".

"Plaie ouverte" 

"On est encore dans la plaie ouverte. Mais heureusement il y a des travaux, colossaux, indescriptibles", salue Jean-Pierre Vassalo, le maire de Tende, l'une des communes les plus touchées. "Nous sommes maintenant dans la phase de reconstruction, (...) on est loin du lendemain de la catastrophe où on se disait : 'pendant cinq ans, on n'aura plus rien !'" De fait, tout au long des routes rétablies, parfois sur une seule voie, le long de la Roya, des dizaines d'agents s'affairent pour renforcer les arcatures d'un pont SNCF, évacuer les carcasses de voitures, reconstruire une digue.
"Nous reconstruisons, mais il faut aussi des projets de développement économique, améliorer la mobilité, développer le tourisme et l'hébergement, ou encore favoriser une agriculture d'excellence", souligne Xavier Pelletier, préfet délégué chargé de la reconstruction des vallées.

Enjeux touristiques 

Le désenclavement de la vallée de la Roya, qui passera par la reconstruction complète du réseau routier, implique également "une multiplication" des fréquences des trains et des horaires "mieux adaptés" aux habitants, aux scolaires ou aux touristes, plaide Jean-Pierre Vassalo. Lieu de villégiature historique des Niçois, la Vésubie dispose de forts atouts touristiques, mais qu'il faut continuer à développer, tel le parc du Mercantour, à cheval sur les trois vallées, ou encore le parc Alpha, dont plusieurs loups s'étaient échappés. Ce parc, qui vient d'accueillir une nouvelle meute de loups, a pu rouvrir cet été, avant de refermer ses portes pour travaux, jusqu'au printemps. Quant à la Tinée, avec ses hauts sommets et ses stations de ski d'Auron, Isola 2000 et La Colmiane-Valdeblore, elle espère pouvoir connaître une saison complète, après une saison blanche en raison de la crise sanitaire.

 
  • Des sinistrés au sort contrasté

Sinistrés des crues d'octobre 2020 dans la Vésubie et la Roya, l'AFP les avait rencontrés au lendemain du désastre. Un an plus tard, certains ont réussi à repartir de l'avant, d'autres attendent encore, entre combat avec les assurances et travaux en cours.
 Jean-François Roux, 45 ans, maçon à Saint-Martin-Vésubie :
"J'avais cette grange de famille dans laquelle j'ai pu recréer un entrepôt, car on avait tout perdu. Pour racheter le matériel, on a mis quatre ou cinq mois. Maintenant, on est contents de reprendre l'activité, on travaille quasiment dans des conditions normales. Sur Saint-Martin, il va se créer une zone artisanale sur laquelle on pourra se relocaliser. Moi j'ai de la chance, j'avais un petit peu de trésorerie, mais c'est vrai, beaucoup d'associations nous ont aidé à racheter du matériel, je les remercie beaucoup. Le département des Alpes-Maritimes nous a bien aidés aussi financièrement, il y aura encore une aide sur présentation de factures. Sans ça, ç'aurait été vraiment compliqué. On est une petite entreprise artisanale, on est trois ou quatre à travailler. Dans le malheur des gens, l'activité est repartie car il faut beaucoup reconstruire. La catastrophe, j'essaie de ne pas trop y penser, c'était vraiment dur."
   
Yvon Dalmasso, 67 ans, retraité à Breil-sur-Roya :
"Moi je n'ai eu que très peu de dégâts. Je fais partie d'une association et depuis on aide tous ceux qu'on peut aider. Dimanche (26 septembre), on a terminé de déboucher le canal du Mont, long de 200 mètres, qui existe depuis 1928 et qui était bloqué par de l'argile et du sable. Depuis six mois, avec de nombreux bénévoles, on a retiré 250 mètres cubes de limon à la brouette. Ce canal permet d'acheminer l'eau vers 168 maisons pour le jardin et les cultures. Nous voulions avoir terminé avant la date anniversaire."
   
Hélène Rey, 55 ans, gérante de deux épiceries à Breil-sur-Roya :
"Après la tempête, nous avons été en contact avec l'expert de notre assurance, Allianz. J'ai ensuite envoyé des mails, pas de réponse. Puis on a tout nettoyé et on a eu notre premier rendez-vous officiel sur place en février. On a fait faire des devis, mais rien n'avance. On a reçu une offre de l'assurance qui était ridicule. Mes deux supérettes sont donc toujours fermées. À 55 ans, avec une fille étudiante, je vis sur le dos de mon mari qui est artisan. J'ai licencié un salarié, il en reste quatre en chômage partiel.
Au début, j'étais très optimiste, mais je désespère. Je n'en veux pas à mon agent d'assurance, c'est plus haut que ça bloque. Nous en avons pour 500.000 euros de travaux, dont un monte-charge indispensable mais qui n'est même pas dans l'offre, et ils nous font une offre du tiers du montant. Notre expert d'assurés vient de refaire une offre, on attend." 
   
Arnaud Leclerq, 45 ans, propriétaire d'un camping à Roquebillière :
"Le camping est réparé. Le réseau routier est entièrement réparé, mais cette saison a été plus dure que les autres car les touristes n'étaient pas forcément au courant que nous étions ouverts. Nous avons ouvert fin juin, donc au niveau communication, c'était très court pour juillet-août. On a fait face. 
Des campeurs ont annulé des séjours dans d'autres départements quand ils ont su qu'on avait rouvert. Il y a des nouveaux mobil-homes qui arrivent dans 15 jours. Les crues, c'est un mauvais souvenir. De cette tempête Alex, j'ai appris que j'ai une digue de 8 mètres de haut qui est très grosse et qui a résisté à un événement qui visiblement n'arrive que tous les 500 ans. On est venu sonder ma digue pour la reproduire en amont et en aval de mon camping. Et je continue à évacuer le camping la veille des alerte orange. Parfois pour rien." Propos recueillis par l'AFP


 

 

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